Portrait par Elisabeth Vigée Lebrun en 1798
Née le 10 avril 1772 à Moscou
Morte le 9 aout 1865 à Saint Petersbourg
Enterrée au monastère Donskoi à Moscou
Maria Grigorievna Viazemskaya naquit le 10 avril 1772 du deuxième mariage de son père Grigori Ivanovich Viazemski avec une demoiselle Beklemisheva. Le couple avait eu quelques années auparavant un fils, Nicolas avec qui Maria s’entendra à merveille toute sa vie.
Leur père, Grigori Ivanovich Viazemski était conseiller d’état à la cour de Russie. Très vite, dès la naissance de Maria, il envisagera de la fiancer au fils de l’une des plus riches familles de Moscou : la famille des prince Galitzine. Cette famille détenait de vastes terres contenant plus de 40 000 serfs et elle était riche à millions : le dernier représentant des Galitzine était fils unique et avait quatre ans de plus que Maria : il s’agissait d’ Alexandre Nikolaevich Galitzine, seul représentant mâle de l’union de Mikhail prince Galitzine et de son épouse Tatiana Kourakina dont le mariage n’avait produit jusqu’à maintenant que trois filles.
Maria Grigorievna Viazemskaya, princesse Galitzine en 1798 par Elisabeth Vigée Lebrun
Elevé au milieu de ses sœurs, le jeune Alexandre aller laisser libre court à ses caprices, et ses parents laisseront faire, ce qui conduira le jeune homme a mener une adolescence dissipée et passablement hors de contrôle. Le fait que son futur gendre amorce les prémices d’un comportement incontrôlable n’empêchera pas le père de Maria de les fiancer rapidement.
C’est ainsi qu’en 1789, à l’âge de dix sept ans, Maria Grigorievna Viazemskaya épouse le prince Alexandre Nikolaevich Galitzine. Il ne semble pas que Maria ait éprouvé des sentiments amoureux vis-à-vis du prince Galitzine à qui elle était destinée dès le berceau. Au lendemain du mariage, et dans les semaines qui vont suivre, la princesse Galitzine va se rendre compte à quel point le comportement de son mari est anormal. La bonne société de Moscou considère le jeune Galitzine comme un être impoli et tyrannique vis-à-vis de son personnel. De plus, il dépense son argent à tout va. Il sème des pièces d’or lorsqu’il prend une calèche, et mène un train de vie de prince (qu’il est au demeurant !) mais sans aucune mesure de restriction. Ce qu’il désire, il l’achète peu en importe le coût.
Alexandre Nikolaevich Galitzine, 1er mari de Maria
La jeune Maria est la première à mesurer la folie dépensière de son époux : un jour qu’il se promène sur les terres d’une de leurs propriétés à la campagne, la jeune femme qui suit son époux à pied, finit par se plaindre de la chaleur et lui annonce qu’elle est épuisée et assoiffée et qu’un verre de lait serait le bienvenu. Le prince s’assit sur une souche, et exprime ses regrets de ne pouvoir lui apporter ce verre de lait.
Quelques jours plus tard, ils refont la même promenade dans les bois, et à l’endroit même où Maria a exprimé quelques jours plus tôt son désir de boire un verre de lait s’élève une ferme flambante neuve, avec une trentaine de vaches à disposition pour le verre de lait de la princesse Galitzine. Le comportement de son mari s’il pouvait passer pour romantique finit tout de même par inquiéter Maria qui s’inquiète de la diminution de sa propre dot, mise à la disposition du prince par droit de mariage, et qu’il commence à entamer au fur et à mesure de ses extravagances.
D’autant qu’avec les années le comportement du prince Galitzine ne s’arrange pas : il contraint sa femme à paraitre aux bals de la cour du tsar et pour une seule soirée lui commande la création de 300 robes ! La jeune femme ne sait plus vers qui se tourner, son propre père ne souhaite pas s’en mêler, et même le tsar se refuse à intervenir. Elle n’a plus de beau père, le père d’Alexandre étant mort avant le mariage de son fils, et la mère de ce dernier suit les folies de son fils d’un air attendri.
Maria Grigorievna Viazemskaya, princesse Galitzine
Peu à peu, Maria devient triste et se renferme de plus en plus : elle n’a aucun confident et son mari au fil des années devient brutal et exige de sa femme ses droits conjugaux quand il le souhaite et où il le souhaite : lorsque Maria oppose un refus, le prince la bat.
Au bout de neuf ans de mariage, Maria n’a eu aucune grossesse, ce qui exaspère son époux qui veut un héritier à tout prix. La vie de la princesse Galitzine devient un enfer et les apparitions de Maria dans les bals moscovites la font surnommer « la triste beauté ». La haute société connait le comportement du prince Galitzine, mais en Russie on ne divorce pas, on reste marié pour la vie. Le divorce conduit à une vie de paria, et est rarement demandé par l’une ou l’autre partie.
le comte Lev Kirillovich Razumovski, 2ème mari de Maria
Il y a quand même quelqu’un qui a remarqué la détresse de Maria, il s’agit du comte Lev Kirillovich Razumovski. Son oncle n’était autre qu’ Alexei Grigorievich Razumovski, l’époux secret de l’impératrice Elisabeth 1ère.
La famille Razumosky était riche à millions, et détenait un palais superbe à Moscou. Lev était le dernier fils (d’une fratrie de 11 enfants) né de l’union du frère cadet d’Alexei, Kirill, avec une princesse Narychkine.
En 1799, Maria a vingt sept ans, et Lev a quarante deux ans. Ils se rencontrent fréquemment car le frère de Maria, Nicolas, a épousé une nièce de Lev, et les deux familles possèdent des terres voisines et se côtoient assez régulièrement.
Lev, au fils des rencontres, tombe éperdument amoureux de Maria, et il cherche bientôt un moyen de libérer la jeune femme de ce mariage désastreux. Dans le courant de l’année 1799, il finit par trouver la solution : le prince Galitzine est un joueur acharné. Lev participe donc aux parties de cartes auquel s’adonne son rival : en l’espace de quelques mois, il gagne à de nombreuses reprises contre le prince Galitzine, qui remet souvent le remboursement de sa mise car il est souvent à court d’argent.
Au début de l’année 1800, Lev réclame le remboursement de la dette du prince vis-à-vis de lui. Acculé, le prince Galitzine propose un nouveau tour de cartes. Lev accepte, et de nouveau vainqueur propose au prince de rayer sa dette entière en échange de sa femme Maria princesse Galitzine. D’abord offusqué, le prince Galitzine refuse, puis devant la détermination de son adversaire il s’incline. Lev concède l’annulation de la dette (s’élevant à plusieurs millions) en échange de Maria.
Maria Grigorievna Viazemskaya, comtesse Razumovski vers 1810
De retour chez lui, le prince Galitzine annonce à Maria qu’elle doit désormais aller vivre chez Lev Razumovski. On raconte que Maria fut profondément offensée par le fait qu’elle ait été gagnée aux cartes, et qu’elle en voulut autant à son mari qu’à son amant, car elle fut bientôt la risée de la cour impériale. Cependant, chassée par son mari, elle partit se réfugier chez Lev et ils vécurent à partir de cet instant comme mari et femme.
Généreux, Lev, à partir du moment où Maria sera revenue le rejoindre, restituera les millions que le prince Galitzine lui devait, mais garda Maria avec lui. Sa stratégie avait marchée, la femme qu’il adorait vivait maintenant avec lui. Sa prochaine étape sera d’épouser la femme qu’il aime. Il jouera avec le scandale du jeu de cartes pour créer une large publicité en la faveur de Maria qui demandera le divorce à l’église orthodoxe de Moscou en argumentant sur le fait que le prince avait profané les liens sacrés de leur mariage en proposant sa femme en dette de jeu. L’église, profondément offensée, acceptera de prononcer le divorce entre les époux Galitzine.
Maria Grigorievna Viazemskaya, comtesse Razumovski vers 1820
Ayant obtenu son divorce après plusieurs mois d’attente, Maria épousera Lev comte Razumovski en 1802, en ayant obtenu le consentement de son premier époux (qui n’avait guère le choix). Un autre obstacle se dressait devant le jeune couple : la famille Razumovski avait un premier temps rejetée la jeune femme venue vivre scandaleusement avec le fils préféré de Kirill Razoumovsky. Bientôt, à force de charme et devant le bonheur du jeune couple, la famille finit par l’accepter en son sein. Ce fut bien plus difficile pour la bonne société de Moscou. Maria n’était jamais invitée dans les bals de l’aristocratie russe, mais ces derniers n’osaient refuser d’assister aux bals et réception que la jeune femme organisait dans les palais de Lev à Moscou que ce soit celui de la rue Tverskaya ou dans celui de Petrovsky Razumovski.
Seule une intervention de l’empereur Alexandre 1er pouvait mettre fin à cette situation. Le coup de pouce vint de l’un des beaux frères de Lev, le maréchal Ivan Vassilievich Goudovitch (marié à Praskovia une des sœurs de Lev), qui était alors gouverneur général de Moscou. Il intervint personnellement auprès du jeune tsar au profit du couple et demanda leur pardon. Alexandre, sensible à la beauté de Maria accepta de faire un geste.
Lors d’un bal organisé par le maréchal Goudovitch, le jeune empereur se dirigea droit vers Maria Razumovska, étincelante de beauté, s’inclinera devant elle et lui dira ses mots : « madame la comtesse, voulez vous me faire l’honneur de danser avec moi cette polonaise ? « Surprise et charmée, Maria accepta, et le simple fait que le tsar l’ait invité à danser lui ouvrit de nouveau les portes de la bonne société moscovite. Maria était réintégrée dans son droit d’épouse légitime pour son second mariage et son titre de comtesse était validé. Les invitations se mirent à tomber à nouveau au domicile de Lev et Maria.
Le marechal Goudovitch, beau frère de Maria
Son deuxième mariage fut validé en 1809. Maria n’eut pas plus d’enfants dans ce second mariage, mais elle élevera comme son fils le jeune Hippolyte Ivanovitch Podchasskogo (que tout le monde tenait comme le fils naturel de Lev né d’une ancienne liaison de sa jeunesse).
Le mariage Razumovski fut un mariage heureux, le couple ne se quittant presque jamais et lorsque c’était le cas une correspondance effrénée s’engageait entre eux. Les épreuves les rapprochèrent : lors de l’invasion des troupes de Napléon à Moscou en septembre 1812, les époux se réfugièrent à Tambov. Leur palais de Moscou (rue Tverskaya) fut dévasté par les troupes françaises : les 200 000 ouvrages de la bibliothèque personnelle de Lev furent incendiés.
Les soldats français à Moscou en 1812
Lors de la fuite des français, les russes reprirent possession d’une ville martyr aux trois quart brulée, et les époux Razumovski retrouvèrent un palais saccagé, dont les salons avaient servi d’abattoir pour les bovins que l’armée française égorgeait sur place sur les tapis et les parquets du salon. La reconstruction de son palais fera plonger dangereusement les finances du comte Razumovski.
Au début d’octobre 1818, Lev tomba malade et s’alita : il mourut le 21 novembre à Moscou. Il fut enterré au monastère du Petit Donskoy. Maria fut dévastée. Son époux lui avait cédé tous ses biens par testament, mais Maria entra bientôt en procès avec l’un des frères ainés de Lev, le comte Alexei Razumovski qui contesta la légalité du mariage de Lev avec Maria et revendiqua son droit à l’héritage de son frère.
Maria Grigorievna Viazemskaya, comtesse Razumovski vers 1820
Maria va batailler pendant trois ans, contrainte de vivre dans une quasi pauvreté, et chassée de chez elle par son beau frère. elle vivra grâce aux fonds mis de côté, et la justice lui rendra raison au bout de trois ans : son mariage fut reconnu valide, et son beau frère dut lui restituer ses biens.
Sa santé usée par l’anxiété, Maria consulta des médecins qui lui préconisa de voyager à l’étranger afin de soigner sa santé fragilisée. Elle gagna Vienne, puis Paris où elle ouvrit un salon mondain. Mme Girardin la mentionna dans ses écrits.
La comtesse Razumovski se refit une santé aux eaux de Carlsbad en Allemagne, puis revint en Russie où elle s’installa à Saint Petersbourg. Elle laissa son palais de Moscou (rue Tverskaya) à son frère Nicolas et s’installa rue Bolshaya Morskaya à Saint Petersbourg où elle ouvrit un salon fréquenté par la bonne société.
Le grand duc Mikhail Pavlovich
Les grandes duchesses Olga, Maria et Tatiana (filles du tsar Nicolas 1er) feront leurs débuts dans la société chez la comtesse Razumovski.
L’empereur Nicolas 1er et l’impératrice l’invitaient souvent au palais de Saint Petersbourg. Le grand duc Mikhail Pavlovich (frère de Nicolas 1er) se régalait de sa présence car elle appréciait ses blagues et sa conversation détendue.
Et Maria restait fidèle à la mémoire de Lev, elle avait fait élever à côté de son salon une petite chapelle dédiée à la famille où un portrait du comte était mis en valeur illuminé par des bougies qui ne s’éteignaient jamais.
La grande duchesse Elena Pavlovna
En vieillissant Maria fut criblée de dettes mais elle était astucieuse : elle revendit sa propriété de Karlovka en 1840 à la grande duchesse Elena Pavlovna (née Charlotte de Wurtemberg, et épouse de Mikhail Pavlovich) à la condition que celle-ci lui verserait un loyer jusqu’à la fin de ses jours.
La grande duchesse accepta car Maria avait alors soixante huit ans, et la grande duchesse espèrait que la fin de vie de Maria serait rapide, ce qui fut un mauvais calcul puisque Maria vivra encore pendant vingt ans après la transaction !
Car Maria était encore une belle femme malgré ses soixante ans et elle avait su garder une silhouette de jeune fille.
Maria Grigorievna Viazemskaya, comtesse Razumovski vers 1865
De plus, tous les quatre ans, elle se rendait en France pour refaire sa garde robe et acheter des bijoux.
Agée de 84 ans, elle ira à Paris pour acheter de nouvelles toilettes à l’occasion du futur couronnement d’Alexandre II. Jusqu’à sa mort, elle s’habillera comme une jeune fille avec un chapeau et une robe de couleur vive et éclatante ornée de plumes et de fleurs.
En 1859, elle sera couronnée de l’ordre de Sainte Catherine par le tsar.
Ce n’est que le 9 aout 1865 que Maria comtesse Razumovski rendra son âme à dieu à Saint Petersbourg, à l’âge vénérable de 93 ans.
Elle sera enterrée au côté de son époux Lev au monastère Donskoi.