Intéressons nous à la genèse de l’introspection qui prend sa source chez les philosophes. Le spiritualisme défend des concepts tels que l’inconscient, l’intuition et la foi. L’introspection qui serait un moyen potentiel de vouloir se rapprocher de Dieu ou de mieux le comprendre peut avoir discrédité quelque peu l’approche par l’introspection.Selon moi, le réel frein ou l’inconvénient majeur à l’introspection spontanée, c’est que mon « moi », cherchant en permanence à me protéger, met en place l’ensemble des mécanismes de défense qui m’empêche de bien me connaître. Tout trauma enfoui, d’une manière ou d’une autre, m’empêchera (mon moi à travers les mécanismes de défense mis en place) d’explorer certaines zones de mon esprit nommées « aveugles » ou « inconnues » dans l’approche « Johari ». Si en suscitant le feed-back de mon entourage j’ai la possibilité d’explorer ma zone « aveugle », j’aurai besoin de la psychologie à la troisième personne (en d’autres termes de l’introspection provoquée), et de tout le talent professionnel du thérapeute, pour explorer mes zones « inconnues ».
Ceci nous amène naturellement à nous pencher sur les limites de l’introspection provoquée. L’avantage principal de cette approche est que si elle est dirigée et encadrée de façon précise par un professionnel, avec un objectif précis, elle donne la liberté nécessaire au sujet pour qu’il explore lui-même sa partie inconsciente pour trouver les ressources thérapeutiques à son mal. En effet, si par exemple j’arrive, par la dissociation dirigée par un professionnel, en tant que sujet, à retourner à la genèse de mon mal (qui trouve très souvent sa source durant mon développement d’enfant ou d’adolescent) qui provoque chez moi une émotion ou un comportement inadapté, rien ne m’empêchera d’y envoyer toutes les ressources de l’adulte que je suis devenu, avec toutes ses forces et ses capacités, et donc de « nettoyer » le mal. La limite majeure de cette approche, c’est qu’elle part du principe que toutes les personnes sont capables d’exprimer et de nommer leurs émotions (ne souffrent pas d’alexithymie), savent construire des images cérébrales, font confiance au thérapeute et acceptent l’introspection dirigée, que leur « moi » ne mettra pas en place de nouveaux mécanismes de défense, et qu’aucun transfert ou contre-transfert ne viendra perturber l’approche.
Si l’introspection provoquée a ses limites, elle est probablement à l’origine de la psychologie expérimentale, et ceci grâce, entre autre, aux tests d’attitude ou d’intelligence dont Alfred Binet fut un parfait représentant. En outre, les psychologues de l’école de Würzburg utilisèrent largement l’introspection provoquée dans leurs expérimentations. C’est en multipliant l’échantillon étudié, et en définissant un cadre d’expérimentation précis, que ces psychologues ont pu émettre des conclusions « fiables », les informations ne venant pas d’un seul sujet. D’ailleurs, de nos jours, nous utilisons toujours ces tests dits de « personnalité » en entreprise ou des sondages d’opinion. S’il est probable que des erreurs sont inévitables à cause des échelles choisies, il semble que les résultats fournis donnent satisfaction aux gens qui les utilisent (marketing, médias, ressources humaines, hommes politiques…). Dans ce contexte l’introspection provoquée dans un but d’expérimentation ne devient-elle pas automatiquement « psychologie expérimentale » ?
Au fait, qu’est-ce qui fait qu’une démarche devient scientifique ? Il faut pouvoir dépasser le cadre purement descriptif comme c’est le cas dans l’introspection, spontanée ou provoquée, pour un cadre explicatif. Pour qu’une connaissance scientifique soit établie, il faut respecter une méthodologie scrupuleuse dans le processus qui, à partir d’une observation objective des faits, permet de dégager des hypothèses qui, une fois vérifiées, deviennent, grâce à l’expérimentation, des explications scientifiques ou des lois.
La psychologie respecte-elle cette approche scientifique ? Tout dépend de la branche d’étude observée car la psychologie, comme la médecine, regroupe beaucoup de domaines, la psychopathologie clinique, la neuropsychologie, la psychiatrie, la psychanalyse, la psychothérapie… Si certains comme la psychiatrie sont reconnus en tant que science, que dire de la psychanalyse ou de certaines techniques psychothérapeutiques qui font couler beaucoup d’encre. Si les premiers justifient leur « savoir », ayant un doctorat, les autres sont considérés, s’ils ne peuvent justifier d’un diplôme reconnu (même dans le cas où ils procurent un bien être à leurs patients), comme des « charlatans ».