Jeanne de Kent, comtesse de Salisbury, princesse de Galles (1328-1385)

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joanofkentDame d’honneur de Philippa reine d’Angleterre

Née le 29 septembre 1328 à Woodstock, Kent
Décédée le 8 aout 1385 à Wallingford Castle, Berkshire
Inhumée le 29 janvier 1386 à l’église des Frères Gris à Stamford, Lincoln

Le surnom de « Fair maid of Kent » (la « plus jolie fille du Kent ») fut donné par les écrivains du XIXème siècle à celle qui fut la mère du roi Richard II, roi d’Angleterre, et l’unique épouse d’Edouard, le Prince Noir (fils aîné d’Edouard III). C’est un surnom que ses contemporains n’utilisèrent jamais. Cependant, sa beauté est restée célèbre à travers les siècles et lui a permis de séduire le terrible Prince Noir. Instigatrice (bien malgré elle) de l’Ordre de la Jarretière lorsqu’elle s’appelait encore la comtesse de Salisbury, elle bouleversa bien des cœurs.

A l’âge de deux ans, Jeanne de Kent devint orpheline de père : celui-ci, Edmund de Woodstock, comte de Kent, fut arrêté en pleine nuit le 19 mars 1330, et emmené à Windsor pour y être jugé. Edmund de Woodstock était le plus jeune fils du roi Edouard 1er et de sa deuxième épouse, la jolie Marguerite de France. Ecarté du trône par la présence de son frère aîné, Edouard II (né, lui, du premier mariage de leur père), le jeune homme n’avait pas tardé à comploter contre son frère, et il avait pris le parti des barons anglais révoltés contre Edouard II, barons qui avait à leur tête la propre épouse délaissée d’Edouard II, la reine Isabelle de France, fille du roi de France Philippe IV le Bel.

 Cette dernière n’avait pas tardé à emprisonner cet époux qu’elle détestait (notamment pour ses tendances homosexuelles) et l’avait forcé à abdiquer en faveur de leur jeune fils, Edouard, le futur Edouard III. Peu de temps après son abdication, Edouard II fut assassiné dans la nuit du 3 au 4 avril 1327 au château de Berkeley, par un moyen très cruel : n’ayant jamais caché ses pulsions homosexuelles qui lui avaient fait préférer ses favoris à sa femme, celle-ci ordonna aux geôliers de rougir une barre de fer, et de l’introduire dans ses intestins afin que ses organes vitaux soient brûlés. Les cris du malheureux glacèrent d’effroi les paysans des alentours, et il rendit l’âme quelques heures après. Son corps fut exposé afin que tous puissent voir qu’il ne portait pas de coups mortels (et pour cause !).

 Le roi mort, Edmund de Woodstock, comte de Kent, fit partie du conseil de Régence après le couronnement du jeune Edouard III en 1327. Ayant une grande influence sur le jeune roi de quinze ans, qui était aussi son neveu, le comte de Kent ne tarda pas à se faire un ennemi mortel de Roger Mortimer, amant de la reine mère Isabelle. Désireux de conserver le pouvoir pour lui tout seul, Mortimer projeta la perte du comte de Kent. La veille d’être exécuté, le comte appris qu’il était condamné à perdre la vie et ses biens par le Parlement, pour crime de lèse-majesté. Son supplice fut hâté pour que sa grâce ne puisse intervenir (car Edouard III, pas totalement convaincu de sa culpabilité, pouvait encore fléchir). L’historien Hume indique : que le comte de Kent était si généralement aimé du peuple que si on avait trouvé aisément des pairs pour le juger, on eut beaucoup de peine à lui trouver un bourreau et la nuit vint avant qu’on put y réussir.

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Le château d’Arundell (dans le Kent) où se réfugia la mère de Jeanne de Kent après l’exécution de son époux

 Néanmoins, on trouva quelqu’un que la besogne ne rebutait pas, et le comte de Kent (âgé seulement de vingt trois ans) eut la tête tranchée à Windsor le 20 mars 1330. Il laissait une jeune épouse enceinte de huit mois, Margaret Wake, ainsi qu’un fils Edmund (né en 1326) et deux fillettes, Margaret, et la petite Jeanne, âgée de deux ans. Le 7 avril 1330, Jeanne devenait la marraine de son frère né posthume, qu’on baptisa John. C’était alors une jolie petite fille blonde, pleine de vie et de charme.

 La famille vivait retirée au château d’Arundel, lorsque la jeune reine Philippa de Hainaut, épouse d’Edouard III, vint leur rendre visite. Charmée par la beauté de Jeanne, elle demanda à Margaret Wake de lui confier l’éducation de la cadette qui serait élevée avec ses futurs enfants. La mère accepta, et Jeanne partit vivre à Woodstock, où la reine mit au monde son premier fils qu’on baptisa Edouard, le 15 juin 1330, et qui serait un jour le futur Prince Noir.

C’est ainsi que Jeanne se pencha peut être sur le berceau de son futur mari. La même année que l’exécution de son père, son meurtrier, Roger Mortimer, fut lui aussi arrêté, pendu et écartelé comme un vulgaire malfaiteur. Edouard III prenait les rênes du pouvoir pour ne plus jamais les lâcher : il relèguera sa mère, Isabelle de France, folle de douleur à la mort de son amant Roger Mortimer, dans un château loin de la cour. Le jeune Edouard III (il avait dix huit ans) devint dès lors obnubiler par ses droits légitimes au trône de France.

 En effet, par sa mère, Isabelle, il était le petit fils du roi Philippe IV le Bel, et le trône de France avait été attribué par les pairs du royaume de France à Philippe de Valois, lorsque les fils de Philippe IV le Bel étaient morts, les uns après les autres, sans descendance mâle (voir « les Rois Maudits »). Ce qui n’était pas le cas de la fille du roi, Isabelle, reine d’Angleterre, et Edouard ne tarda pas à réclamer le trône de France de par la loi salique qui permettait en Angleterre aux femmes de transmettre leur héritage, Edouard III oubliait seulement qu’en France, cette loi n’avait aucune légitimité.

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Philippa de Hainaut, épouse d’Edouard III fit de Jeanne de Kent une de ses dames d’honneur

 En 1340, Edouard III prit le titre de roi de France (en théorie seulement !) et emmena sa femme Philippa avec lui sur le continent. La reine confia alors la garde de Jeanne de Kent au comte et à la comtesse de Salisbury pendant son absence d’Angleterre. Ses derniers avaient un fils, William, né la même année que Jeanne, et qui était un compagnon de jeux de l’héritier Edouard (le futur Prince Noir). Jeanne, âgée de douze ans, ne s’intéressait pas à William, et soupirait en secret pour un modeste chevalier servant les Salisbury, le très beau Thomas Holland, qui avait huit ans de plus qu’elle. Le chevalier aurait pu sourire de l’engouement de cette gamine qui était, de plus cadette de famille, mais il tomba lui aussi sous le charme de Jeanne, et de sa silhouette qui faisait tourner la tête de tous les hommes de Salisbury.

 Les deux jeunes gens ne tardèrent pas à s’avouer leur amour réciproque, et en 1342, Jeanne et Thomas jurèrent devant Dieu et des témoins qui leur étaient favorables d’être mari et femme. A l’époque, ce genre de serment avait valeur de mariage, c’était une forme de concubinage officiel. Jeanne se donna à Thomas, et le couple vécut dans la clandestinité la plus complète, car les Salisbury, gardiens officiels de Jeanne de Kent, rêvaient de donner Jeanne à leur fils William, qui en était très amoureux.

A la fin de l’année 1343, Thomas Holland, désireux de gagner la fortune qui pour l’instant ne lui souriait pas, décida de partir combattre en Prusse. Malgré les larmes de Jeanne, il s’embarqua en promettant de revenir vite et suffisamment riche pour demander sa main. Les mois qui suivirent n’apportèrent guère de nouvelles de Thomas, et en janvier 1344, William Salisbury, le père de son amoureux transi mourait lors d’un tournoi. Son fils héritait de ses domaines et de son titre. Il demanda alors la main de Jeanne. Celle-ci, qui se croyait oubliée de Thomas dont elle était sans nouvelles, accepta sa demande. Certains chroniqueurs dirent qu’on l’y força pour cacher le scandale de son mariage secret. Le roi Edouard III combla le nouveau couple de bienfaits et la nouvelle comtesse de Salisbury alla s’installer dans le lugubre château de Mold dans le nord du pays de Galles.

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Jeanne de Kent, comtesse de Salisbury, et la reine Philippa de Hainaut font route vers Calais (Toussaint 1346)

 Les Salisbury partageaient leur temps entre Londres et le château de Wark à la frontière écossaise où la comtesse de Salisbury, la belle mère de Jeanne, s’était retirée. A Londres, la reine Philippa qui n’avait pas oublié la jolie fillette de jadis, invita Jeanne de Kent, comtesse de Salisbury à devenir l’une de ses dames d’honneur. Ravie de retourner à la cour, et avec la bénédiction de son mari, Jeanne revint à Londres en 1347.

Là, elle fit ses préparatifs pour accompagner la reine Philippa qui allait rejoindre son mari en France. Celui-ci faisait depuis plusieurs mois le siège de la ville de Calais, qui résistait toujours. Réclamée par son époux, Philippa qui l’adorait, se faisait une joie de le revoir. Jeanne de Kent fit la traversée de la Manche en compagnie d’autres dames d’honneur et arriva à Calais le jour de la Toussaint 1346.

Le premier soir, Jeanne de Kent fut présentée à Edouard III qui ne l’avait pas revue depuis longtemps. Le roi eut un regard admiratif pour cette jeune femme blonde au teint de lait, et à la silhouette divine. Il ne fut pas le seul à se pétrifier devant la beauté de Jeanne : son fils, le Prince Noir, béait d’admiration, de même qu’un jeune chevalier que Jeanne reconnut sans difficulté : c’était Thomas Holland, qui comme il l’avait promis trois ans plus tôt, s’était couvert de gloire sur les champs de bataille. Il avait guerroyé en Guyenne, participé à la bataille de l’Ecluse avec Edouard III, fait le siège de Tournai, de Mantes, de Vannes, prit la ville de Caen et à Crécy, il avait commandé un détachement de l’armée du Prince Noir qui l’aimait beaucoup.

 Thomas, ému de retrouver en Jeanne de Kent, cette comtesse de Salisbury dont on louait sans cesse la beauté, s’empressa de l’attirer discrètement à l’écart pour lui demander quelles étaient ses intentions. La jeune femme qui n’avait jamais oublié son premier amour lui démontra sans doute qu’elle n’aimait pas le comte de Salisbury, et que s’il voulait toujours d’elle, elle était prête à entamer des procédures, qui, il le savait tous les deux ne seraient pas faciles. Puis, ils retournèrent tous les deux là où avait lieu le bal donné en l’honneur de l’arrivée de la reine d’Angleterre. Jeanne y participa avec toute la fougue de sa jeunesse, heureuse d’avoir retrouvé l’homme qu’elle pensait avoir perdu. C’est au cours d’une danse avec le roi d’Angleterre qu’elle perdit sa jarretière bleue. Voyant la confusion de la jeune femme, dont la perte de cet accessoire indiscret venait de provoquer rires et murmures, Edouard III avait attaché ladite jarretière autour de son genou en proclamant « honni soit qui mal y pense ».

 La jarretière de Jeanne de Kent allait devenir prétexte pour le roi d’Angleterre qui rêvait depuis des années de créer un ordre de chevalerie. Ceux qui avaient ri de l’incident seraient maintenant fiers et heureux d’arborer un ruban bleu sur leur genou gauche, avec la devise « honni soit qui mal y pense ». On ne sait si le comte de Salisbury apprécia l’anecdote, mais il fut l’un des premiers à être décoré de l’Ordre de la Jarretière.

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La bataille de l’Ecluse où Thomas Holland se distingua (24 juin 1340)

 Le siège de Calais se termina en juillet 1347 : les assiégés vaincus par la faim se rendirent aux Anglais. Edouard III promit de ne pas mettre la ville à sac, mais six bourgeois devaient donner leur vie pour sauver celle de leurs concitoyens. La reine Philippa, douce et sensible au sort de ces six hommes, se jeta aux pieds de son époux pour obtenir leur grâce. Le roi la lui accorda bien volontiers d’autant qu’elle était enceinte, et qu’il l’aimait beaucoup. La cour retourna alors en Angleterre, et Jeanne retrouva son époux. Thomas Holland, quant à lui, adressa une requête au pape Clément VI pour annuler le mariage de Jeanne avec Salisbury dans le courant de l’année 1348. Ce dernier prit très mal la chose, et séquestra sa femme dans ses terres ; furieux, Thomas Holland provoqua, en vain, dans un tournoi le comte de Salisbury lors des fêtes de la Noël 1348. Mais il dut encore patienter une année avant que le verdict du pape ne soit définitif : le 13 novembre 1349, un rapport du pape annulait le mariage Salisbury, Jeanne de Kent était rendue à son véritable époux, Thomas Holland.

Folle de joie, elle retrouva Thomas (qu’elle n’avait pas vu depuis deux ans), pour une vie conjugale qui allait durer onze ans. Jeanne de Kent accompagna son époux en France où il reçut le titre de lieutenant du roi d’Angleterre pour la Bretagne et le Poitou avec droit de jouir de tous les revenus. En 1356, Thomas Holland fut nommé gouverneur des îles de Jersey et de Guernesey. Son train de vie était très dépensier, mais Jeanne se surpassait : elle dépensait sans compter dans des artifices de toilette, des robes de brocart, des colliers de perle qu’elle disséminait dans sa belle chevelure. Ne côtoyant que les femmes de capitaines anglais ou leurs maîtresses lorsqu’elle était en France, on pense qu’elle souhaitait par la richesse de ses vêtements montrer à celles-ci qu’elles n’étaient vraiment pas du même monde. Mais tout ce luxe coûtait cher, cependant, en 1352, Jeanne eut la chance d’hériter de toutes les terres de son frère John et de sa sœur Margaret qui venaient, tous deux, de mourir. Son autre frère, Edmund, était mort sans héritier en 1333, de même que sa mère minée par le chagrin d’avoir perdu si tragiquement son mari. Ainsi, Jeanne de Kent devenait comtesse de Kent et lady Wake of Liddell, l’une des plus riches femmes d’Angleterre. Edouard III lui attribua en outre, à cette époque une pension viagère de 100 marks.

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Edouard III aimait les tournois, la comtesse de Salisbury y assistait souvent en tant que dame d’honneur de la reine Philippa

 Son mari, Thomas Holland prit alors du chef de sa femme le nom de comte de Kent, et retourna bientôt en France, emmenant de nouveau sa femme en 1358. Ils y demeurèrent deux ans, et lors du traité de Brétigny signé entre les français et les anglais, Holland fut assigné pour « détruire toutes les forteresses occupées et empêchées en toute Normandie, Anjou, Maine et ailleurs ».

 C’était une rude tâche, d’autant que Thomas Holland était victime des sarcasmes des capitaines qu’il devait soumettre. On rapporte que l’un d’eux lui déclara que « si lui ne savait pas gardé sa femme, il saurait lui, garder sa forteresse ».

 Car des rumeurs, fondées ou non, couraient sur Jeanne de Kent et le Prince Noir. En effet, l’héritier du trône, qui avait tenu deux des enfants du couple Holland sur les fronts baptismaux n’était toujours pas marié (1) et on racontait qu’il était secrètement fou amoureux de la belle comtesse de Kent. Déprimé par ces rumeurs, malade (peut être de la peste), Thomas Holland se mit à dépérir peu à peu. Le 28 décembre 1360, il rendait son âme à Dieu alors qu’il se trouvait à Rouen. Jeanne de Kent, effondrée de chagrin, retourna en Angleterre auprès des cinq enfants qu’elle avait eu de Thomas Holland : Edmund, Thomas, John, Jeanne et Maud (2).

 Si Jeanne s’était plongée dans un deuil austère et désirait se retirer du monde, le monde lui, ne l’oubliait pas. En effet, de nombreux prétendants se déclaraient prêts à briguer la main de la belle veuve, qui était de plus, fort riche, et l’un d’eux, Bernard Brocas, capitaine du Prince Noir, était si timide qu’il demanda au Prince d’intercéder en sa faveur auprès de la belle. Sans conviction, Edouard, qui était à cette époque un séduisant athlète à la longue chevelure blonde plaida la cause de son ami. Jeanne de Kent, qui était fine mouche, et que la perspective de devenir future reine d’Angleterre ne répugnait pas, jura alors qu’elle s’était promise à un autre chevalier, mais que celui-ci lui était inaccessible. Intrigué, le Prince Noir insista pour savoir le nom de l’élu. Jeanne alors lui murmura « très cher et très redouté seigneur, c’est vous, et pour l’amour de vous, jamais à mes côtés chevalier ne sera ».

Troublé et ému, le Prince Noir déclara : « dame, j’en fais le vœu à Dieu, je n’aurai nulle autre femme si ce n’est vous ».

 Le Prince Noir qui avait soupiré en silence auprès de la belle Jeanne voyait enfin ses vœux se réaliser. Son père, Edouard III, ne fit aucune difficulté pour accélérer la dispense papale qui leur permettrait de se marier, car ils étaient tous deux cousins. De plus, la fortune de Jeanne allait servir les intérêts du trésor royal. Le peuple anglais fut, lui, fort mécontent de cette alliance qui privait leur prince d’un appui étranger.

 Le 10 octobre 1361 le mariage fut célébré à Cantorbéry par Simon Islip, archevêque de Cantorbéry , puis le jeune couple partit pour le château de Berkampstead, résidence préférée du Prince Noir : il avait trente et un ans, elle en avait trente trois. L’avenir s’annonçait radieux, d’autant que le prince couvrait sa femme de cadeaux et s’endettait dangereusement. Le 19 juillet 1362, Edouard III désireux de donner à son fils un territoire où son génie politique pourrait s’épanouir le fit prince d’Aquitaine. La fin de l’année 1362 accéléra les préparatifs de départ : le prince était si endetté qu’il fit son testament et hypothéqua tous ses biens en faveur de ses créanciers. Puis, en février 1363, la flotte du Prince Noir prit la direction de La Rochelle où on les reçut, lui et son épouse, selon Chandos « à grande joie, moult festoyés bien honorés et reçurent des dons et de beaux joyaux ».

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L’ordre de la Jarretière : « honni soit qui mal y pense »

  A Poitiers, le Prince Noir reçut les feudataires qui lui prêtèrent serment, puis, il emmena sa femme à Bordeaux, où serait leur résidence principale. En 1365, Jeanne de Kent, princesse d’Aquitaine accoucha à Angoulême d’un premier fils qu’on baptisa Edouard. Fou de joie, le Prince Noir ordonna de grandes fêtes et se ruina un peu plus.

  Dans le courant de l’année, ils furent invités à Tarbes par le comte d’Armagnac, ancien adversaire du Prince Noir, et là une anecdote nous est parvenue de l’influence de Jeanne de Kent sur les hommes. Le comte d’Armagnac devait toujours une rançon de 250 000 livres au comte de Foix, le célèbre Gaston Phébus. Désespérant de réunir les fonds, il eut l’idée de demander au Prince Noir d’intervenir en sa faveur. Le prince refusa tout net, alors le comte d’Armagnac se tourna vers Jeanne de Kent. Celle-ci accepta, et installé auprès du séduisant comte de Foix lors du festin, elle entreprit de baisser la rançon de son hôte. Elle réussit à enlever 50 000 livres de la rançon du comte d’Armagnac, le comte de Foix étant ravi de faire un geste galant envers la superbe jeune femme.

 Mais une nouvelle guerre s’apprêtait à arracher Jeanne à son époux. Le Prince Noir avait décidé de secourir le roi de Castille, Pierre le Cruel (3), qui venait d’être chassé de son trône par son demi-frère qu’il détestait, Henri de Trastamare, soutenu, lui, par Charles V roi de France et par son fameux connétable Du Guesclin.

Toujours criblé de dettes, le Prince Noir pensait être royalement récompensé pour son action par le roi de Castille fugitif, qu’il hébergeait à Bordeaux. Il prépara avec soin sa campagne, rassembla ses capitaines, et passa un traité avec le roi de Navarre pour franchir les Pyrénées à Roncevaux. Cette nouvelle campagne menaçante agit sur la santé de Jeanne qui était alors enceinte à nouveau, et le 5 janvier 1367, elle accouchait d’un garçon prématuré que l’on prénomma Richard (et qui devait devenir le futur roi d’Angleterre). Rassuré sur l’état de son épouse, et toujours déterminé, le Prince Noir partit avec son armée et franchit les Pyrénées pour remporter une victoire importante à Najera, rendant son trône de Castille à Pierre le Cruel qui allait se révéler bien ingrat. Le Prince Noir fit, de plus, un prisonnier de choix en la personne de Du Guesclin qu’il ramena avec lui en Aquitaine en septembre 1367 contre rançon.

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Bordeaux, au moyen âge, ville où Jeanne de Kent séjournera de 1362 à 1371

 Ainsi, l’homme le plus laid de France devait rencontrer la plus belle femme d’Angleterre. L’accueil du retour fut délirant à Bordeaux, et Jeanne vint au devant de son époux, accompagné du jeune Edouard. Le couple s’embrassa tendrement avant de regagner le palais de Bordeaux. Hélas, le prince était revenu malade d’Espagne, et, peu à peu, gagné par l’hydropisie, il devint impotent. Les ennuis se succédèrent, les nobles gascons ulcérés par de nouveaux impôts se tournaient vers le roi de France, réclamant sa protection. Le roi de Castille, Pierre le Cruel, n’ayant tenu aucune de ses promesses financières, le Prince Noir était obligé de renflouer les caisses par tous les moyens. Après avoir mis à sac la ville de Limoges qui s’était donnée aux Français, le prince décida de retourner en Angleterre. La mort soudaine de son fils aîné Edouard fut interprétée par lui comme le châtiment de Dieu.

 En janvier 1371, Edouard et Jeanne s’embarquèrent pour l’Angleterre et gagnèrent le château de Berkampstead. Jeanne devait y veiller son mari malade et impotent pendant cinq longues années.

 Le 8 juin 1376, celui qui avait été un chevalier élégant et superbe et qui n’était plus qu’un gros homme paralysé et trahi par son corps, ferma ses yeux pour la dernière fois en ayant recommandé sa femme et son jeune fils à ses frères et à son père. Le prince fut ensuite enterré dans la cathédrale de Cantorbéry, lieu de son mariage avec Jeanne. Son père, Edouard III devait le suivre peu de temps après dans la mort le 21 juin 1377.

Jeanne et son fils Richard allèrent s’installer à Kensington. Elle veilla alors sur son fils qui devait être le futur roi. Il fut titré prince de Galles le 20 novembre 1376. Il devint le roi Richard II le 16 juillet 1377, et le fait que sa couronne lui tomba de la tête le jour de son couronnement, laissa libre cours aux rumeurs que ce roi-là ne saurait pas garder son trône (ce qui s’avèrera juste par la suite). Richard II avait hérité de la beauté hautaine de sa mère, mais qui chez lui, lui laissait un côté efféminé.

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La bataille de Najera où le Prince Noir captura Du Guesclin (3 avril 1367)

 En 1381, 100 000 hommes marchèrent sur Londres pour protester contre une augmentation des impôts. Sur le chemin, ils croisèrent Jeanne de Kent qui revenait de Cantorbéry. Sa beauté sur sa sauvegarde. Quelques baisers de la belle du Kent lui valurent la protection des chefs. La mère du roi put se réfugier à Londres, à la Tour, morte de peur. Son fils n’y était pas. Une troupe menée par Tyler envahit la Tour et força les appartements de Jeanne. Elle y fut insultée et l’on sonda même son lit avec des dagues. Evanouie, ses dames d’honneur l’emmenèrent en sécurité hors de la Tour.

 Très éprouvée, Jeanne de Kent résida alors à Wellingford et tomba peu après malade, atteinte elle aussi d’hydropisie. Ses dernières années, elle les consacra à tenter de réconcilier Richard II avec son demi-frère, John Holland (fils de son second mariage) qui était cruel et vaniteux. Ce dernier ayant assassiné le favori du roi, fut interné à vie malgré l’intervention de Jeanne.

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La tombe d’Edouard, le Prince Noir, dans la cathédrale de Cantorbéry

 Très malade, devenue obèse avec le temps, Jeanne mourut le 7 août 1385 et fut inhumée, selon ses vœux, à Stamford (Lincolnshire) auprès de Thomas Holland, son premier amour et son époux secret. Elle légua le lit fait pour sa nuit de noce avec le Prince Noir à Richard II : c’était un lit de velours rouge brodé de plumes d’autruches d’argent et de têtes de léopard d’or.

 La « plus jolie fille du Kent » avait alors cinquante sept ans.

 

Descendants de Joan Plantagenêt (The Fair Maid of Kent)

Jusqu’aux petits-enfants.

Joan Plantagenêt, Princess of Wales (1er), née le 29 septembre 1328, Woodstock, Kent, England, décédée le 8 août 1385, Wallingford Castle, Berkshire, England, inhumée le 29 janvier 1386, Greyfriars Church, Stamford, Lincoln (à l’âge de 56 ans).
Mariée en 1339 ou 1340 avec William de Montacute, Earl of Salisbury (2e), né le 20 juin 1328, Donyatt, Somerset, décédé le 3 juin 1397, Bisham, Berkshire (à l’âge de 68 ans).

Mariée en 1349 avec Thomas Holland, Earl of Kent (1er), né en 1314, Upholland, Lancashire, England, décédé le 28 décembre 1360, Rouen (Seine-Maritime) (à l’âge de 46 ans), dont

Mariée le 10 octobre 1361, Old Windsor, Berkshire, England, avec Edward of Woodstock Plantagenêt, Prince of Wales (1er, 12 mai 1343), prince d’Aquitaine (1er, 19 juillet 1362), Duke of Cornwall (3 mars 1337), Earl of Chester (18 mars 1333), Lord of Biscay and Castro Urdiales (1er, 23 septembre 1366), né le 15 juin 1330, Woodstock Palace, Oxfordshire, England, décédé le 8 juin 1376, Westminster Palace, London, inhumé en 1376, Cathédrale de Canterbury (à l’âge de 45 ans), dont

Total: 22 personnes (conjoints non compris).

 

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