Marie Boyer, la “présidente Tambonneau”, (1617-1700)

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LaPresidenteLambertNée à Paris en 1617
Morte à Paris le 14 février 1700

 Marie Boyer était la fille ainée d’Antoine Boyer, seigneur de Sainte Geneviève aux Bois et de sa première épouse Marie du Pré de Cossigny. Son père s’était marié très tard à l’âge de cinquante cinq ans. Son métier de soldat lui avait permis de gagner la faveur de Louis XIII qui l’avait fait chevalier de l’ordre de Saint Michel en 1613.

Dans le courant de 1613, il avait acquis les seigneuries de Ste Geneviève des Bois et de Villemoisson, ce qui lui avait permis de trouver un emploi à la cour en tant que conseiller d’état et intendants des finances de la reine Anne d’Autriche. Son premier mariage avec Marie du Pré de Cossigny avait été un mariage d’inclination : sa fille Marie était née en 1617, neuf mois après le mariage de ses parents. Hélas, Marie du Pré de Cossigny devait mourir en 1620 après avoir mis au monde une deuxième fille, Jeanne Elisabeth Boyer.

Veuve avec deux fillettes, le père ne tarda pas à se remarier le 8 juin 1627 (à l’âge de soixante cinq ans) à une jeune fille d’excellente famille, Françoise de Wignacourt qui devait lui donner quatre autres enfants : Anne Louise, Antoine, Jeanne et Elisabeth.

Plan_de_Paris_vers_1530_Braun_Paris_St-AntoineL’abbaye de Saint Antoine des Champs

Toutes les filles d’Antoine Boyer furent envoyées à l’abbaye royale de Saint Antoine des Champs où elles reçurent une éducation soignée. Les deux dernières fillettes, Jeanne et Elisabeth devaient d’ailleurs y rester à vie en devenant religieuses à l’adolescence.

Le père de Marie Boyer souhaitait de beaux mariages pour les filles qui lui restaient. Il était devenu conseiller et secrétaire du roi Louis XIII et souhaitait que ses filles prennent mariage dans la noblesse de robe.

C’est ainsi qu’il maria l’ainée, Marie, à Michel Tambonneau, fils d’un président de la chambre des comptes en 1630, et la sœur de celle-ci, Jeanne Elisabeth fut mariée à Jean de Ligny, maitre des requêtes, dix ans plus tard. Malheureusement, il ne verra pas le très beau mariage de sa troisième fille, Anne Louise Boyer, qui épousera le duc de Noailles trois ans après la mort d’Antoine Boyer.

annelouiseboyer3Anne Louise Boyer, duchesse de Noailles par les frères Beaubrun (soeur de Marie Boyer) en 1645

En attendant, Antoine Boyer organise les noces de sa fille ainée Marie avec Michel Tambonneau, décrit alors comme « un petit homme trapu et fort velu, au nez camard » mais qui était fort riche et qui allait prendre la succession de son père à la chambre des comptes à la mort de celui-ci.

Quant à Marie, âgée de quatorze ans, ses contemporains la décrivent comme un « joli brin de fille », brune avec des yeux verts, et qui se résignait à épouser le choix de son père sans trouver aucun charme à cet époux de dix ans plus âgé qu’elle.

Tallemant des Réaux qui lui a dédié l’une de ses Historiettes dit qu’elle se refusa à son époux le soir de ses noces « en poussant de grands cris et qu’elle ne se résigna que le huitième jour ».

Le devoir conjugal lui semblant des plus maussades, Marie Boyer, chercha bien vite à se distraire. Son mari recevait chez lui des fils de président, c’est ainsi qu’il recevait le jeune Jacques le Coigneux, (fils du président à mortier du Parlement de Paris) qu’on appelait alors l’abbé de Sainte Heuverte (du nom de l’abbaye d’Orléans où il avait été nommé en 1630).

Jacques_le_CoigneuxJacques le Coigneux père, dont le fils fut l’amant de Marie Boyer

Bientôt le jeune Jacques prit logis dans le même immeuble que le couple Tambonneau. Marie Boyer faisait lit à part avec son mari, et elle eut tout loisir de recevoir le jeune Le Coigneux dans ses appartements sans que son mari le sache. Marie Boyer tomba aussi sous le charme d’un autre galant, François Jacques d’Amboise, comte d’Aubijoux et chambellan de Gaston d’Orléans. Ce dernier devait escalader la façade la nuit, par une échelle, pour pénétrer dans les appartements de Marie. Au courant de la présence de son rival (Le Coigneux), d’Aubijoux en profitait pour casser les vitres de son rival qui habitait dans le même immeuble.

Le Coigneux devenant jaloux (il avait souffleté Marie au retour d’un bal où elle avait dansé avec d’Aubijoux), la jeune femme fit d’Aubijoux son amant favori. Comprenant qu’il fallait ruser pour ne pas éveiller les soupçons du mari (Tambonneau) et de l’amant (Le Coigneux), Marie Boyer donna rendez vous à d’Aubijoux dans la propriété de son père à Sainte Geneviève des Bois. Elle confia une clé du parc à son amant qui venait la rejoindre les nuits lorsque cette dernière rendait visite à son père. D’Aubijoux confiera que Marie Boyer était une ensorceleuse « qu’elle prenait du plaisir à leurs rencontres et qu’il n’avait jamais connu une femme si propre ».

Mais en 1634, les amours avec le jeune d’Aubijoux cessèrent : cette année là, Tambonneau devint président à la mort de son père, et Marie Boyer devint la « présidente Tambonneau ». Son mari fit construire pour elle une maison près du Pré aux Clercs, et Marie put à loisir y recevoir ses amants en organisant des diners fins.

10-549302Hotel Tambonneau (rue du Pré aux Clercs) résidence de Marie Boyer, détruit en 1845

Agée de dix neuf ans, elle avait la réputation « d’avoir des jupes légères et de les lever à tout vent ». Elle prit l’habitude de s’habiller avec soin, et adorait les dentelles et les colifichets. L’été, elle s’habillait d’une chemise jaune attachée au poignet par des rubans incarnats et un collet de point de Gênes, et une coiffe sur la tête. Elle était de petite taille et aimait être chaussée à son aise, elle disait souvent « le plaisir de marcher est plus grand que celui de paraitre de belle taille ». Pour payer ses colifichets, elle jouait au jeu et trichait pour gagner.

Après d’Aubijoux et Le Coigneux se succédèrent René de Longueil, président de Maisons, Gaspard de Coligny duc de Chatillon, et Gaston duc de Roquelaure. Elle n’hésitait pas à demander de l’argent à ses amants qui la comblaient de présents.

gastonderoquelaureGaston de Roquelaure, duc de Roquelaure, amant de Marie Boyer

Curieusement, son mari, le président Tambonneau trouvait agréable que son épouse reçoive quelque argent, d’abord parce qu’il était avare et ensuite admiratif de son épouse car « elle était propre, bien faite, bonne robe, galante, agréable, et que s’il n’avait été son mari il aurait été son amant ».

Elle se rendait souvent à Saint Germain dans la demeure de son amant favori du moment, le sieur de Roquelaure. C’est là qu’elle fit la connaissance du duc de Bouillon et du marquis de Vardes qu’elle mit tour à tour dans son lit tout en leur soutirant quelques beaux écus.

C’est à l’âge de trente six ans qu’elle allait rencontrer celui qui allait devenir l’amour de sa vie : Gabriel de Rochechouart de Mortemart, duc de Mortemart (le père de Mme de Montespan).

mortemartGabriel de Mortemart, duc de Rochechouart (père de Mme de Montespan) amant de Marie Boyer

Il avait dix ans de plus qu’elle mais il était tombé sous le charme de la présidente Tambonneau, si élégante et si jolie. Elle avait pourtant eu la petite vérole qui avait marqué son visage mais son élégance avait attiré l’œil de ce connaisseur de jolies femmes. Ils s’étaient rencontrés aux funérailles du comte de Trichateau, dernier amant de la jolie Marie Boyer.

Ne sachant comment l’aborder, il se rendit chez la duchesse de Noailles, née Anne Louise Boyer (la jeune sœur de Marie) et par son entremise entra en contact avec la femme du président Tambonneau.

Gabriel de Rochechouart possédait le trait des Mortemart, cet esprit flatteur et mordant que sa fille Athénais allait bientôt faire jaillir quelques années plus tard, à la cour de Versailles en devenant la maitresse de Louis XIV. En attendant, le duc de Mortemart, qui était aussi premier gentilhomme de la chambre du roi, invita souvent la présidente et son mari dans son hôtel parisien.

madame-de-montespan

Athénais de Rochechouart, Mme de Montespan

Là, la présidente succomba bientôt aux charmes du duc.

Il acquit pour elle une petite maison à Chaillot qui abrita bientôt les amours du duc et de la belle présidente. Les chansonniers racontaient en ricanant les amours de la présidente :

Mortemart le faune
Aime la Tambonneau
Elle est un peu jaune
Mais il n’est pas trop beau

Cette dernière invita aussi le duc à rendre visite au président Tambonneau. C’est ainsi que le mari fit excellente figure à l’amant de sa femme et tenta d’utiliser la présence du duc pour entrer dans les bonnes grâces du cardinal Mazarin.

dianedegrandseigneDiane de Grandseigne, marquise de Mortemart, épouse de Gabriel duc de Mortemart

C’est ainsi que les années passèrent et les amants continuèrent à mener une double vie. En 1666, Gabriel de Mortemart devint veuf, son épouse, Diane de Grandsaigne mourut dans la dévotion. Ils s’étaient séparés quelques années auparavant, l’épouse de Gabriel supportant mal les incartades de son époux qui n’avait guère été fidèle.

En 1669, le duc de Mortemart fut nommé gouverneur de Paris par le roi Louis XIV pour faire plaisir à sa nouvelle favorite, la belle Mme de Montespan, propre fille de Gabriel. La liaison du père de la favorite avec la présidente Tambonneau était maintenant connue de tous à la cour et les chansonniers s’en donnaient à cœur joie :

Mortemart et la présidente
Jouent à Colin Tampon
Tambonneau
Ah vraiment qu’elle est élégante
Et qu’il est bon et bon
Tambonneau !

Ces vers n’empêchèrent pas le président Tambonneau de toujours accueillir le duc avec beaucoup de grâce dans sa belle demeure de Paris.

La mort du duc de Mortemart le lendemain de Noel 1675 brisa le cœur de la présidente Tambonneau : son amant partait à l’âge de 68 ans. Cela faisait vingt trois ans qu’ils s’aimaient.

RuelleUn salon au XVIIème siècle

Puis ce fut le tour du président Tambonneau : il mourut en 1684 toujours président en exercice. Marie Boyer devait lui survivre seize ans, elle reprit son salon et recommença à dépenser l’argent qu’elle n’avait plus pour payer ses colifichets. Dans sa maison du Pré aux Clercs, elle recevait la fleur de la cour : Athénais de Rochechouart, marquise de Montespan, la fille de son amant, lui rendait régulièrement visite. La bru de Marie Boyer sera même gouvernante des enfants de la Montespan et de Louis XIV.

Saint Simon dira de la présidente Tambonneau « qu’elle n’était rien mais qu’elle régnait en reine sur ces gens d’importance ».

Elle devait mourir à 83 ans, le 14 février 1700, dans son lit, qu’elle ne quittait plus guère. Elle portait toujours ses colifichets à la ceinture, au col et aux bras, toujours coiffée avec beaucoup de soin et portant une cornette sur ses cheveux blanchis.

Elle n’eut que deux fils de son mariage avec le président Tambonneau, et le nom des Tambonneau s’arrêta à la lignée de ses petits enfants qui n’eurent pas de descendance.

 Sources :

– Historiettes de Tallemant des Réaux

– Mémoires de Saint Simon.

-Aventurières du Grand Siècle, de Maurice Rat.

Descendants de Marie Boyer (la présidente Tambonneau)

 

Jusqu’aux petits-enfants.

Marie Boyer, née en 1617, décédée le 14 février 1700, Paris (à l’âge de 83 ans).
Mariée le 25 janvier 1630 avec Michel Tambonneau, né vers 1606, décédé le 24 octobre 1684 (à l’âge de peut-être 78 ans), président de la Cour des Comptes de 1634 à sa mort en 1684, dont

Relation en 1630 avec Jacques Le Coigneux, marquis de Montmélian, seigneur de Plailly et de Mortefontaine, marquis de Plailly, seigneur de Mont Auliand et de Mort Fontaine, décédé le 23 avril 1686, reçu conseiller au Parlement le 16 vi 1644, président à mortier au Parlement de Paris, le 21 viii 1651.

Relation en 1630 avec François Jacques d’Amboise, comte d’Aubijoux, seigneur de Graulhet, né en 1606, décédé le 9 novembre 1656, château de Crins, Graulhet (Tarn) (à l’âge de 50 ans), lieutenant-général des armées du roi en Languedoc et gouverneur de Montpellier.

Relation en 1640 avec René de Longueil, marquis de Maisons, né en 1596, décédé en 1677, Paris (à l’âge de 81 ans), surintendant des finances (1650-1651), premier président de la Cour des aides en 1620.

Relation en 1640 avec Gaston, marquis de Biran ((L.P. de 1657)), duc de Roquelaure ((L.P. de 1652)), marquis de La Verdeux, seigneur de Puiguilhem, comte de Gaure et de Pontgibaud, seigneur du Rocher-Mézangers (1665(Mayenne)), né vers 1615, décédé le 11 mars 1683, Paris, 75, inhumé le 13 mai 1683, église des Récollets, rue du Faubourg Saint Martin, Paris (à l’âge de peut-être 68 ans), gouverneur de Guyenne, Grand Maître de la Garde Robe, lieutenant général des armées de sa majesté.

Relation en 1640 avec Gaspard de Coligny, duc de Châtillon, né le 9 mai 1620, château de Châtillon, décédé le 19 décembre 1649, château, Vincennes (Val-de-Marne), inhumé, basilique, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) (à l’âge de 29 ans), lieurenant général des armées du roi.

Relation en 1653 avec Gabriel de Rochechouart, duc de Mortemart (1er, décembre 1650-1675), prince de Tonnay-Charente (1er, 24 novembre 1650-1675), né vers 1607, décédé le 26 décembre 1675, Paris, inhumé, choeur de l’église de Picpus à Paris (à l’âge de peut-être 68 ans), premier gentilhomme de la Chambre de Louis XIII et gouverneur de Paris.

Total: 6 personnes (conjoints non compris).

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