Née vers 1390 à Champdivers, près de Dôle (Jura)
Morte vers 1424 peut être à Champdivers près de Dôle (Jura)

maitresse de Charles VI

Celle que le peuple de Paris appelait affectueusement la « petite reine » venait en cette année 1409 de donner une fille au roi Charles VI qu’elle prénomma Marguerite. Le roi, alors âgé de 41 ans, reconnut l’enfant et lui accorda le nom de Marguerite de Valois.

L’allégresse qui était de mise fut pourtant discrète à l’hôtel Saint Pol où le roi demeurait, d’une part parce que la reine Isabeau de Bavière était présente, et d’autre part parce que le roi risquait de retomber d’un jour à l’autre dans l’une de ses crises de folie qui duraient des mois jusqu’à la prochaine rémission. Ce mal qui rongeait le roi et par là même les affaires du royaume, s’était déclaré au cours d’une chaude journée d’aout 1392 où le roi et toute sa maison se trouvait sur la route du Mans.

Le roi devient fou sur la route du Mans (aout 1392)

Un lépreux s’élança vers le cheval du roi en lui criant « ne va pas plus loin car on te trahit ». Les gens de la suite du roi tentèrent d’écarter le lépreux, mais le roi, relevant d’une fièvre typhoïde touché par ces paroles, devint nerveux.

Son page laissa à cet instant tomber sa lance sur une armure et le bruit strident du fer provoqua chez le roi une crise de démence. Il tira son épée de son fourreau et se jeta sur ces compagnons. Dans la confusion, il tua quatre hommes avant qu’on ne put le maitriser. Il reprit le chemin du Mans attaché sur un chariot. Le roi recouvra la raison quelques jours plus tard et fut atterré par les crimes qu’il avait commis. Hélas, il devait rechuter cinq mois plus tard lors du fameux « bal des Ardents ».

Le bal des Ardents (28 janvier 1393)

Charles VI et cinq de ses compagnons déguisés en sauvages avec vêtements comportant de l’étoupe et de la poix firent irruption lors du mariage d’une dame d’honneur de la reine Isabeau de Bavière, Catherine l’Allemande, en poussant des cris et des grognements.

Intrigué, le frère du roi, Louis d’Orléans, s’approcha avec une torche pour mieux les observer. L’un des vêtements prit feu et se propagea aux autres : le roi eut la vie sauve grâce à sa tante la duchesse de Berry, qui le couvrit de son manteau. Mais ses quatre compagnons moururent dans des souffrances atroces et le roi retomba dans une crise de folie plus longue que la précédente.

Le bal des Ardents (28 janvier 1393) les “sauvages” s’embrasent

Sa femme, Isabeau, l’adorait et à ce jour lui avait donné cinq enfants, et enceinte du sixième consacra celui-ci la vie religieuse en demandant en échange la guérison du roi.

Le roi, en crise de démence, se prétendait en verre et prêt à se rompre au moindre choc. De plus, il refusait de se laver et son corps se couvrait de saletés et de vermine.

Quant à la reine, il ne la reconnaissait pas et la repoussait en criant « quelle est cette femme dont la vue m’obsède ».

Détail du Bal des Ardents (Charles VI protégé du feu par sa jeune tante Jeanne de Boulogne duchesse de Berry)

Dans ces conditions, on comprendra que la reine ait cherché ailleurs des consolations, et après son beau frère Louis d’Orléans, elle prit comme amant le meurtrier de celui-ci, Jean sans Peur, duc de Bourgogne (qui assassina le duc d’Orléans le 23 novembre 1407). Les amants ne se cachaient pas lors des crises de démence du roi, mais lorsque le roi reprenait sa lucidité et son rôle d’époux auprès de la reine, ils devaient se séparer.

Cette situation évidemment ne les enchantait pas. Jean sans Peur était puissant et redouté, et feignait d’embrasser la cause du peuple alors qu’il était d’une ambition féroce. C’est alors qu’Odinette entra en scène. Belle, blonde et douce, elle était la fille du maitre des écuries de la cour, un bourguignon, tout dévoué au duc Jean.

Jean sans Peur, duc de Bourgogne

Celui-ci vint les voir et expliqua ce qu’il attendait d’Odinette : elle devait aller tenir compagnie au pauvre roi afin que demeure près de lui une présence et une influence bourguignonne. Odinette fut elle consciente de tout ce que cela impliquait ? Le roi, de plus était sujet à la violence lors de ses crises et lançait à la tête des siens tous les objets à la portée de sa main.

De plus, il était doté d’un appétit sexuel très exigeant. Odinette, à 17 ans, pénétra dans l’hôtel Saint Pol alors plongé dans les ténèbres, le roi fou ne tolérant aucune lumière. Elle fit sa conquête dès le premier jour, dans le monde de terreur et d’angoisse où était plongé le pauvre roi fou (seuls quelques valets s’occupaient de lui et la reine préférait habiter l’hôtel Barbette), elle apparut comme un ange de bonté et de douceur.

Hotel Saint Pôl, résidence parisienne du roi où résida Odinette de Champdivers

Elle sut distraire le roi avec les jeux de cartes que l’on venait d’inventer ornés des enluminures de Jacquemin Gringonneur, le persuader de se laver grâce aux valets qui, déguisés, sautaient et dansaient afin d’attirer l’attention du roi Charles, qui, hypnotisé, se laissait déshabiller et laver.

Et puis, lorsque le roi recouvrait la raison et du même coup l’autorité royale, l’hôtel Saint Pôl s’illuminait de nouveau et les fêtes, les chasses se succédaient dédiées à la belle Odinette, qui très vite, s’était éprise du roi fou.

Charles VI roi de France

Car Charles VI avait été l’un des plus beaux hommes de son temps : blond, grand, sportif aimant la chasse et les fêtes, il avait fait de sa cour, avant sa démence, un lieu où les fêtes succédaient aux fêtes, aux tournois, aux chevauchées dans les provinces du royaume, à une vie intense qui avait peut être épuisé ce jeune roi à la santé fragile.

Odinette allait rester quinze ans auprès du roi devenu son amant et reçu deux châteaux de celui-ci : le château de Bagnolet et celui de Créteil, le duc Jean sans Peur la dotera, lui, des revenus du péage de Saint jean de Losne et de Troyes.

bataille d’Azincourt (25 octobre 1415)

Un royaume affaibli par la démence de son roi ne tarde pas à voir s’abattre les malheurs sur lui : la lutte entre Bourguignons et Armagnacs (le parti du roi) faisait rage et le roi anglais Henry V en en profita pour envahir la France : ce fut le désastre d’Azincourt en 1415 où 12 000 archers anglais décimèrent 70 000 soldats et chevaliers français (dont la fine fleur de la noblesse française). Puis, ce fut l’assassinat de Jean sans Peur en 1419 par le duc Philippe le Bon qui s’allia un temps aux anglais.

Puis en mai 1420, c’est Isabeau qui fait signer au roi le traité de Troyes où il reconnait que le Dauphin Charles est illégitime et qu’Henry V, par son mariage avec sa fille Catherine, peut régner sur les deux royaumes.

Mariage d’Henri IV roi d’Angleterre et de Catherine de Valois à Troyes le 2 juin 1420

C’est le chaos le plus total, Henry V fait de son unique enfant, Henry VI né de son union avec Catherine, le roi d’Angleterre et de France, tandis que le Dauphin Charles se terre à Bourges et à Chinon.

La France n’est plus. Odinette assiste impuissante aux souffrances du pays (ravagé par la guerre civile) et du roi Charles. En effet, on soignait le roi de sa folie par un remède affreux : la purgation par la tête. On lui incisait le cuir chevelu avec l’espoir de faire sortir l’humeur du malade. Le roi qui se croyait envouté, s’abimait dans des prières où il suppliait ses ennemis de le faire promptement mourir. Son vœu allait bientôt être exaucé.

la reine Isabeau de Bavière

Le 21 octobre 1422, entre 5 heures et 6 heures du matin, le roi rendit son âme à Dieu, assisté d’Odinette après un règne de 43 années dont 30 de démence.

Odinette pleura en voyant le cortège partir pour Saint Denis, car son unique amour était mort, mais aussi parce que sa place n’était plus à Paris.

La reine Isabeau qui l’avait toléré lorsque cela lui permettait d’éviter la présence du roi dément lui ordonna de partir. Odinette s’exécuta et se retira en Bourgogne à Saint Jean de Losne. Agée de 32 ans, encore belle, elle ne refit pas sa vie et demeura fidèle à Charles. Ses subsides venant à manquer (Isabeau avait repris les châteaux donnés par le roi), Philippe de Bourgogne lui envoya de l’argent en récompense des services rendus à son père Jean sans Peur.

Philippe le Bon duc de Bourgogne

Mais Odinette, bien que bourguignonne, était française de cœur, et elle épousa bientôt la cause d prince Charles lorsque Henry V rendit son dernier soupir au château de Vincennes quelques mois après Charles VI. Fut elle contactée par Yolande d’Anjou, la conseillère de Charles afin que la France retrouve son prince légitime ?

Toujours est il qu’elle rencontra un moine du Mont Beuvray nommé Etienne Charlot et qu’elle accepta de conspirer contre le duc Philippe. Mal lui en prit, Philippe le Bon eut vent de la conspiration et l’arrêta en 1425. Mais, curieusement, elle ne fut pas condamnée, peut être grâce au souvenir de la mission que le duc Jean de Bourgogne avait confié à une toute jeune fille de 17 ans.

Saint Jean de Losne

Odinette se réfugia dans sa famille en Dauphiné. Mais le goût de vivre l’a quitta peu à peu, elle mourut seule gardant pour ultime image les yeux clairs de Charles VI revenant à la vie et à la joie, lorsqu’au fond de ses ténèbres, plongé dans une pièce obscur et croupissant dans sa saleté, il reconnaissait son ange gardien, sa douce Odinette, qui par ses soins et sa beauté le ramenait dans un monde de douceur et de calme.

Charles VI et Odinette de Champdivers

Sa fille Marguerite fut légitimée en 1429 par son demi frère le prince Charles et épousa le 3 mai 1433 un de ses chevaliers : Jean de Harpedienne, seigneur de Belleville.

Elle mourut en 1460 ayant vu le royaume de France débarrassé des anglais et gouverné par le fils du pauvre roi fou, le roi Charles VII.

Sources :

Histoire d’amour de l’histoire de France de Guy Breton

Descendants d’Odinette de Champdivers (Petite reine)

Jusqu’aux arrière-petits-enfants.

Odinette de Champdivers, née vers 1390, Champdivers, près de Dole (Jura), décédée en 1424 (à l’âge de peut-être 34 ans).
Relation avec Charles VI le Fol de Valois, dauphin du Viennois (1368-1380), roi de France (1380-1422), né le 3 décembre 1368, hôtel Saint-Pol, Paris (75), baptisé le 6 décembre 1368, église Saint-Pol, Paris (75), décédé le 21 octobre 1422, hôtel Saint-Pol, Paris (75), inhumé le 10 novembre 1422, basilique de Saint-Denis, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) (à l’âge de 53 ans), dont

• Marguerite, née en 1407, décédée en 1458 (à l’âge de 51 ans), fille d’honneur de Marie d’Anjou en 1429.
  Mariée en 1428 avec Jean Harpedanne de Belleville, seigneur de Montaigu et de Belleville, chambellan du roi de France, dont
  • Louis, seigneur de Cosnac, seigneur de Montaigu ((en Poitou)), décédé en 1474.
    Marié le 27 novembre 1455 avec Marguerite de Culant, dame d’Ainay-le-Vieil(Cher), dont
    • Marguerite.
      Mariée en 1483 avec François, seigneur du Puy-du-Fou (8e).
    • Renée.
      Mariée le 11 mai 1486 avec Jacques de La Roche Aymon, décédé avant 1er juin 1513.
    • Catherine.
      Mariée avec Philippe de Cousdun, seigneur des Ouches et de Migné.
  • Gilles, seigneur de Cosnac.
    Marié en 1478 avec Guillemette de Luxembourg, décédée avant 9 avril 1500, dont
    • Jean.
      Marié en 1506 avec Jacquette de Sainte-Flayve.
    • Philippa.
      Mariée avec René de Surgères, seigneur de La Flocellière.
    • Guy.
      Marié avec Marguerite de Court.
    • Louis.
    • Catherine.
  • Marie, née vers 1430, décédée après 1479, fille d’honneur de la reine Marie d’Anjou en 1447, puis dame d’honneur de la reine Marie d’Anjou en 1452.
    Mariée avec Bertrand de Parthenay, seigneur de Soubise, décédé en 1470.

Total: 12 personnes (conjoints non compris).