Portrait de Renée de Rieux baronne de Castellane
Fille d’honneur de Catherine de Médicis de 1566 à 1578 , fille de chambre de Catherine de Medicis en 1578
maitresse de Henri III
Née vers 1550
Morte en 1588 (Marseille ?)
Renée de Rieux, mademoiselle de Chateauneuf, naquit en Bretagne, dans le courant de l’année 1550. Son père, Jean de Rieux, seigneur de Chateauneuf et de Sourdéac, descendait de la famille des Rieux, l’une des plus puissantes familles bretonnes de cette époque, et sa mère, Béatrix de Jonchères, était une riche héritière d’Anjou, veuve d’un premier mariage avec Jean de Montecler, seigneur de Bourgon.
Les parents de Renée de Rieux se marièrent vers 1548. Le père de René, avant son mariage, avait eu un parcours atypique : il avait fait une belle carrière ecclésiastique en devenant à l’âge de dix sept ans évêque de Saint Brieuc, puis à l’âge de trente six ans, évêque de Tréguier. Il aurait pu continuer dans cette voie, si la mort soudaine de son frère aîné, Claude de Rieux (sans héritier mâle), ne l’avait poussé à quitter la voie religieuse pour reprendre les noms et armes de sa famille, tout en cherchant une épouse capable de lui donner une lignée.
Son choix se porta rapidement sur la veuve fertile du seigneur de Bourgon (à qui elle avait donné cinq enfants) : c’est ainsi que le père de Renée quitta l’église pour se marier, et entama derechef avec son épouse une descendance de quatre enfants : deux fils, Guy et René, (qui seront l’un après l’autre gouverneur de Brest), et enfin deux filles : Renée, puis Françoise (cette dernière devenant religieuse à Vannes).
René de Rieux, seigneur de Sourdéac, frère de Renée de Rieux
A sa naissance, Renée de Rieux fut gratifiée du titre de Mademoiselle de Chateauneuf (le château de Chateauneuf de la Noé se trouvait sur la route entre Rennes et Saint Malo), qui se transformera bientôt en « la belle Chateauneuf » sobriquet qu’elle ne tarda pas à avoir, dès lors qu’elle parut à la cour de Catherine de Médicis. Il faut dire que Renée de Rieux était une jolie fille : blonde aux yeux bleus, elle était d’une belle taille et son visage était ravissant. Elle serait certainement demeurée en Bretagne et aurait épousé un noble breton, si la mort de son père n’avait tout bouleversé.
En effet, l’ancien évêque était peu désireux d’envoyer sa fille à la cour de la reine Catherine de Médicis à Paris, qui réclamait auprès d’elle, à intervalles réguliers, les jeunes filles nobles, afin d’en faire ses demoiselles d’honneur.
Filippo Strozzi le premier amant de Renée de Rieux
Il est vrai que la reine Catherine n’eut pas moins de six cent filles d’honneur pendant toute la période où elle régna sur le trône de France, que ce soit en tant que reine de France ou en tant que Régente pendant la minorité de ses trois fils François II, Charles IX et Henri III. Dès qu’elle entendait parler d’une jolie fille issue d’une famille noble, la reine demandait à ce que celle-ci vienne à la cour pour devenir sa fille d’honneur. Cet honneur ne fut pas relevé par Jean de Rieux, bien conscient du climat dépravé de la cour de Catherine, et peu désireux d’y envoyer sa fille. Ce ne fut pas le cas de sa veuve, Béatrix de Jonchères, qui s’empressa de répondre par l’affirmative lorsque la missive de Catherine arriva jusqu’à elle. C’est ainsi qu’à l’été 1564, à l’âge de quatorze ans, Renée de Rieux fut envoyée au Louvre avec la bénédiction de sa mère.
Elle n’y fit pas connaissance des précédentes filles d’honneur de Catherine dont nous avons parlé précédemment : Louise de la Béraudière (la belle Rouet), était depuis trois ans déjà exilée dans le Poitou auprès de son mari Louis de Madaillan, et Isabelle de la Tour d’Auvergne (Melle de Limeuil), venait tout juste d’accoucher en pleine audience publique, au mois de mai, à Dijon, du fils né de sa liaison avec le prince de Condé ; elle se trouvait alors enfermée dans un couvent. Il est plus que vraisemblable que pendant les premiers mois où elle apprit son rôle de demoiselle d’honneur, Renée de Rieux prit connaissance des ragots concernant ces demoiselles issues du fameux « Escadron volant » de Catherine, qui avaient toutes déclenché un scandale à un moment donné de leur vie. Sans qu’elle le sache déjà, Renée de Rieux n’allait pas faire mieux.
Brantome dans ses Mémoires relatera la beauté de Renée qui éclipsera à la cour la mémoire de la beauté de la belle Rouet :
Comme l’on voit Rouet perdre ce teint vermeil
se cacher tout à coup et passer sa carrière
alors que Chasteauneuf lui monstre son soleil
Incorrigible, il tombera aussi amoureux de la belle Chateauneuf, qui semble, comme la belle Rouet, lui avoir résisté :
lors Chasteauneuf, que le ciel vous eu faite
grande d’esprit, de grâce et de beauté
il vous pourveut de grande cruauté
pour rendre, en tout, votre grandeur parfaite.
En attendant, elle suit la cour dans ses déplacements à Saint Germain en Laye, Vincennes et au Louvre. A quinze ans, elle déclenche la passion d’Henri de Clermont Tonnerre, comte de Tonnerre : il est célibataire, est âgé de vingt cinq ans, et commence à se distinguer par son courage et son esprit. Il sera nommé plus tard gouverneur du Bourbonnais et de l’Auvergne. En attendant, il fait partie de l’entourage du Louvre, et se déclare l’amoureux de Renée. Malheureusement, celle-ci l’éconduit, le comte de Tonnerre fera alors peindre dans sa chambre un portrait de la belle Chateauneuf, assise sur un trône, et posant son pied délicat sur la jugulaire d’Henri de Clermont, agenouillé à ses pieds. Il finira par se consoler en épousant cinq ans plus tard la petite fille de Diane de Poitiers, Diane de la Mark.
Henri duc d’Anjou (futur Henri III)
Si elle a repoussé le comte de Tonnerre, c’est parce qu’elle est amoureuse depuis quelques mois de l’homme qui deviendra son premier amant : il s’appelle Filippo Strozzi. Sa mère, Laudomia de Medicis, est une cousine de la reine Catherine de Médicis. Son père a été exilé de Florence, et il est venu s’installer en France, où il est devenu maréchal de France : tout naturellement, le jeune Filippo a été élevé à la cour où il est devenu enfant d’honneur du roi François II (fils de Catherine et frère des futurs Charles IX et Henri III). Filippo Strozzi a dix ans de plus que Renée, et sera l’un des plus valeureux capitaine de Charles IX.
Mais c’est un jeune homme brillant à la guerre, et il est plus souvent sur les champs de bataille qu’à la cour. Bientôt Renée se lassera de l’attendre, et ses prochaines amours prendront place au Louvre : comme elle a le même âge, elle côtoie souvent les enfants de la reine Catherine, le roi Charles IX, bien sûr (qui est devenu roi à la mort de son frère François II), mais surtout le frère cadet de celui-ci, le superbe Henri de Valois, duc d’Anjou, (autrement dit le futur roi Henri III). Les jeunes gens sont très proches, et sont souvent compagnons de danse et de fêtes.
Ils deviennent bientôt inséparables ; la reine Catherine adore son fils d’Anjou et laisse l’idylle se nouer sans intervenir. Si la belle Chateauneuf veut devenir la maîtresse de son fils, qu’elle le devienne ! Renée de Rieux fera partie, très jeune, de l’Escadron volant de la reine mère, et la première mission que lui confie la reine est de séduire son fils Henri. Donnant libre court à leurs sentiments, les jeunes gens deviennent amants dès l’année 1569. Henri, duc d’Anjou, est un jeune homme viril, ardent, et il se lance avec passion dans la composition de sonnets à la gloire de la beauté de sa maîtresse. Pourtant doué pour les quatrains, il embauche le poète Desportes afin que ce dernier chante la gloire de Renée. Ce dernier écrira bientôt les vers suivants :
“Beaux nœuds crénés et blonds, nonchalamment épars
Dont le vainqueur des Dieux s’emprisonne et se lie
Front de marbre vivant, table claire et polie
Où les petits amours vont aiguiser leurs dards”
“Toujours auprès de vous, doucement langoureux,
Baiser vos blonds cheveux et votre beau visage,
Et n’avoir d’autre loi que votre doux langage,
J’aurais assez d’honneur étant assez heureux.”
D’autres poètes, dont Baif prennent le relais et comparent la beauté de Renée à celle de Vénus, sa longue chevelure dorée semblant avoir provoquée l’admiration de tous :
“Noble sang de Rieux, si mes vers ne dédaigne,
Nymphe, si ta beauté, par les grâces compaignes,
Est digne d’un grand dieu, mériter le haut cœur,
A cet hymne chanté prête quelque faveur…”
Marie de Clèves princesse de Condé
En lisant ces sonnets, la belle Chateauneuf n’est pas dupe, elle sait qu’Henri n’a pas écrit toutes ces lignes, mais peu importe, elle est flattée que son amant proclame publiquement leur amour. Il est vrai qu’Henri, à cette époque, n’est encore qu’un cadet (il n’a semble t’il aucune chance d’accéder au trône de France, son frère Charles IX, bien que de santé fragile, a réussi à se marier et a avoir une petite fille) et il possède encore une liberté d’agir à sa guise que lui confère sa mère, la reine Catherine, dont il est le garçon favori. Il est parfois infidèle à Renée (aucune femme de la cour ne résiste à la beauté masculine du duc d’Anjou), mais Henri sait être discret, car sa maîtresse possède un tempérament volcanique. Renée de Rieux est jalouse, et le fait souvent savoir, mais le duc d’Anjou revient invariablement vers elle, alors elle pardonne, et les deux jeunes gens s’installent dans une routine très confortable.
Cette routine est de nouveau bouleversée lors des événements de la Saint Barthélémy en août 1572 : alors qu’on égorge les protestants dans les couloirs du Louvre et dans les rues de Paris, la belle Chateauneuf se précipite auprès de son amant pour qu’il l’aide à épargner la vie d’un de ses parents (qui a le mauvais goût d’être de foi protestante), le maréchal de Cossé. Le duc d’Anjou parvient à sauver la vie du jeune homme en le cachant dans ses appartements.
L’impact de cette nuit va gravement jouer sur l’état mental du roi Charles IX : hanté par les scènes de meurtres auquel il a participé, le jeune roi va dépérir petit à petit. Son frère, le duc d’Anjou n’est pas à l’abri non plus de quelques accents de mélancolie, et Renée de Rieux devine très vite que son amant soupire auprès d’une autre : Renée découvre qu’elle a une rivale, autrement plus dangereuse que les quelques filles d’honneur qui sont parvenues à entrer dans le lit du duc d’Anjou. Sa rivale s’appelle Marie de Clèves, et elle est devenue princesse de Condé par mariage, deux mois seulement avant la Saint Barthélémy, en épousant Henri 1er de Bourbon Condé, chef des protestants, qui a échappé au massacre en abjurant sa foi.
Devenu catholique contraint et forcé à la suite de la Saint Barthélémy (sa femme Marie sera elle aussi forcée d’abjurer), le mari de Marie de Clèves n’en est pas moins un obstacle à la passion du duc d’Anjou. Ce dernier est tombé sous le charme de Marie de Clèves un soir de juillet 1572, lors d’un bal au Louvre.
La petite histoire raconte que la princesse de Condé à la suite d’une danse endiablée, profita d’un moment pour changer discrètement de chemise (la sienne étant trempée de sueur), dans une alcôve, près de la salle de bal. Quelques instants plus tard, le duc d’Anjou, participant lui aussi à la danse, et désireux de changer lui aussi sa chemise trempée, aurait pris malencontreusement la chemise que la jeune femme avait laissé traîner sur un banc pour un linge propre, et se serait essuyé le visage avec. Conscient de détenir un vêtement de femme au parfum envoûtant, il n’eut de cesse de découvrir à qui appartenait ce linge. Un valet lui pointa du doigt la jolie princesse de Condé, qu’il n’avait jusqu’à présent jamais remarqué.
Louise de Lorraine, reine de France, épouse d’Henri III
A partir de ce moment, il ne vivra plus que pour apercevoir Marie de Clèves, princesse de Condé. Toutes les occasions lui seront utiles pour approcher la jeune épouse du morose prince de Condé, et lui faire connaître ses sentiments, mais en vain. Bien que mal mariée (Marie et son époux ne s’aiment pas, mais il la garde comme un trésor), Marie est incapable d’infidélité. La triste réalité de son devoir conjugal l’a à jamais dégoûté de l’amour physique, et elle ne sait que répondre aux propos enflammés du beau duc d’Anjou qu’elle retrouve sans arrêt sur son chemin, sous les prétextes les plus futiles. Comme elle a été nommée dame d’honneur de la reine Elisabeth d’Autriche (femme de Charles IX), elle se trouve constamment en présence du frère du roi qui ne manque jamais de lui glisser des regards de loup affamé. D’autant que le jeune homme n’est pas subtile, et il finit par provoquer la colère du mari jaloux, qui emmène son épouse dans sa forteresse de Blandy les Tours en Seine et Marne.
Le duc d’Anjou cherche alors à se faire un allié de la sœur de Marie de Clèves, qui est aussi la meilleure amie de sa sœur Marguerite de Valois, la belle et intrigante Henriette de Clèves duchesse de Nevers. La duchesse de Nevers accepte de plaider sa cause auprès de Marie, mais cette dernière résiste. Alors le duc d’Anjou commence à lui faire parvenir des petits présents, des bijoux, des portraits de lui, dont certains lui ont été offerts quelques mois auparavant par sa maîtresse Renée de Rieux. Cette dernière apprend la trahison de son amant et sa goujaterie (il offre les présents que Renée lui a fait à Marie !) et souffre en silence.
Le siège de La Rochelle en 1573 éloigne pour un temps le duc d’Anjou de Paris, qui continue ses missives enflammées à Marie (par l’intermédiaire d’Henriette). Or le destin va éloigner encore plus le duc d’Anjou de sa nouvelle passion : en novembre 1573, le trône de Pologne s’offre à lui. Peu désireux de partir, le jeune duc d’Anjou se voit vertement chapitré par la reine Catherine qui s’empresse de le pousser à accepter ce trône. Le duc d’Anjou finit par partir avec une solide escorte vers Cracovie, et accepte le trône de Pologne. Il n’en continue pas moins d’écrire à Marie de Clèves.
Portrait présumé de Renée de Rieux
Or, le destin va de nouveau se mettre en marche en faveur du duc d’Anjou : son frère Charles IX meurt le 30 mai 1574 à Vincennes à l’âge de vingt trois ans. N’ayant eu qu’une fille de son mariage, le trône de France revient à son frère le plus proche, c’est à dire Henri duc d’Anjou. En apprenant la nouvelle de la mort de son frère, ce dernier ne perd pas de temps à fausser compagnie aux nobles polonais : il aura régné un peu moins de cinq mois sur la Pologne, un pays qu’il a appris à détester pour la rigueur de son climat, sa langue incompréhensible, ses femmes vêtues comme des nonnes, et cette cour rude où la finesse de la cour des Valois est inexistante.
Bien qu’il n’ait qu’une idée en tête : revoir Marie de Clèves, et si possible casser son mariage avec le prince de Condé pour l’épouser, il va mettre plus de six mois pour rentrer en France profitant de toutes les fêtes qui lui sont offertes par les princes dont il traverse le pays. En Lorraine, il rencontre brièvement celle qui sera sa futur épouse, Louise de Lorraine Vaudémont, et il remarque brièvement sa beauté. Mais c’est Marie qui l’obsède, Marie dont il ignore qu’elle est enceinte de son mari et qui a accouché d’une petite fille en octobre 1574. Elle devait hélas mourir quinze jours plus tard des suites de l’accouchement.
Lorsque la nouvelle se répand de la mort de la princesse de Condé, la cour se trouve à Lyon. La reine interdit que l’on fasse parvenir la nouvelle au duc d’Anjou qui va devenir le nouveau roi de France. Seule Renée de Rieux, qui est à Lyon avec la cour se frotte les mains : sa rivale est morte, et son amant va devenir le nouveau roi de France. L’avenir s’annonce radieux !
le duel entre le mari de Renée et le batard d’Angoulème
Au début de l’année 1575, Henri arrive enfin en France. Sa mère l’accueille au Louvre et lui tend les bras. Le futur roi est abattu, il vient d’apprendre que la princesse de Condé est morte depuis plus de trois mois, son rêve de l’épouser s’effondre. Triste et abattu, le duc d’Anjou se tourne alors vers les bras de Renée de Rieux, folle de joie de le revoir. Le nouveau roi de France bouscule les préparatifs du couronnement : il est sacré à Reims le 13 février 1575 sous le nom de Henri III. Deux jours plus tard, toujours à Reims, il épouse la princesse Louise de Lorraine Vaudémont, qu’il a remarqué l’année précédente à Nancy, et qu’il a demandé en mariage quelques semaines auparavant. La jeune femme est charmante : grande, blonde au teint blanc, aux yeux brun clair très doux, et légèrement myope, Louise est la femme idéale pour Henri : douce et soumise, elle possède une beauté délicate et une silhouette fine.
Hélas, elle n’a pas le tempérament de feu de Renée de Rieux qui réintègre les faveurs de son amant devenu roi de France, et qui est bien décidée à ne pas se laisser évincer. Elle est toujours fille d’honneur de la reine Catherine, et assiste donc à tous les événements de la nouvelle cour du roi de France. Galvanisée par le fait que son amant a repris le chemin de son lit, elle devient insolente vis à vis de Louise, la nouvelle reine. Celle-ci, pourtant timide, finit un jour par laisser éclater sa fureur lorsque Renée de Rieux paraît à un bal de la cour vêtue de la même robe que la reine, et parée des mêmes bijoux. La nouvelle reine se rend alors auprès de la reine Catherine, et exige qu’on éloigne la belle Chateauneuf.
Portrait présumé de Renée de Rieux
La mère du roi comprend alors que la maîtresse de son fils risque de mettre le ménage de ce dernier en danger : il faut que son fils ait des enfants au plus vite pour la succession, et la présence de Renée de Rieux ne fait qu’envenimer les choses. Elle décide de parler à Henri III et lui suggère de trouver un mari à Renée. Si on trouve un mari à Renée, ce dernier finira bien par emporter cette dernière en province, et on en parlera plus.
Mais si le roi consent à donner un mari à sa maîtresse, la tâche n’est pas facile, car les prétendants se font rare : la demoiselle a un sale caractère, et sa beauté, même si elle est toujours présente, n’attire plus dans ses filets les courtisans de la cour de Catherine de Médicis. Henri III tente de la marier à François de Luxembourg Brienne, ancien amoureux éconduit de son épouse la reine Louise de Lorraine : horrifié d’apprendre que le roi veut qu’il épouse son ancienne maîtresse, François de Luxembourg quitte le Louvre, et court se réfugier dans ses terres au Luxembourg. Le roi s’adresse alors à un de ses fidèles, Antoine du Prat, et lui propose d’ épouser Renée. Ce dernier refuse tout net, et en privé ne se gêne pas pour dire qu’il a refusé « les restes du roi ». Or, on rapporte avec malice à Renée les propos du gentilhomme ; furieuse, celle ci se vengera quelques jours plus tard, et selon Brantome « lancera son cheval sur du Prat et le foulera aux pieds de son cheval lors d’un défilé »). Heureusement, le malheureux s’en tirera avec quelques bosses.
Dépitée, blessée dans son orgueil, la belle Chateauneuf décide de prendre son destin en main. Elle décide de choisir elle-même son époux, et porte son choix sur l’un de ses italiens qui ont suivi la reine Catherine à la cour de France. Il s’agit du sieur Antinotti, qui n’a pour lui que sa belle prestance et son beau parler. C’est un florentin, et Brantome raconte avec malice que la belle Chateauneuf « l’espousat par amourette car il était bel homme ». La reine Catherine de Médicis donne son consentement de bon cœur (ravi d’élever un de ses concitoyens), et Renée de Chateauneuf épouse son beau florentin en 1576, avec la bénédiction du roi Henri III. Elle a alors vingt six ans.
Pas question pour autant pour Renée de s’éloigner de la cour, elle demeure fille d’honneur de la reine Catherine au Louvre, et entame avec confiance sa vie maritale. Mais au fil des mois, elle commence à douter de la fidélité de son époux, qui, beau parleur, ne manque jamais de flirter avec les nouvelles filles d’honneur de la reine Louise de Lorraine, toutes plus jolies les unes que les autres. Et ce qui devait arriver arriva, un beau jour de 1577, Renée de Rieux revient dans sa chambre plus tôt que prévu, et surprend son mari en plein délit d’adultère dans le lit conjugal. Poussant un cri de rage, elle se saisit d’une dague et poignarde l’infidèle. Le mari de Renée ne tarde pas à rendre l’âme dans un bain de sang. Le scandale à la cour est énorme : Pierre de l’Estoile relate dans son journal que « l’ayant trouvé paillardant avec une autre, la belle Chateauneuf tua son mari, virilement, de sa propre main ».
En apprenant le coup de sang de son ancienne maîtresse, le roi Henri III reste impassible : Renée ne sera ni jugée, ni poursuivie, pour ce crime de sang froid. Il l’exile quelque temps en province, mais elle revient au bout de quelques semaines au Louvre. Son geste a suscité l’admiration de certains courtisans, et notamment d’un homme qui est de passage à la cour : il s’agit de Philippe Altoviti, et il est capitaine de galères. Il vit à Marseille, possède lui aussi du sang italien dans les veines, mais il est mué d’admiration devant l’acte de la belle Chateauneuf qui a su venger son honneur bafoué. Très vite, il demande à la rencontrer et un ami commun organise leur première rencontre. C’est le coup de foudre pour l’un comme pour l’autre !
Renée de Rieux vient de trouver son âme sœur : elle épouse Altoviti en secret dans le courant de l’année 1577 et le suit à Marseille pendant l’hiver 1577. Son départ de la cour provoque des rumeurs : Altoviti l’a enlevé et l’a contraint à l’épouser. Apprenant que le roi s’apprête à mener une enquête, Renée de Rieux prend la plume à Marseille et dément l’enlèvement et le mariage de force par une lettre destinée à Henri III le 20 décembre 1577 :
“…Sire, devant mon Parlement de Bretagne, je vous avais écrit et fait entendre mon mariage avec Mr d’Altoviti, l’un de vos capitaines de galères, me promettant que vous l’auriez agréable, puisque c’est chose en quoi je me suis contentée, et que de ma seule volonté ai recherché pour vivre avec lui, comme je fais la plus heureuse qui se puisse dire…encore que peut être ses ennemis et les miens le vous puissent avoir déteint d’autres qualités que la mienne… Mais étant arrivée en cette ville (Marseille), j’ai trouvé par avertissement sur que comme votre Majesté a écrit et commandé à Mr de Mevillon, gouverneur de cette ville, se saisir de mon mari et le mettre prisonnier en lieu de sûreté, parce que l’on vous avait fait entendre, qu’il m’avait pillée et enlevée, ce qui est du tout, sous votre correction, éloigné de vérité, car ça a été moi-même qui le suis venue trouver en sa maison, comme étant sa femme depuis le mois de février passé. Je vous supplie très humblement, sire, ne vouloir point troubler mon repos et contentement…”
Rassuré, le roi Henri III qui garde un œil attendri sur son ancienne maîtresse fait du mari de celle-ci un baron de Castellane et le nomme consul et gouverneur de Marseille.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, la belle Chateauneuf se découvre enceinte en début d’année 1578 : elle accouchera d’une fille qu’elle appellera Marseille, en honneur de la ville dont son mari est le gouverneur (bien qu’elle ait accouché à Aix en Provence).
A l’été 1578, elle est de retour à Paris ; le roi la nomme alors fille de chambre de la reine Catherine de Médicis. C’était alors un des postes les plus importants auprès de la reine, elle pouvait ainsi partager l’intimité de celle-ci, de jour comme de nuit, preuve aussi que la vieille reine avait toute confiance en Renée. Cette dernière s’épanouit dans son mariage avec le baron de Castellane : en neuf ans de mariage Renée de Rieux va donner cinq enfants à son époux : d’abord Marseille, puis Philippe Emmanuel, Clarice, Henry et Philippe.
Malheureusement son bonheur va prendre fin brutalement : Philippe Altoviti, baron de Castellane se mêlait de politique, et le faisait peu adroitement. Fort de sa position auprès du roi (Henri III l’entretenait en amitié car il avait épousé son ancienne maîtresse), il s’avisa un jour de juin 1586 d’écrire à ce dernier pour lui signaler qu’Henri, le Bâtard d’Angoulème, (fils naturel d’Henri II et donc demi frère d’Henri III), complotait contre la couronne en correspondant avec la Ligue. Intrigué, le roi montra la missive d’Altoviti à son demi frère d’Angoulème. Furieux, ce dernier qui avait toujours été loyal vis à vis de son demi- frère, prit la route d’Aix en Provence, et se rendit illico à l’auberge où séjournait Altoviti. Comprenant qu’il avait commis une gaffe, Altoviti présenta ses excuses au Bâtard d’Angoulème qui les refusa…
La suite a été rapportée par les contemporains :
.Peu satisfait des excuses, le Grand Prieur tire son épée et blesse Altoviti. L’italien saisit son adversaire à bras le corps, mais un gentilhomme de la suite du Grand Prieur intervient, et par excès de zèle transperce Altoviti. Mais il enfonça trop son épée qui transperça Altoviti, et déchira les entrailles du Grand Prieur. L’italien mourut aussitôt, et Henri d’Angoulème mourut dans d’atroces souffrances huit heures après…”
Les deux adversaires ayant trouvé la mort, la nouvelle fit l’éclat d’une bombe à Paris. Renée de Rieux fut effondrée. Elle demanda la permission à la reine Catherine de quitter son service pour se retirer sur ses terres près de Marseille, notamment au château de Beaumont, seigneurie qui lui avait été donné par le roi Henri III. La reine lui accorda ce congé, et la belle Chateauneuf se retira dans ses terres en Provence. Elle vécut à Marseille dont elle était l’une des plus riches habitantes, et ne fit plus jamais parler d’elle. Si bien qu’on ignore encore sa date exacte de décès, mais certains disent qu’elle mourut de chagrin deux ans après son époux en 1588, d’autres disent qu’elle vécut encore jusqu’en 1600.
L’ironie veut que tous les hommes qui l’ont aimé devaient mourir de mort violente : Henri de Clermont Tonnerre (son premier amoureux éconduit) fut tué au siège de la Rochelle à l’âge de 33 ans, son premier amant, Filippo Strozzi mourut à l’âge de quarante ans, tué sauvagement par les espagnols lors d’un combat en mer (alors qu’il était leur prisonnier), son premier époux mourut poignardé par sa propre main, son deuxième époux mourut en duel contre le bâtard d’Henri II, et Henri III, devait mourir assassiné par le moine Clément.
Tous les hommes de sa vie étaient italiens ou fils d’italienne (comme Henri III) et c’est dans le sud de la France que la belle Chateauneuf finira sa vie dans l’oubli, mais le souvenir de sa beauté était telle à la cour que longtemps après son éloignement, on croyait louer une belle personne en disant d’elle « qu’elle avait un air de Melle de Chateauneuf ».
Descendants de Renée de Rieux (la Belle de Châteauneuf)
Jusqu’aux petits-enfants.
Renée de Rieux, dame de Castellane, née vers 1550, décédée en 1588 (à l’âge de peut-être 38 ans), fille d’honneur de Catherine de Médicis de 1566 à 1578 , fille de chambre de Catherine de Medicis en 1578.
Relation vers 1569 avec Henri III d’Angoulême, roi de France (1574-1589), duc d’Angoulême (1551-1560), duc d’Orléans (1560-1566), duc d’Anjou, duc de Bourbonnais (1566-1574), roi de Pologne (1573-1574), né le 19 septembre 1551, château de Fontainebleau, baptisé le 5 décembre 1551, château de Fontainebleau, assassiné le 2 août 1589, château de Saint-Cloud, inhumé en 1610, Saint-Denis (à l’âge de 37 ans).
Mariée en 1576 avec Nn Antinotti, décédé en 1577.
Mariée en février 1577 avec Philippe Altoviti, baron de Castellane, né en 1550, Marseille (Bouches-du-Rhône), assassiné le 1er juin 1586, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) (à l’âge de 36 ans), capitaine des galères, consul & gouverneur de Marseille, dont
- Marseille, née le 5 janvier 1577, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), décédée le 1er mars 1606, Marseille (13), inhumée, Eglise des Grands Carmes à Marseille (à l’âge de 29 ans).
Relation avec Charles de Lorraine, duc de Guise (4e, 1588-1640), prince de Joinville (1571-1612), duc de Chevreuse (1er), né le 2 août 1571, Joinville, décédé le 30 septembre 1640, Sienne, Italie (à l’âge de 69 ans), grand Maître de France. - Philippe Emmanuel d’Altovity, seigneur de Beaumont et de Castelblanc, né en 1578, décédé en 1634 (à l’âge de 56 ans).
Marié avec Marie de Bodigneau, dont
- Renée.
Mariée le 24 mai 1638, par contrat, avec Alain Barbier, seigneur de Lescoët, seigneur de Kernao ((Ploudaniel (29))), seigneur de Launay, de la Fontaine Blanche, de Lanorgant, de la Villeneuve, de Le Follizo et de Quergo, né le 21 avril 1610, décédé le 14 février 1692, Kernao (à l’âge de 81 ans), chevalier. - Clarice, née vers 1580, décédée après 1610.
Mariée le 1er février 1610, Marseille, avec Pierre Lemaitre, seigneur des Brosses et de Beaumont, décédé après 1616, capitaine au régiment de Champagne, dont- Guillaume Le Maître, seigneur des Brosses, de Beaumont et de Mirabeau, décédé après 1639, capitaine dans le régiment de Lorraine (avril 1639).
Marié le 1er mars 1630, Cuge-les-Pins (Bouches-du-Rhône), avec Eléonore de Barras. - Pierre.
- Antoine, capitaine au régiment de Lorraine.
- Emmanuel, capitaine au régiment du seigneur du Pont de Gourlai.
- Clarice.
Mariée avec Jacques de Courtron, seigneur du Mesnil et de La Fontenelle, marechal des camps et armées du roi. - Anne, religieuse au monastère de La Celle.
- Guillaume Le Maître, seigneur des Brosses, de Beaumont et de Mirabeau, décédé après 1639, capitaine dans le régiment de Lorraine (avril 1639).
- Philippe Emmanuel, né le 14 septembre 1583, à Nantes.
Marié, en Bretagne, avec Marie de Botigno, bretonne dont il faudrait retrouver le vrai nom….. - Henry, né vers 1585, tué en 1620, au siège de Montauban (à l’âge de peut-être 35 ans), capitaine au régiment des gardes.
Total: 12 personnes (conjoints non compris).