Seymour Dorothy Fleming, lady Worsley (1758-1818)

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 Oil-painting-Lady-Worsley-DetailPortrait par Joshua Reynolds en 1775

Née en 1758
Morte le 8 septembre 1818 à Passy (France)
Inhumée au Père Lachaise à Paris

Seymour Dorothy Fleming était l’ainée des quatre filles d’un noble écossais, sir John Fleming 1er baronnet Fleming, résidant à Brompton Park (propriété située près de Londres) et de lady Jane Coleman. Elle naquit en 1758.

 Alors qu’elle n’a que cinq ans, son père meurt brutalement en 1763 ainsi que deux de ses jeunes soeurs. Dorothy et sa petite soeur Jane vont être élevées par leur mère à Londres jusqu’en 1770, date du remariage de lady Fleming avec un riche sexagénaire né à la Barbade, Edwin Lascelles, 1er baron de Harewood qui possède et embellit depuis une vingtaine d’années le superbe château de Harewood situé dans le West Hampshire.

 A l’age de douze ans, Dorothy part donc vivre avec sa soeur à Harewood House et découvre un château meublé de toiles de maitres comme le Titien, Gainsborough et de meubles de style Chippendale. Les jardins sont aussi célèbres pour leur magnificence.

Harewood_House_from_A_Complete_History_of_the_County_of_York_by_Thomas_Allen_1828-30Harewood House (west Yorkshire)

 Lord Edwin qui n’aura pas d’enfants de son mariage avec la mère de Seymour Dorothy considère ses belles filles comme ses filles : il est fier de leur beauté et compte bien les marier à de riches partis. Mais si Jane la cadette est d’un caractère doux et effacé, Seymour Dorothy a un tempérament capricieux et impétueux. Elle ne supporte pas qu’on lui dise non ! Lorsque lord Harewood lui interdit d’aller à un bal à Leeds, elle emprunte une carriole et s’y rend toute seule afin de profiter de la fête ! Elle a à peine quinze ans et déjà, le scandale est à ses trousses.

ladyworsleyPortrait par Joshua Reynolds en 1775

 Sa mère et son beau père la tancent vertement mais Seymour n’en a cure. Elle est déjà secrètement amoureuse d’un beau militaire qu’elle a entrevu à Harewood House et n’a plus qu’une idée en tête : l’épouser ! L’élu de son coeur n’est pas un mauvais parti, il est le 7ème baronnet de Worsley, a belle mine, mais n’a qu’un an seulement de plus que Seymour : il se sent capable de dompter la fougue de la jeune fille, qui outre sa beauté, est dotée d’une superbe dot puisqu’elle est co-héritière avec sa soeur Jane, du domaine de Brompton Park (qui appartenait au défunt lord Seymour).

 Lord Harewood finit par donner son consentement à ce mariage et à l’age de dix sept ans, le 20 septembre 1775 à Londres, Seymour Dorothy Fleming épouse sir Richard Worsley 7ème baronnet de Worsley.

359px-Sir_Richard_Worsley_1775_75Portrait de Richard Worsley par Joshua Reynolds (1775)

 Son beau père supervise le contrat de mariage réitérant le fait que la jeune femme est héritière d’un domaine de 56 000 livres, que 3 000 livres seront délivrés pour établir son trousseau et acquérir des bijoux, qu’une maison à Westminster doit être achetée pour l’usage du jeune couple après le mariage, qu’elle recevra une annuité personnelle de 400 livres par année pendant son mariage, et un douaire de 2 000 livres si son mari devait mourir avant elle.

 Le jeune couple acquiert le 30 Grosvenor Place à Londres et lord Worsley obtient peu après ses entrées à la cour. Quant à Seymour Dorothy, elle donne naissance à son premier enfant, un fils, Robert Edwin le 25 aout 1776. La vie de cour s’organise et la beauté et la grâce de Seymour Dorothy fait rage à la cour du roi à St James Palace.

 En 1776, son mari est si fière de sa beauté qu’il commande un portrait de sa femme au peintre le plus en vogue du moment : Reynolds. Celui-ci peindra la jeune femme en tenue équestre aux couleurs du régiment de son mari. Il peindra aussi en même temps un portrait de sa soeur Jane, qui va bientôt devenir lady Harrington en 1779.

 La position du couple s’améliore à la cour et en 1780, lord Worsley obtient le titre de contrôleur de la maison du roi Georges III. Il y fait des merveilles, mais lord Worsley n’aime pas la Cour, c’est un diplomate dans l’âme et il demande auprès du roi un poste de gouverneur.

georgeiiiGeorge III roi d’Angleterre

 Georges III accepte de lui confier l’ile de Wight et lord Worsley apprend à Seymour Dorothy qu’ils vont quitter temporairement Londres pour cette ile du sud de l’Angleterre qui va bientôt ressembler à une prison pour Seymour. Le couple s’installe à Appuldurcombe House, résidence des gouverneurs de l’ile

Malgré la naissance de sa fille en aout 1781, lady Worsley se morfond sur cette ile où tout se sait et où chacun épie ses voisins. La petite société de l’ile de Wight n’a rien à voir avec la Cour et ses fastes : la seule distraction ce sont les bals que l’on donne en l’honneur de la milice du Hampshire constituée de beaux militaires en uniforme. Et parmi eux, il y a le flamboyant capitaine George Maurice Bissett. Il vient souvent prendre ses repas à Appuldurcombe House et se lie bientôt d’amitié avec lord Worsley.

reynolds149Portrait de Jane Fleming comtesse de Harrington (soeur de Seymour Dorothy) par Joshua Reynolds en 1779

  Lady Worsley le trouve charmant et bientôt devient sa maitresse. Mais l’ile est petite et les deux amants ne sont pas discrets. Lord Worsley découvre le pot aux roses et entre dans une rage noire contre sa femme, mais aussi contre Bissett, qui est son meilleur ami.

 Contre toute attente, il entend bien rendre public son humiliation et intente un procès à son rival le 22 février 1782 réclamant 20 000 livres de dommages pour le motif que le capitaine Bissett a eu des « criminal conversations » avec lady Worsley. Le scandale est énorme : la presse de l’époque s’en empare et les caricaturistes se font une joie de portraiturer lady Worsley nue en train de prendre un bain, espionnée d’une fenêtre par son amant juché sur les épaules de son mari.

bathDessin satirique sur lady Worsley

 Car dès le départ, les juges soupçonnent le mari d’avoir faciliter la liaison du capitaine Bissett avec sa femme. Pourquoi ? Pour des raisons d’argent essentiellement, le couple Worsley vit en dehors de ses moyens financiers et lord Worsley a besoin d’argent. Il n’a même pas pu régler le peintre Reynolds qui a fait le portrait de sa femme et le sien, il a fallu que le beau père de Seymour règle celui-ci (en échange, il conservera les portraits à Harewood, là ou on peut toujours les contempler de nos jours).

 De plus, lord Worsley ne peut toucher à l’héritage de Seymour Dorothy qui détient toujours l’héritage de son père (Brompton Park), mais il entend bien soutirer de l’argent à son rival. Or, celui-ci va se défendre becs et ongles, et les pamphlets vont s’en donner à coeur joie trainant lady Worsley dans la boue : elle aurait eu 27 amants pendant le laps de temps de son mariage (sept ans) et aurait mené une vie de débauche, aidée en cela par son mari qui aurait monnayé ses faveurs. On lui colle l’étiquette de « prostituée ».

 Les feuillets du procès Worsley s’arrachent à Londres et chacun dévore avidement les derniers détails sordides du procès. La vie privée de Lady Worsley va être disséquée : les lecteurs apprendront qu’elle se faisait soigner pour une maladie vénérienne en 1780 (le docteur qui la soigna alors vint témoigner) et voici les questions que le juge posa à l’un des visiteurs des Worsley sur l’île de Wight (le marquis de Graham) :

 Juge : quelles furent vos observations concernant le comportement et l’apparence de lady Worsley à l’époque où vous fréquentiez sa maison ?

Réponse du marquis de Graham : elle était gaie, vivante et très libre dans son comportement.

Juge : est ce que son comportement reflétait l’attitude d’une femme mariée et par conséquence modeste.

Réponse du marquis de Graham : je ne le pense pas.

Le procès se terminera en concluant que lord Worsley est responsable du comportement indécent de sa femme, comportement dont il était au courant n’hésitant pas à l’occasion à prostituer sa femme. Le plaignant sera débouté de l’indemnisation de 20 000 livres. Il recevra par contre une indemnisation de un shilling !

-Oil-painting-Lady-Worsley-DetailPortrait de Seymour Dorothy Fleming par Joshua Reynolds en 1775

 Les éclats de rire qui accompagnent les conclusions de ce jugement va pulvériser en éclat la carrière toute naissante de lord Worsley. Quant à Seymour Dorothy, elle est partie trouver refuge chez son beau père à Harewood avec ses deux enfants, profondément mortifiée et humiliée. Elle ne revoit pas son mari, celui-ci quitte l’Angleterre pour un voyage interminable à l’étranger de 1783 à 1787 : Espagne, France, Italie, Malte, Crète, Grèce, Egypte, Turquie, Russie, Autriche… Quant au capitaine Bissett, il demande et obtient une mutation à l’étranger.

 Lorsque lord Worsley revient en Angleterre en 1788, il demande la séparation avec lady Worsley et se met en ménage avec une certaine Sarah Smith qu’il loge dans un cottage près de Londres.

 Dès lors Dorothy Seymour va, avec l’aide de son puissant beau père, lord Harewood, intenté procès sur procès à son époux afin de récupérer l’argent qui lui revient. Elle l’obligera à vendre des terres afin de récupérer son dû. Si lady Worsley ne peut plus se permettre d’avoir une vie sociale à Londres : la haute société l’évite et la snobe, son mari va au contraire connaître un regain de vie publique et sera en 1793 ministre anglais à Venise en Italie.

edwin.0.lascellesEdwin Lascelles, lord Harewood, beau père de Dorothy

 La séparation n’empêche pas Seymour Dorothy de se rendre fréquemment en France et notamment à Paris, ville dont elle est tombée amoureuse. Ici, le scandale n’a pas trop eu de répercussions et elle peut ouvrir un salon où les émigrés anglais aiment à se retrouver. Elle partage sa vie avec un suisse de Genève, Jean Louis Cuchet.

 En 1795, elle a le malheur de perdre son fils, Robert Edwin, qui meurt à dix neuf ans de maladie. Ce dernier l’avait toujours épaulé et soutenu dans sa solitude, l’enfant née en 1781 étant morte, très tôt, elle aussi.

 Le 5 août 1805, Seymour Dorothy apprend la mort de son mari lord Worsley ; deux mois plus tard, en octobre, elle épouse son amant Jean Louis Cuchet. Après son mariage, celui-ci va demander et obtenir la nationalité britannique et changer son nom en John Lewis Fleming. Seymour Dorothy porte donc maintenant son nom de jeune fille en tant que femme mariée, elle devient lady Fleming. Comme elle n’a plus d’enfants, elle fait de son mari l’héritier de Brompton Park. Son salon à Paris rassemble de nombreux intellectuels qui viennent contempler cette femme d’une cinquantaine d’années qui y rayonne par son intelligence et sa beauté ; le scandale semble loin maintenant et le nom de lady Worsley ne suscite plus de chuchotements ironiques.

jane.0.colemanJane Coleman, lady Harewood (mère de Dorothy)

 En 1818, Seymour Dorothy Fleming, lady Fleming, agée de soixante ans meurt à Paris. Son mari sera crée baron par Louis XVIII en 1821 et se remariera avec la fille d’un comte français. Il mourra lui aussi à Paris en 1836 laissant tous ses biens à sa fille Césarine Aimable Louise Fleming qui épousera en 1841 un baron suisse Denis Bernard Fredéric baron de Graffenried et qui sera l’héritière de Brompton Park.

 Ne reste plus de lady Worsley que le splendide portrait que Reynolds fit d’elle lorsqu’elle avait dix huit ans. Il est toujours visible à Harewood House (demeure de son beau-père) où chacun peut contempler la beauté et la grâce de cette jeune femme détruite par un scandale, mais qui finit par relever la tête et trouver le bonheur.

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