Catherine de l’Isle Bouchard, dame des Roches, comtesse de Tonnerre, dame de Giac, dame de la Trémoille (1395-1472)

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Fille d’honneur de la reine de France Isabeau de Bavière
Dame d’honneur de la reine de France  Marie d’Anjou

née en 1395 à l’Isle Bouchard (Indre et Loire)
morte le 1er juillet 1472 à l’Isle Bouchard (Indre et Loire)
enterrée dans la chapelle seigneuriale du chateau de l’Isle Bouchard

Catherine de l’Isle Bouchard était la fille ainée de Jean de l’Isle Bouchard, seigneur de l’Isle Bouchard, et de son épouse Jeanne de Bueil. Elle naquit à l’Isle Bouchard (Indre et Loire) vraisemblablement vers 1395. Elle eut trois frères (Louis, Jean et Bouchard) et deux sœurs (Jeanne l’Ainée et Jeanne la Cadette).

Son grand père Jean IV de Bueil était maitre des Arbalétriers de France, et sa grand-mère, Marguerite de Marmande, dauphine d’Auvergne. La mère de Catherine, Jeanne de Bueil, sera l’une des dames d’honneur de la reine de France, Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI. La famille maternelle de Catherine tient des postes clés dans la région de Touraine, l’un des frères de sa mère, Hardouin de Bueil sera élu évêque d’Angers en 1374.

 A l’âge de deux ans, en 1397, Catherine de l’Isle Bouchard perd son père. Sa mère, qui ne se remarie pas, et qui occupe une place de dame d’honneur à la cour des Valois à Paris, place alors ses filles dans un couvent parisien afin de leur donner une éducation digne d’une Bueil.  Le frère ainé de Catherine Jean de l’Isle Bouchard, devient alors le seigneur de l’Isle Bouchard. Lorsqu’elle eut dix huit ans, la jeune Catherine eut l’honneur d’être désignée pour devenir fille d’honneur de la reine Isabeau de Bavière, et ce grâce à l’influence de sa mère. La beauté de Catherine, qui était une belle fille brune aux yeux noisette lui attira très vite des prétendants.

la reine de France Isabeau de Bavière et deux de ses dames de compagnie

A l’âge de vingt ans, en 1415, elle épousa Jean des Roches seigneur des Roches, domaine situé en Anjou et qui était aussi seigneur de Veretz. On ne sait pas grand-chose de ce premier mari de Catherine, si ce n’est qu’il décéda dans les mois qui suivirent son mariage. Il est fort possible qu’il fit partie des victimes de la bataille d’Azincourt, où la fine fleur de la chevalerie française se fit massacrer par les anglais. On est alors en pleine guerre entre français et anglais. Le roi d’Angleterre, Henri V revendique le trône de France du droit de son aieul Isabelle de Valois, fille de Philippe IV le Bel. Bien évidemment, les français et le roi Charles VI repousse cette prétention et les troupes françaises pourchassent les anglais qui viennent de rançonner la Normandie et la Picardie depuis l’été 1415. Le roi de France, Charles VI qui est retombé dans une crise de démence a confié son armée à Charles d’Albret, connétable de France.

 La bataille d’Azincourt (octobre 1415)

Le 25 octobre 1415, les troupes françaises, fortes de 18 000 hommes, tentèrent de barrer la route à l’armée anglaise constituée de 6 000 hommes qui tentaient de regagner la ville de Calais (qui était alors anglaise) afin de regagner l’Angleterre. La rencontre eut lieu dans un champ dans le petit village d’Azincourt, champ rendu boueux à la suite des fortes pluies des jours précédents : la chevalerie française s’y embourbera, et se fera transpercée de flèches anglaises ; les soldats anglais, à pied, s’empresseront d’égorger les chevaliers français tombés de leur monture, et incapable de se relever à cause de leur lourde armure de fer. De plus les anglais sont positionnés en hauteur et en entonnoir, et les français sont en contre bas. L’un des chroniqueurs de cette bataille relatera que « les troupes françaises marchaient dans la boue qui s’enfonçait jusqu’aux genoux et qu’ils étaient déjà vaincus par la fatigue avant même de rencontrer l’ennemi ». La première charge de la cavalerie française (il y en aura quatre en tout) s’écrasera contre les pieux anglais fichés dans la boue. La deuxième charge s’empêtrera dans les cadavres des chevaux et des blessés. Dans la mêlée, les anglais firent de nombreux prisonniers français appartenant à la première charge de cavalerie (la fine fleur de l’aristocratie s’y trouvait) qu’ils souhaitaient garder vivants pour ensuite les rançonner.

 Henri V, roi d’Angleterre

Sur un ordre du roi Henri V, la plupart de ces prisonniers furent égorgés sur place, car le roi anglais, au plus fort de la bataille, et du fait de la supériorité numérique des français prit peur et craignit que les prisonniers ne se révoltent contre leurs gardiens. C’est ainsi que certains chefs de la noblesse française finirent égorgés ou le crane écrasé à coups de masse. La bataille avait commencé à dix heures du matin, à dix sept heures, elle était finie : les vagues successives des français se sont brisées sur les débris des vagues précédentes, et les archers ainsi que les soldats anglais à pied, se battent pied à pied avec l’armée française, qui sans chefs, sont en déroute et s’enfuit. Au lendemain de cette bataille, Henri V donnera l’ordre d’achever les blessés français qui ont survécu, n’emportant que quelques prisonniers de marque (reconnaissable à leur étendard) dont le duc Charles d’Orléans et Georges de la Trémoille dont nous reparlerons plus tard et qui sera le troisième époux de Catherine de l’Isle Bouchard. Les anglais ont perdu dans la bataille le duc d’York, petit fils d’Edouard III, et une centaine de soldats : les français ont perdu 6 000 chevaliers, quatre princes du sang, des ducs, cinq comtes et quatre-vingt dix barons.

 Jean sans Peur, duc de Bourgogne

Il n’y eut pas une famille de France qui n’eut à subir la perte d’un mari, d’un frère, d’un fils ou d’un ami. Le duc de Bourgogne, Jean sans Peur (absent pour des raisons politiques) y perdit deux de ses frères : Antoine de Brabant et Philippe de Nevers. Catherine de l’Isle Bouchard y perdit son époux, son frère ainé Jean de l’Isle Bouchard (mort à 25 ans), son oncle Jean de Bueil (Grand Arbalétrier de France), et l’un des beaux frères de sa mère, Pierre de Villaines, prince d’Yvetot. La mort de son frère ainé permet à Catherine d’hériter de la terre de l’Isle Bouchard :  en effet ses deux autres frères (Bouchard et Louis) sont aussi décédés sans enfants à cette date, et en tant que fille ainée elle devient l’héritière des terres de son père.  Elle devient dame de l’Isle Bouchard, de Rochefort sur Loire, de Rivarennes, et de Doué, et sa beauté ainsi que sa richesse lui attire à nouveau de nombreux prétendants. Cette fois, elle choisit elle-même son nouvel époux : il s’agit d’Hugues de Chalon, qui possède des terres en Bourgogne, mais qui, dépossédé par Jean sans Peur duc de Bourgogne a rallié depuis peu les ennemis de ce dernier, le clan des Armagnacs. Il vit à Paris, et s’éprend sans peine de la jolie Catherine.

 Arthur de Richemont, connétable de France

Le 28 juin 1418, Catherine épouse Hugues de Chalon, et devient dame de Crusol et d’Argueil. A la mort de Louis de Chalon, le frère ainé d’Hugues de Chalon, elle devient comtesse de Tonnerre en mars 1423. Le duc de Bourgogne, toujours brouillé avec Hugues, lui confisque les revenus du comté de Tonnerre, au profit de sa sœur Marguerite de Bourgogne, épouse du connétable de Richemont. C’est tout de même sous le titre de « madame de Tonnerre » que la belle Catherine va prendre une place de plus en plus importante à la cour du roi Charles VII.

Ce dernier s’est réfugié à Bourges avec son épouse la douce et timide Marie d’Anjou, tout de suite après la mort de son père, Charles VI, le roi fou, en octobre 1422.

Charles VII, roi de France

Le roi Charles VII nommera Catherine marraine de son fils ainé Louis, et en la cathédrale de Bourges, la comtesse de Tonnerre tient sur les fronts baptismaux, le 4 octobre 1423, le futur roi Louis XI. Elle est alors resplendissante de beauté alors que la reine Marie d’Anjou est déclarée « fort laide » par les chroniqueurs.

Les mauvaises langues diront qu’elle était alors la maitresse de Charles VII. En tant que dame de compagnie de la reine, Catherine règne sur la petite cour de Bourges : ses compagnes sont Jeanne d’Orléans, sœur du malheureux Charles d’Orléans, prisonnier d’Azincourt (et qui restera vingt ans prisonnier des geôles anglaises) ou encore Isabelle de Gaucourt.

 Marie d’Anjou reine de France, épouse de Charles VII

Mais la guerre avec les Anglais est toujours présente, et le mari de Catherine tient une place prédominante parmi les chefs de guerre français.

Hugues de Chalon perd la vie lors de la bataille de Verneuil le 14 aout 1424. Il avait trente-neuf ans, Catherine se retrouve veuve, riche, et sans enfants, à l’âge de vingt-neuf ans.Elle ne va pas tarder à susciter l’attirance de celui qui deviendra son troisième mari.

Il s’agit de Pierre de Giac, un beau ténébreux d’une quarantaine d’années, brun au regard d’acier, qui est depuis un an le premier chambellan de Charles VII, son maitre des finances et son favori désigné. Les Giac sont une famille d’Auvergne qui possède le sombre château de Chateaugay près de Volvic.

La bataille de Verneuil en aout 1424

Le père de Pierre de Giac, était échanson de France et fut décapité avec 6 000 chevaliers chrétiens par les turcs avec la défaite de Nicopolis en 1396, dont le chef de la croisade n’était autre que Jean sans peur duc de Bourgogne. La mère de Pierre de Giac, Jeanne de Peschin, fut dame d’honneur de la reine Isabeau de Bavièr,e et avait fait partie de la suite du jeune Charles VII qui n’était alors que le jeune comte de Ponthieu. Le jeune Pierre de Giac était alors marié à la belle Jeanne de Naillac, qui était devenue la maitresse du duc de Bourgogne, Jean sans Peur.

 L’assassinat de Jean sans Peur, duc de Bourgogne sur le pont de Montereau en 1419

Le couple Giac fut au cœur de la conspiration qui amena la mort du duc de Bourgogne, par traitrise, lors de l’entrevue dramatique du pont de Montereau en 1419, ou quelques partisans du jeune roi Charles VII massacrèrent à coup de hache le duc de Bourgogne venu signer un traité de paix. C’est, selon les chroniques, à l’insistance de sa maitresse (« la dame de Giac ») que le duc de Bourgogne se rendit à Montereau dans le traquenard où il trouvera la mort. Tout de suite après, les Giac se retrouvent dans l’entourage du roi à Bourges, et Pierre de Giac devient le nouveau favori de Charles VII. En 1425, le roi le nomme chef du conseil. Pierre de Giac est riche, puissant et s’éprend de Catherine de l’Isle Bouchard, comtesse de Tonnerre, veuve d’Hugues de Chalons, qui tient la première place dans la maison de la reine.

 Le chateau de Chateaugay en Auvergne

Catherine résistera t’elle aux avances de Giac sous prétexte qu’il était marié ? toujours est il que ce dernier envisagera très vite de se débarrasser de son épouse Jeanne de Naillac, retirée sur leur terre de Chateaugay. Giac et son épouse sont mariés depuis douze ans et Jeanne de Naillac lui a donné deux enfants : un garçon et une fille. Pour compliquer encore la situation, l’épouse de Giac est enceinte en cet été 1425, et cette grossesse embarrasse l’amant de Catherine. Celle-ci lui bat froid depuis qu’elle a appris la future maternité de la dame de Giac, or Pierre de Giac soutient à Catherine que cet enfant n’est pas de lui, et que d’ailleurs son épouse ne lui est pas fidèle. Ne fut-elle pas il y a quelques années la maitresse du duc de Bourgogne Jean sans Peur ? Inquiet à l’idée de perdre sa belle maitresse, Giac décide alors de se débarrasser de son épouse.

 Pierre de Giac, chambellan du roi Charles VII

Il se rend à Chateaugay fin juin 1425, et y retrouve son épouse, enceinte de six mois. Cette dernière est loin de se douter du drame qui va se jouer. Arrivé au château, Pierre de Giac convie son épouse à un diner fastueux, où il l’invite à boire un vin capiteux qui est, sans qu’elle s’en doute, doublé d’un poison italien. A la fin du repas, la jeune femme se sent mal, elle est prise de vertiges, le sire de Giac se lève alors et la traine, sans ménagement, jusqu’aux écuries. Le crépuscule vient de tomber, il enfourche son destrier, jette son épouse, enceinte, sur l’encolure de son cheval, et part au grand galop sur ses terres qui environnent son château. La malheureuse se débat, crie, hurle de douleur. Le sire de Giac n’arrêtera son galop infernal que quand la jeune femme ne sera plus qu’une forme sanguinolente, ayant perdu « son fruit » lors de cette chevauchée infernale.

 La chevauchée de Pierre de Giac

Sans plus de scrupules, Pierre de Giac arrêtera son cheval fourbu à l’ombre d’un arbre, sortira une pelle qu’il a pris le soin d’emporter, et enterrera sommairement la jeune femme au pied de cet arbre. De retour au château, il annoncera que sa femme est partie finir ses couches dans un couvent près de Rioms. Plus tard, il annoncera qu’elle est morte en couches. De retour à Bourges, il annonce à Catherine qu’il est désormais libre de l’épouser, puisque dieu a rappelé sa femme auprès de lui. Il a pris soin auparavant de rapatrier les bijoux de Jeanne de Naillac qu’elle gardait précieusement dans un coffret, et de les offrir en gage de fiançailles à la belle Catherine. Avant la fin de l’année 1425 Pierre de Giac épouse Catherine de l’Isle Bouchard vraisemblablement à Bourges.

Dorénavant, le couple règne sur la petite cour de Bourges. Favori du roi, Pierre de Giac commet des exactions : la plus grande partie des finances votées en octobre 1424 par les Etats d’Auvergne, et destinées aux troupes de Richemont (nouveau connétable de France depuis 1425) aboutissent dans les poches du favori, privant ainsi les troupes du roi d’argent frais. A partir de cette date, Richemont, (qui est aussi frère du duc de Bretagne), et qui se bat pour Charles VII va devenir l’ennemi n° 1 de Giac. Un autre membre de l’entourage du roi va se liguer lui aussi contre Pierre de Giac : il s’agit de Georges de la Trémoille.

 Jeanne d’Auvergne, veuve du duc de Berry et 1ère épouse de George de la Trémoille

C’est un des rescapés de la bataille d’Azincourt, il y a été fait prisonnier et il a du payer une rançon exorbitante pour être libéré. Dans les mois qui ont suivi sa libération il a épousé la riche et jeune veuve du duc de Berry, Jeanne d’Auvergne en 1416. Le mariage ne fut pas heureux, l’époux dilapidant l’argent de son épouse et maltraitant cette dernière. La mort devait délivrer Jeanne d’Auvergne en 1423 et George de la Trémoille se retrouva veuf et riche. Il avait été élevé à la cour du duc de Bourgogne, puis ensuite introduit à la cour de France où il devint en mai 1413 chambellan du roi Charles VI. Il fut soupçonné d’avoir été un des amants de la reine Isabeau de Bavière pendant la démence du roi Charles VI (comme Giac qui eut aussi cette réputation), et d’avoir profité de cette période troublée pour accumuler des richesses. Il est titré comte de Boulogne et d’Auvergne et il est âgé de quarante-trois ans quand, lui aussi, il tombe amoureux de Catherine de l’Isle Bouchard dame de Giac. Il fait lui aussi partie de la cour de Bourges.

 Pour l’instant, Pierre de Giac et Georges de la Trémoille se tolèrent, mais le feu couve entre les deux hommes amoureux de la même femme et terriblement ambitieux. L’étincelle se produira lors du procès entre l’amiral de Culant et Jean de Lignières. Georges de la Trémoille prend parti pour Culant. Giac se déclare aussitôt pour Lignières et poursuit la Tremoille jusque devant le roi Charles VII, et se moque de lui en public. Furieux, la Trémoille se réfugie en son château de Sully sur Loire, où il invite le connétable Richemont (autre ennemi de Giac) afin de trouver ensemble un moyen de se débarrasser de ce favori de plus en plus envahissant. Les deux hommes tombent d’accord pour monter une conspiration.

 le chateau de Sully sur Loire (Loiret)

Richemont déteste Giac car il détourne les fonds pour ses troupes, quant à la Trémoille, il souhaite la belle Catherine, et quoi de plus simple que de la rendre veuve une troisième fois afin de l’épouser ? D’autant qu’à sa beauté se joint la richesse : le roi ne vient-il pas de lui donner le superbe château de Gençay le 21 mai 1425 ? Pendant un an et demi, les conjurés vont préparer patiemment leur projet contre le favori et attendre le moment favorable ; ce n’est pas facile car Giac est méfiant et se déplace dans des forteresses qu’il connait bien. L’opportunité va se présenter le 7 février 1427.

 Le chateau d’Issoudun (Indre)

La cour de France se trouve alors à Issoudun dont la configuration est différente des palais de Bourges ou du château de Chinon où évolue la petite cour. Le domaine appartient à la belle mère du roi, Yolande d’Anjou qui est présente lors de ce séjour et qui déteste le favori. Elle va donner au sire de Giac la chambre la plus haute du donjon d’Issoudun, qui est en même temps un cul de sac. Au beau milieu de la nuit, Georges de la Tremoille frappe à la porte de l’appartement occupé par le couple des Giac ; c’est Pierre de Giac qui ouvre et s’entretient avec le sire de la Trémoille, tout aussitôt des gardes du roi font irruption dans la chambre, et s’empare du favori. Celui-ci se débat et tente de se dégager mais en vain. Tout aussitôt il est « monté sur une hacquenée, n’ayant que sa robe de nuit et ses bottes » et est mené à Dun sur Auron, où son procès va commencer. Quant à Catherine, la chronique dit que « nue, elle se lança à la poursuite des gardes qui avaient mis la main sur ses bijoux et sa précieuse vaisselle dans sa chambre ».

 Le chateau de Dun sur Auron

A Dun sur Auron, qui appartient au connétable Richemont, le sire de Giac est mis à la question et passe rapidement aux aveux : il relate le meurtre de son épouse à Chateaugay, et avoue qu’il a donné sa main droite au diable quelques années plus tôt « afin de le faire venir à ses intencions «  Ce dernier trait achève de le culpabiliser. En guise de repentir, Pierre de Giac réclame qu’on lui coupe la main droite avant de le faire mourir. Cette dernière requête lui est accordée, on lui coupe la main droite, puis on le cout vivant dans un sac de cuir qu’on jette dans la rivière l’Auron, où il meurt noyé (Bosredon, amant de la reine Isabeau avait eu la même mort jadis à Paris dans la Seine).

 Yolande d’Aragon, belle mère de Charles VII

Charles VII, mis au courant après la mort de Giac, entra d’abord dans une colère folle, puis finit par se calmer lorsque sa belle mère et Richemont le mirent au courant des exactions du sire de Giac.

Quant à Catherine, après une période de veuvage très court, elle épouse Georges de la Tremoille le 2 juillet 1427 au château de Gençay.  Richemont place alors George de la Tremoille à la tête du conseil du roi. Charles VII se contente de dire à Richemont « beau cousin, vous me le baillez, mais vous vous en repentirez car je le connais mieux que vous ».

 Le chateau de Gençay (Charente)

Les contemporains de la cour de Bourges voit avec stupéfaction la veuve du sire de Giac épouser l’artisan de la mort de son mari : « … et combien elle sceut certainement que la Tremoille estoit cause et principal de faire mourir sondit mary, toutefois parlèrent ensemble et lui fist ladite Katherine très bonne chière, et tellement furent appoinctés entre eulx que, incontinent après bailla audit La Tremoille quantité de joiaux d’or et d’argent dudit Giac et les emporta au chastel de Gençay en Poictou, et là, furent espousés et couchèrent ensemble, dont tout le monde fust émerveillé que si hastivement elle se mist entre les mains dudit La Tremoille et prist à mary, considéré les choses dessus dictes, par lesquelles peut apparoir veritablement que ladite Katherine estoit consentante ou au moins très joieuse de la mort dudit Giac ».

 A l’âge de trente-trois ans, en 1428, Catherine de l’Isle Bouchard donne naissance à son premier fils, Louis de la Tremoille. Elle donnera ensuite naissance à deux autres enfants : Georges de la Tremoille en 1430, et Louise en 1432 (qui deviendra par son mariage l’arrière grand-mère de Catherine de Médicis. Cette époque va correspondre à l’époque la plus sereine pour Catherine de l’Isle Bouchard. D’abord, 1429, c’est l’année de l’arrivée sur la scène de la Pucelle, Jeanne d’Arc.

 1429 : La première rencontre de Jeanne d’Arc et du roi Charles VII  à Chinon

Catherine, dame de la Tremoille assiste dans la grande salle du château de Chinon à la reconnaissance du roi Charles VII par la jeune lorraine. En février et mars 1430, elle accueille Jeanne d’Arc dans son château de Sully sur Loire pendant une période d’accalmie entre deux campagnes. Catherine vit dans l’abondance et son couple est solide, bien qu’au fil des ans, la Tremoille soit devenu « gros et gras ». Devenu tout puissant auprès de Charles VII, Georges de la Tremoille règne sans rival de 1427 à 1433. Mais comme Giac, il ne sait pas se restreindre et confond les revenus du roi et les siens. Les ennemis du favori relèvent alors la tête au premier rang duquel figure à nouveau Yolande d’Anjou, la belle-mère de Charles VII. Celle-ci, qui a facilité l’épopée de Jeanne d’Arc, voit d’un mauvais œil la Tremoille entraver les progrès de la Pucelle ; en effet il refuse de lui donner plus de soldats et de l’argent pour les troupes. Dès lors, Yolande d’Anjou va comploter la chute de la Tremoille. Avec l’aide de Pierre de Brézé et de Jean V de Bueil (cousin de Catherine de l’Isle Bouchard) elle prépare le guet-apens qui fera chuter la Tremoille.

 Le chateau de Chinon (Indre et Loire)

Cette fois, l’entreprise se fera au château de Chinon. En juin 1433, les conjurés pénètrent de nuit dans la chambre de la Tremoille (scénario presque identique que lors du précédent attentat sur Giac), ce dernier a à peine le temps de saisir son épée qu’un coup de dague de l’un de ses agresseurs lui perce le ventre (il sera sauvé grâce à son embonpoint). Il sera emmené ligoté et ensanglanté à Montresor, puis mis à rançon pour 4 000 moutons d’or. Le roi lui ordonnera de se retirer en son fief de Sully sur Loire, et il dut rendre des terres et des bijoux aux héritiers de Pierre de Giac (notamment aux enfants que ce dernier avait eu avec Jeanne de Naillac) que les La Tremoille avaient dépouillés.  Sa femme Catherine dut elle aussi se rendre à Sully. Exclue de la cour de Charles VII, il semble qu’elle se résigna à ses devoirs de châtelaine et à l’éducation de ses enfants. Quant à George de la Tremoille il tentera de revenir, sans succès, à la cour de Charles VII.

 La “Praguerie” en 1440

Il participera à la révolte de 1440 avec le dauphin Louis (filleul de sa femme) pour finalement échouer. Il participa tout de même en tant que chambellan en 1445 à l’hommage du duc de Bretagne auprès du roi, et réussira à s’emparer du château de Champtocé suite à un prêt qu’il accordera à Gilles de Rais (le fameux Barbe Bleu) et que ce dernier ne pourra pas lui rendre. C’est à l’âge de soixante-quatre ans que George de la Trémoille rendit son âme à Dieu, le 6 mai 1446, en son château de Sully sur Loire (où il repose toujours).

Quant à Catherine, à l’approche de la cinquantaine, elle quitte Sully sur Loire et se retire sur ses terres de l’Isle Bouchard avec ses enfants. Le 29 aout 1452 elle rend aveu au seigneur de Morannes, évêque d’Angers pour la seigneurie du Buron.  En décembre elle reçoit la cession de tous les meubles de Jeanne de Boulogne duchesse de Berri (1ère épouse de son mari George de la Trémoille), cession accordée par Bertrand IV de la Tour comte de Boulogne et d’Auvergne. En mars 1455, elle signe un contrat de 400 livres tournois pour la réfection des ponts de Chateauneuf sur Sarthe.

 Le chateau de Bommiers (Indre)

Elle conserve encore une certaine beauté, et est sensible aux hommages rendus à sa personne. Elle tombe alors sous l’influence de Péan de la Vallée qui devint peut-être son amant et qui provoque les premiers remous entre elle et ses enfants. A cause de lui, les jeunes Louis et Georges de la Tremoille demandent à s’éloigner de l’Isle Bouchard, l’un part à Bommiers en Berry et l’autre se rend auprès du duc de Bourgogne arguant que le sieur Péan de la Vallée leur parle « en malgracieux termes et les empeche d’etre vestuz et habillés selon leur estat ».

L’église Saint Gilles de l’Isle Bouchard

En 1457, un procès s’engage entre Catherine et ses enfants pour le partage des biens : l’Isle Bouchard revient à Georges mais Catherine en garde l’usufruit. Le 10 octobre 1457, elle parait dans une transaction entre son fils Louis de la Trémoille et l’évêque de Luçon au sujet des excès et mauvais traitements de George de la Tremoille, père de Louis envers l’évêque et son chapitre à l’occasion de la juridiction que Georges prétendait injustement sur les terres et seigneuries de ceux-ci.

 Le chateau de Belabre (Indre)

Exaspéré par les manœuvres de Péan de la Vallée, Georges de la Tremoille s’empare de ce dernier et le jette dans un cachot de son château de Belabre le 6 décembre 1458.

La dame de l’Isle Bouchard se consacre alors à sa ville et ordonne les réparations nécessaires à l’église de Saint Gilles. Le 10 octobre 1470, elle reçoit à l’Isle Bouchard son filleul, le roi Louis XI, qui rend hommage à sa marraine.

 Le roi Louis XI, filleul de Catherine de l’Isle Bouchard

Le 1er juillet 1472, Catherine de l’Isle Bouchard, âgée de soixante dix sept ans, rend son âme à Dieu en son domaine du « Chatellier » à l’Isle Bouchard : ses obsèques ont lieu le 30 juillet, en présence de huit curés des villages environnants. Treize pauvres sont vêtus de vêtements décents et trois cent livres d’aumônes sont distribuées.

Elle est ensuite enterrée dans un tombeau de bronze qui se situait dans la chapelle du château de l’Isle Bouchard (aujourd’hui disparu) et une gisante la représentait avec cette épitaphe «  très noble et puissante dame Katherine de l’Isle… priez dieu pour son asme ».

Dans son testament, elle ordonnera trente messes pour le salut de son âme.

Sources :

 

  • Bulletin de la société des amis du vieux Chinon
  • Les seigneurs de Chateauneuf sur Sarthe.
  • Wikipedia
  • les “la Tremoille”

 

 

 

Descendants de Catherine de L’Isle-Bouchard :

 

Jusqu’aux petits-enfants.

Catherine, dame de L’Isle-Bouchard, de Rochefort-sur-Loire, de Doué, de Gençay et de Scelles, née vers 1395, décédée le 1er juillet 1472, L’Île-Bouchard (Indre-et-Loire) (à l’âge de peut-être 77 ans), fille d’honneur d’Isabeau de Bavière (1415), dame d’honneur de Marie d’Anjou en 1423.
Mariée en 1415 avec Jean, seigneur des Roches, tué en octobre 1415, Azincourt.

Mariée le 28 juin 1418 avec Hugues de Chalon, comte de Tonnerre, seigneur de Crussy et d’Arcueil, né vers 1385, tué le 14 août 1424, bataille de Verneuil (à l’âge de peut-être 39 ans).

Mariée vers 1425 avec Pierre de Giac, Chevalier , seigneur de Giac, de Clichy-la-Garenne et de Soupy, né en 1377, exécuté le 8 février 1427, Dun-le-Roi (à l’âge de 50 ans), Chancelier de France, premier Chambellan de Charles VII, surintendant des Finances.

Mariée le 2 juillet 1427, Sully-sur-Loire (Loiret), avec Georges de La Trémoïlle, comte de Guines, de Boulogne et d’Auvergne, vicomte de Thouars, seigneur de Mareuil, de La Trémoïlle, de Sully, de Jonvelle et de Craon, né en 1382, décédé le 6 mai 1446, château, Sully-sur-Loire (Loiret), inhumé, dans l’église du château, Sully-sur-Loire (Loiret) (à l’âge de 64 ans), grand chambellan de France, souverain maître réformateur général des eaux et forêts, 1er ministre (1427), surintendant des finances, chef du conseil d’état, dont

Relation avec Jeanne de La Rue, dont

Marié le 14 septembre 1482, Issoudun (Indre), avec Annette Maincet, décédée après 1484.

 

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2 réflexions sur « Catherine de l’Isle Bouchard, dame des Roches, comtesse de Tonnerre, dame de Giac, dame de la Trémoille (1395-1472) »

  1. Quelle bonne idée que la vôtre de voir l’Histoire par les Dames !
    Ayant étudiè depuis une trentaine d’années (pas fait que celà pendant ce temps !) les morts, prisonniers et participants à Azincourt (au total 850 ou 900 noms), il est vrai que l’on voit souvent passer quelques “jeunes personnes” veuves remariées à un prisonnier, parfois re-remariées à un participant plus jeune qu’elles-mêmes (pendant qu’on y est ! ).
    Les exemples (pour autant que ce soit des exemples de moralité …) que vous citez en sont les témoins sans citer cette….de Jacqueline de Bavière et autres Mariette d’Enghien, et une Dame savoyarde ou affiliée dite de Chypre dont le prénom m’échappe
    Pour lors, je retourne en 1424 à Verneuil…Les Anglais vont encore nous mettre la pâtée !
    Bien cordialement !
    JPF

    • bonjour, merci pour votre enthousiasme !
      Votre étude sur les morts d’Azincourt m’intéresse (je co-gère aussi la liste des victimes sur le site roglo.eu)… où nous recensons les noms des participants. J’ai moi même été faire un tour à Azincourt et visiter le musée il y a quelques années… Je pense me pencher sur l’histoire de Jacqueline de Bavière (très intéressante) un de ces jours quand j’aurais un planning moins chargé..
      Bonne navigation sur le site…

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