Julie Auguste (“Julie l’Ainée”), fille de l’empereur Auguste (- 39 av JC – 14 ap JC)

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julieauguste

Née en octobre  – 39 avant JC
Morte en – 14 avant JC

Julie Auguste (surnommée aussi Julie l’Aînée) fut l’unique enfant de l’empereur Auguste, premier empereur romain, alors que celui-ci ne s’appelait encore qu’Octave (de son vrai nom « Caius Octavius Thurinus »).

 

La lente ascension d’Octave jusqu’aux premières marches du pouvoir à Rome pourrait faire l’objet d’un film digne d’Hollywood.

Fils de Gaius Octavius (gouverneur de Macédoine) et de Atia Balba Caesonia (nièce de Jules César) le jeune Octave va être adopté par Jules César (qui n’a pas d’héritier direct) dans son testament. Lorsqu’il apprend l’assassinat de Jules César lors des ides de mars 44 avant JC, le jeune Octave, alors âgé de dix neuf ans, se rend immédiatement à Rome pour récupérer son héritage. C’est à ce moment là qu’il ajoute le nom de César à son patronyme.

Il va dès lors tout faire pour châtier les assassins de son oncle, et ne va pas tarder à entrer en conflit avec le lieutenant de son oncle, le très charismatique Marc Antoine, qui revendique lui aussi l’héritage césarien. Mais Octave ne va pas affronter directement Marc Antoine dès les premiers temps, conscient que ce dernier possède le soutien des armées de Rome. Il accepte en 44 avant JC de former le triumvirat en compagnie de Lépide et de Marc Antoine. Les trois hommes se partagent le monde romain : Octave obtient le monde romain (Italie et Europe), Lépide aura l’Afrique, et Marc Antoine le monde oriental (et surtout l’Egypte où règne alors Cléopâtre).

Buste de Julia l’Ainée

Jusqu’en 42 avant JC, Octave va s’attacher à traquer ses opposants (qui la plupart avait trempé dans l’assassinat de Jules César), et va patiemment éliminer Cicéron, Cassius (qui préfère se suicider) et surtout l’autre fils adoptif de Jules César, Brutus, qui avait participé au meurtre de Jules César en lui administrant le dernier coup de poignard fatal.

Octave n’a pas l’âme d’un guerrier comme Marc Antoine, mais c’est un animal politique qui sait se sacrifier lorsque l’enjeu en vaut la peine. C’est ainsi qu’il accepte de se marier pour raison politique : sa première épouse s’appelle Clodia Pulchra, et elle est la belle fille de Marc Antoine (elle est née d’un premier mariage de Fulvie qui est alors l’épouse de Marc Antoine). L’union de Clodia et d’Octave n’est pas heureuse, et Octave se désintéresse totalement de la jeune femme. Lorsqu’une nouvelle alliance s’offre à lui, il n’hésite pas à divorcer de la jeune femme en – 40 avant JC, son mariage n’ayant duré que quelques mois, et n’ayant produit aucun enfant.

Son nouvel ennemi, à cette époque, se nomme Sextus Pompée : ce général romain tient la Sicile, la Sardaigne et la Corse, et ne cache pas ses ambitions politiques. Pour tenter de museler ce nouvel adversaire, Octave accepte d’épouser la belle sœur de Sextus Pompée : son deuxième mariage se conclut quelques jours après son divorce d’avec Clodia, et il épouse Scribonia. Cette dernière est beaucoup plus âgée qu’Octave, est peu séduisante, et est déjà deux fois veuve. Ses deux premiers maris furent des consuls romains, et elle a eu deux enfants de son deuxième époux. Dotée d’un caractère difficile, Scribonia a aussi la réputation d’avoir eu des mœurs dépravées.

Inutile de dire qu’Octave n’est pas plus heureux dans ce deuxième mariage qu’il ne l’avait été dans le premier. Seul un événement de bonne augure va lui redonner un peu de baume au cœur, en effet, au cours de l’été – 39 avant JC, l’épouse d’Octave se retrouve enceinte. Fou de joie à l’idée d’avoir un héritier, Octave fait contre mauvaise fortune bon cœur, et tente de relancer sa vie conjugale. C’est sans compter avec le destin qui va le mettre en relation avec l’unique femme de sa vie, et celle qui restera son seule et unique amour : Livie.

Au cours de l’été, les nobles républicains, proscrits après l’assassinat de César, commencent à revenir à Rome. Parmi eux se trouve Tiberius Claudius Néron, accompagné de son fils Tibère (le futur 2ème empereur de Rome) et de sa jeune épouse Livie. Elle est à peine âgée de dix neuf ans, mais elle est charmante, avec un sourire qui illumine son ravissant visage. De plus, elle est enceinte de son deuxième enfant.

Octavius devenu l’empereur Auguste, père de Julia l’Ainée

Le hasard veut qu’Octave rencontre ce couple d’anciens proscrits. Il éprouve sur le champ un coup de foudre pour cette aristocrate belle et décidée, qui a fait la preuve de son courage dans l’exil, et ses tribulations, où elle a suivi son mari. L’amour fou d’Octave va le décider à prendre en main sa vie amoureuse : il aime Livie, il la veut, et elle sera sienne. C’est décidé, il fera de Livie sa troisième épouse.

Il obtient (chose surprenante) l’accord du mari de Livie, en effet Tiberius Néron cède ses droits conjugaux sur Livie, et consent à divorcer d’elle (alors même qu’elle est enceinte de son enfant). Quant à Octave, il obtient l’autorisation du collège religieux des Pontifes, qui ne montre guère de difficultés, et il se fiance sur le champ avec Livie dans la demeure même de l’ex-époux, Néron, qui souhaite au couple tout le bonheur possible.

Et Scribonia dans tout cela ? Enceinte jusqu’aux yeux, elle accouche fin décembre d’une petite fille prénommée Julie, et est répudiée le jour même de son accouchement. Quelques jours plus tard, elle quitte la maison d’Octave laissant la place à Livie, qui s’empare aussitôt de la maison d’Octave, et du bébé qui vient de naître. Le 14 janvier – 38 avant JC,  Livie accouche de l’enfant de Néron, un fils qu’elle nommera Drusus. Trois jours plus tard, Octave organise son mariage avec Livie qui devient officiellement son épouse.

C’est ainsi que Julie arrive au monde quasiment orpheline de mère. Pour remplacer sa mère, il ne manque pas de femmes dans la maison d’Octave : il y a d’abord sa belle mère, Livie, mais aussi Octavie, la sœur d’Octave, l’épouse bafouée de Marc Antoine qui vient de la renvoyer à Rome en – 35 (pour vivre plus commodément son histoire d’amour avec la reine d’Egypte Cléopâtre).

Le mariage d’Octavie et Antoine avait aussi été un arrangement politique au moment de la formation du triumvirat. Lorsqu’elle épouse Marc Antoine, Octavie est veuve du consul Gaius Claudius Marcellus (avec qui elle a eu Marcus Claudius Marcellus qui deviendra le premier mari de Julie, Marcella l’Ainée et Marcella la Jeune) ; quant à Marc Antoine, il est alors veuf de Fulvie, et son mariage avec Octavie fonctionnera plutôt bien les cinq premières années, le temps que cette dernière lui donne deux filles : Antonia l’aînée et Antonia la jeune. Lorsque Marc Antoine (qui gère le monde oriental) rencontre Cléopâtre, tout vole en éclat, et il répudie Octavie qui trouve refuge chez son frère à Rome. Elle arrive chez son frère avec ses enfants : Marcus Claudius Marcellus, Marcella l’Ainée, Marcella la Jeune (nés de son premier mariage) mais aussi ses deux fillettes nées de son mariage avec Marc Antoine. Et comme Octavie a un cœur énorme et possède une grande noblesse de cœur, elle a aussi avec elle les enfants de Marc Antoine nés de ses précédentes unions : les deux fils qu’il a eu avec Fulvie, Marcus Antonius Antyllus et Iullus Antonius.

Les fresques à l’intérieur de la maison d’Auguste sur le mont Palatin à Rome

Tout ce petit monde débarque chez Octave qui accueille sa sœur à bras ouvert. Il y a maintenant quatre ans qu’il est marié avec beaucoup de bonheur à Livie, et sa maisonnée est suffisamment grande pour accueillir tous ces enfants, sans compter les deux fils que Livie a eu avec son époux Néron : Drusus et Tibère, qui sont venus habiter avec leur mère à la mort de leur père en – 33 avant JC.

Toute cette nichée sont autant de compagnons de jeux pour la jeune Julie, unique fille d’Octave, et qui le restera puisque l’union de Livie et d’Octave restera stérile. Octavie agrandira encore la maisonnée de son frère en accueillant en – 30 avant JC les enfants que Marc Antoine avait eu de Cléopâtre : les jumeaux Hélios Alexandre et Cléopâtre Séléné, et le jeune Ptolémée Philadelphe.

La famille d’Octave devient si importante que les sénateurs lui achètent un bâtiment mitoyen de sa demeure du Palatin à Rome, pour loger plus confortablement toute cette marmaille. Si Octavie a récupéré les enfants de Marc Antoine, c’est que ce dernier a fini par être vaincu par Octave, et il s’est donné la mort en – 30 avant JC à Alexandrie en Egypte, alors même que Cléopâtre se suicide en se faisant mordre par un aspic.

Quelques mois auparavant, la flotte d’Octave avait réduit à néant la flotte de la reine d’Egypte et de son amant-époux Marc Antoine : la défaite navale d’Actium, en Grèce, permettra à Octave de mettre la main sur tout le monde romain. Le nom de « République » romaine est conservée mais Octave va dès lors s’employer à bâtir ce qui va devenir un empire.

Lorsqu’en – 29 Octave revient triomphant à Rome après avoir battu Marc Antoine et la reine d’Egypte, cela fait trois ans que Julie n’a pas revu son père. La fillette a maintenant dix ans et elle se joint à sa famille pour accueillir dans les rues de Rome le « père de la patrie » qui vient de sauver Rome : la foule brandit des couronnes de fleurs, et tente d’approcher le char du vainqueur. Les fêtes données en l’honneur de la triple victoire romaine sur l’Egypte, les peuples du Nord et sur Marc Antoine permettent aux femmes de la famille d’Octave d’assister au spectacle de la gloire d’Octave, âgé alors de trente quatre ans. Des armes, des trésors, des monceaux d’armes entassés sur des chariots, des captifs enchaînés et vêtus de leurs costumes exotiques défilent en une longue procession, encadrés de porteurs de pancartes où sont inscrits les noms des villes prises.

La victoire d’Actium (sur Marc Antoine et Cléopâtre) est évoquée par la figuration des navires vaincus, et les maquettes des pyramides et des obélisques à la pointe couverte d’or. La litière sur laquelle Octave avait prévu d’exhiber Cléopâtre participe au défilé, mais c’est l’effigie en or de la reine que transporte le char royal, et les deux jumeaux de la reine et Marc Antoine, Cléopâtre Séléné et Hélios Alexandre veillent sur le simulacre de leur mère, debout de part et d’autre du gisant étincelant. Octave arrive à la fin du défilé en costume de triomphateur : vêtu d’un manteau de couleur pourpre, et coiffé d’une couronne de lauriers, il est debout sur un char tiré par quatre chevaux blancs. Il a exigé que son neveu Marcellus (fils d’Octavie) et Tibère (fils de Livie) figurent avec lui : ils chevauchent sur les deux chevaux de tête du quadrige.

De retour à Rome, Octave s’emploie à instaurer une nouvelle discipline qui remet en vigueur les valeurs mythiques de Rome : la simplicité de vie, le respect des vertus… Il s’emploie à donner de lui l’image d’un homme frugal, ennemi du luxe et respectueux des traditions ; c’est pourquoi il impose à sa fille et à ses nièces l’apprentissage du filage de la laine et demandent qu’elles apprennent à tisser les vêtements de la famille comme le faisait leurs ancêtres, les matrones romaines. Bientôt les fillettes s’abîment les mains en faisant tourner le fuseau, et Octave se vante de ne porter en public que les vêtements tissés par les femmes de sa famille.

Julie obtempère, bon gré mal gré, et apprend à tisser la laine. Elle est bientôt sur le point de faire sa première apparition dans la vie publique : en effet, Octave à remit officiellement au Sénat le 16 janvier -27 avant JC tous les pouvoirs qu’il détenait depuis Actium. Les sénateurs le persuadent de partager avec eux « l’imperium », c’est à dire le pouvoir suprême sur tout le monde romain. Octave accepte, toujours sous le couvert du respect de la République romaine, mais en fait, c’est à ce moment là qu’il jette les premiers fondements de l’Empire. Il reçoit en contrepartie le nom d’ »Auguste » qui signifie « sacré ».

Julie devient donc la fille d’Auguste : elle est à peine âgée de douze ans, mais déjà les prétendants qui désirent l’épouser se présentent en masse. Chaque famille de la noblesse romaine s’empresse de demander à Octave la main de sa fille. Mais ce dernier hésite à introduire au sein de sa famille un gendre qui pourrait être un potentiel rival ; ne serait il pas mieux de marier Julie à l’un des membres de cette nombreuse marmaille qui règne dans sa maisonnée ?

Macellus, le premier mari de Julie l’Ainée

Et Octave n’a que l’embarras du choix : il y a son neveu favori, Marcellus, le fils de sa sœur bien aimée, ou alors Tibère le fils de sa douce Livie. Ils ont tous les deux dix sept ans, et Octave a veillé personnellement sur leur éducation depuis leur plus jeune âge. Comme gendre, il préfère choisir Marcellus : ce jeune garçon a fait partie de son état major pendant la guerre d’Espagne en -26, et il s’y est montré plein de bravoure et de popularité.

C’est ainsi que Julie épouse celui qu’elle considère comme un frère. La cérémonie des noces à lieu à Rome en – 25 avant JC. Auguste, qui est alors malade (il aura toute sa vie une santé fragile) ne peut assister aux noces, et il délègue pour le représenter l’un de ses plus fidèles amis, Agrippa. C’est donc Agrippa qui donne la main de la jeune épousée de quatorze ans à son époux.

Pour Julie, Marcellus est plus un frère qu’un mari, leur couple fait bientôt sensation dans Rome : par leur charme et leur beauté, ils incarnent la nouvelle jeunesse de Rome. Rassuré sur la sympathie qu’inspire Marcellus auprès du peuple romain, Auguste s’empresse d’accélérer l’ascension de son gendre et futur héritier dans la vie politique ; Le jeune Marcellus est nommé édile de Rome (malgré son jeune age), et c’est à lui que les romains doivent les grandes tentures qui les protègent du soleil lorsqu’ils se promènent dans le Forum. Le jeune édile organise aussi les jeux de Rome, et quand il se présente avec sa jeune épouse, la foule acclame longuement le jeune couple resplendissant dans la tribune officielle.

Le jeune couple partage sa vie entre Rome et leurs villégiatures d’été à Naples ou à Baies. Comme tous les jeunes de leur âge, ils ne songent qu’à se divertir en fêtes et en réceptions. La beauté de Julie s’épanouit auprès de cet époux complice qui partagent ses envies de plaisir les plus folles. Or, le drame arrive bientôt d’une façon inattendue : le jeune Marcellus à la fin de juillet de l’an – 23 se met bientôt à frissonner des pieds à la tête, et sombre dans le délire. Les médecins, impuissants, préconisent des bains glacés pour le sortir de sa torpeur. Mais Marcellus ne résiste pas au traitement, et il meurt soudainement le 1er août -23 avant JC.

A l’annonce de la nouvelle de la mort de son gendre, Auguste est effondré. Il organise des obsèques grandioses et prononce lui même l’éloge funèbre de ce gendre qu’il aimait comme un fils. Le corps de Marcellus est le premier a reposer dans le mausolée qu’Auguste a fait construire pour lui et sa famille sur les bords du Tibre. Mais c’est la propre mère du jeune homme, Octavie, qui est le plus accablée par cette mort. Jusqu’à sa propre mort (qui arrivera en – 11 avant JC) Octavie va porter le deuil de ce fils tant aimé, elle se cloîtrera chez elle, refusant de recevoir qui que ce soit en dehors de ses filles et de ses petits enfants. Elle refuse qu’on mentionne le nom de Marcellus devant elle, et malgré l’insistance de son frère se refuse à revenir dans la vie publique.

Quant à Julie, elle devient veuve à seize ans : elle n’a pas eu d’enfants de ce premier mariage, mais elle pleure sincèrement cet époux qui était aussi son ami. Mais déjà les intrigants qui entourent Auguste parlent de donner un nouvel époux à Julie. Le père de Julie peine à trouver un nouvel époux pour sa fille ; la candidature de Tibère (mis en avant par sa mère Livie) est écartée, car il est trop impopulaire, et puis quelques troubles populaires à Rome poussent Auguste à proposer un homme dans lequel il a toute confiance, et qui serait plus à même de devenir son héritier : il s’agit de son ami Agrippa, celui là même qui avait officié à sa place lors du premier mariage de Julie.

Or, Agrippa est marié avec Marcella l’aînée (qui est la belle sœur de Julie puisque sœur du défunt Marcellus et fille d’Octavie), qu’à cela ne tienne, à la demande d’Auguste, Agrippa divorce, et accepte d’épouser Julie. Quant à Marcella l’aînée, elle se remariera avec son compagnon de jeu et d’enfance, Iullus Antonius (fils de Marc Antoine et de Fulvie) qu’Octavie avait élevé parmi ses enfants.

C’est ainsi qu’en -21 avant JC, Agrippa devient le deuxième mari de Julie : il a quarante deux ans, Julie en a seize…

Quelques mois après le mariage, Julie se trouve enceinte pour la première fois, et elle accouche d’un fils Caius en – 20. Auguste a enfin l’héritier de sang qu’il désirait tant. Quant à Julie, forte du prestige de cette naissance, elle commence à vivre à son gré dans un luxe digne de princesse orientale. Une deuxième grossesse s’annonce en – 19 avec la naissance de Julie la Jeune, puis un troisième enfant naît, il s’agit de Lucius en – 17.

C’est à ce moment là qu’Auguste décide d’adopter ses deux petits fils, et de les enlever à Julie et à Agrippa. Avec l’accord de son gendre, il retire les deux bébés de la demeure de Julie pour qu’ils soient élevés dans sa maison. Les deux princes feront désormais figure d’héritiers, et participeront à toutes les cérémonies officielles au côté d’Auguste.

Leur lien avec leur mère est définitivement rompu à la demande expresse d’Auguste. C’est à cette époque que la vie de Julie se dérègle : elle ne craint pas de s’afficher en public avec de jeunes hommes, avec lesquels elle flirte outrageusement. Lors des jeux du cirque, elle offre un contraste frappant avec sa belle mère Livie qui siège dans toute sa dignité de matrone romaine, Julie, dans la tribune voisine, s’affiche dans une parure excentrique, et rit à gorge déployée. Auguste s’empresse de lui adresser le reproche de ne pas savoir se maîtriser en public, mais Julie répond avec impertinence qu’elle est jeune, et qu’elle profite de la vie.

Agrippa, le deuxième mari de Julie l’Ainée

On raconte qu’ellle vint un jour voir son père dans une robe un peu trop osée et offensa les regards de son père qui garda le silence. Le lendemain, elle changea de style de toilette et embrassa son père, tout content, avec une feinte gravité. Mais lui qui la veille avait dissimulé son chagrin ne réussit pas à dissimuler sa joie et dit : « Comme cette tenue convient mieux à la fille d’Auguste ! ». Julia pour sa défense ne manqua pas d’à-propos : « C’est qu’aujourd’hui je me suis faite belle pour les yeux de mon père, hier c’était pour ceux de mon mari ! »

Les premières rumeurs concernant son infidélité circulent. Son mari observe d’un œil inquiet ce déchaînement de personnalité : la perte de ses deux fils à certainement précipiter le comportement de Julie, c’est pourquoi il décide que lui et sa famille vont quitter Rome pour la Grèce, puis l’Asie Mineure, dans le courant de l’année – 15. C’est ainsi qu’Agrippa, Julie et leur fille Julie la Jeune, embarquent pour la Grèce au printemps. Pendant le voyage, Julie se retrouve de nouveau enceinte, et elle accouche en décembre à Athènes, d’une deuxième fille qui se prénomme Agrippine. A ceux qui s’étonnent que tous ses enfants ressemblent à Agrippa, la jeune femme aura cette réplique : «  je ne prends de passager que lorsque le navire est plein ! ».

Pendant trois ans, jusqu’à – 12, le couple Agrippa/Julie reste en Grèce avec leurs enfants. De temps en temps, Agrippa se rend seul en Hongrie occidentale pour mater quelques rebellions. Or, au retour de l’une de ces expéditions, Agrippa tombe malade. Il décide de retourner en Campanie, accompagné de Julie, qui est de nouveau enceinte, et de ses filles. Mais il meurt à peine débarqué le 20 mars. Sa dépouille sera portée avec tous les honneurs dans le mausolée d’Auguste à Rome, auprès du premier mari de Julie, Marcellus.

A l’âge de vingt sept ans, Julie se retrouve de nouveau veuve, et de surcroît, elle accouche, seule, d’un fils qu’on prénomme Agrippa Posthumus.

Buste de Tibère, le troisième mari de Julie l’Ainée

Ayant rempli son rôle qui était de donner des héritiers à son père, Julie pourrait enfin mener la vie libre qu’elle désire tant, ou bien convoler une troisième fois avec un élu de son choix. Or, Auguste estime que ses héritiers Caius et Lucius sont encore bien jeunes, et qu’un mari de Julie trop ambitieux risquerait de rompre l’équilibre de sa succession qu’il a calmement programmée. Il va donc trouver pour Julie un troisième mari, qui sera aussi de son choix, comme les deux premiers, et c’est là que la belle mère de Julie, Livie, va entrer en scène. Elle possède deux fils de son premier mariage : Drusus et Tibère, et entend bien leur assurer aussi une carrière politique. Ayant toujours eu une forte influence sur Auguste qui n’a jamais cessé de l’aimer, elle pousse en avant son fils Tibère.

Or, Tibère est marié depuis plusieurs années à une jeune femme qu’il adore, Vipsania, qui attend leur second enfant. Lorsqu’Auguste lui intime l’ordre de répudier sa femme enceinte, et d’épouser sa fille Julie, Tibère sait qu’il n’a pas le choix. Bien qu’il ait été élevé avec Julie depuis sa plus tendre enfance, il ne l’aime pas, et malheureusement, Julie ne l’apprécie guère non plus. Tibère aime les femmes douces, effacées, et Julie, par son comportement excentrique ne lui convient pas. Résigné, Tibère divorce de sa jeune femme, et épouse Julie dans les jours qui suivent. Désireux de s’éloigner de Rome, Tibère emmène sa femme en Pannonie, où il poursuit l’œuvre de pacification qu’avait entamé Agrippa. Julie se retrouve rapidement enceinte et accouche d’un fils qui meurt au bout de quelques mois. Dès lors les deux époux ne feront plus rien pour cacher leur mésentente, et leur antagonisme. Dès l’an – 7 avant JC, ils vivent pratiquement séparés. Dorénavant, c’est sa mère Livie qui figure auprès de Tibère dans les représentations officielles, jusqu’à ce que ce dernier soit exilé à Rhodes, par ordre d’Auguste en -7 avant JC.

Julie, qui vient d’avoir la trentaine, se lance dans la vie facile et profite de sa beauté pour nouer des intrigues amoureuses, et s’épuiser dans des fêtes toujours plus somptueuses. Elle vient de prendre pour amant le dernier mari de Marcella l’Ainée, ce superbe fils de Marc Antoine, Iullus Antonius, qui a partagé ses jeux d’enfants, et auprès de qui elle retrouve une sensualité débordée.

Dame romaine à sa toilette

Or, les jeunes gens ne sont guère discrets, et Auguste commence à entendre les ragots que l’on rapporte sur la conduite de sa fille : ses toilettes extravagantes, ses dépenses inouïes et sa vie de plaisir ininterrompue. Il a cependant du mal à y croire, et préfère nier l’évidence : pour lui Julie possède un tempérament exubérant et elle a le malheur de posséder un trop plein de vitalité. Et puis, ne lui a t’elle pas donné ce qu’il a de plus précieux : ses deux héritiers Caius et Lucius ? Peut être aussi n’a t’il pas la conscience tout à fait tranquille d’avoir retiré à leur mère quelques années auparavant deux bambins nouvellement nés ?

Alors que Julie vit sa passion au grand jour avec Iullus Antonius, elle commet bientôt une grave erreur qui va lui être fatale. En l’an 2 avant JC, Julie organise une fête nocturne chez elle qui dégénère en orgie, puis en folle équipée dans les rues de Rome, pour se terminer sur le Forum en bruyante bacchanale. Julie, aidée de son amant Iullus, s’approche de la statue de la déesse Marsyas qui représente la liberté de la République. Juchée sur les épaules de son amant, Julie dépose une couronne de fleurs sur la tête de la déesse revendiquant ainsi sa propre liberté.

gaiuscesarGaius Cesar, fils ainé de Julie et Agrippa

L’outrage fait à la statue déclenche une vague d’indignation de la part du peuple de Rome, qui n’aime pas qu’on touche à ses symboles. Le scandale grandit et la colère gronde. Auguste ne peut plus nier l’évidence, Julie est devenue le symbole de la femme émancipée, et elle a trahi ce qu’elle aurait du symboliser, c’est à dire, les vertus domestiques et la discrétion.

L’affaire qui fait boule de neige met Auguste hors de lui. Livie encourage son mari à agir sévèrement vis à vis de Julie, et de trancher fort et vite. Le père de Julie fait lire devant les sénateurs une lettre où il dénonce la vie déréglée de sa fille. Or les lois sur l’adultère sont implacables, et Auguste n’a d’autre choix que de les appliquer.

L’amant de Julie est directement visé, et Iullus Antonius est condamné à mort. Apprenant la nouvelle, le jeune homme préfère se suicider. Tous les amis de Julie qui ont participé à ses fêtes sont exilés hors de Rome. La loi autorise Auguste à exécuter sa fille coupable d’adultère, mais il se décide à la bannir hors de Rome sur l’île de Pandataria (actuellement Ventotene) au large des côtes de Campanie.

Le lieu choisi pour la détention de Julie est sinistre : il s’agit d’un caillou sans végétation, battu par les vents, et contenant une villa fortifiée sans aucun agrément. Peu après la sentence, la jeune femme (âgée de trente sept ans) est emmenée de Rome, sous bonne escorte, sur cet îlot. Elle se retrouve seule en compagnie d’un bataillon de soldats qui doivent la surveiller, et lui interdire tout contact extérieur.

En dehors de ces soldats, aucun homme ne peut l’approcher. Chaque semaine, les soldats dressent un rapport complet sur les visiteurs que peut recevoir Julie, et il y en a peu. Tous les agréments de sa vie passée sont supprimés : le vin lui est interdit, de même que le mobilier et les vêtements élégants. La nourriture qui est servie est réduite à sa simplicité : pain, fromage, fruits.

L’ile de Pandataria (actuellement Ventotene), lieu d’exil de Julie l’Ainée

Les conditions de l’exil de Julie sont bientôt connues à Rome, et certains se mobilisent pour demander à Auguste qu’il améliore les conditions de la jeune femme. Même Livie (qui a peut être quelques remords) se joint à ceux qui demandent à Auguste d’améliorer le sort de Julie. Même Tibère, l’époux de Julie, qui est alors en exil à Rhodes (et qui vient de divorcer de la jeune femme à la demande d’Auguste), se résoud à écrire pour demander qu’on adoucisse les conditions de détention de la jeune femme.

Mais Auguste s’est renfermé dans un mutisme inquiétant, il refuse d’écouter les amis de Julie : au contraire, sa rancœur se renforce, et il fait détruire les portraits de sa fille. Les passages littéraires mentionnant Julie sont effacés, et la trace de la jeune femme s’arrête au moment où elle a posé le pied sur l’îlot de Pandataria.

Seule une suppliante arrive à toucher le cœur d’Auguste, il s’agit de la vraie mère de Julie, Scribonia, qui obtient l’autorisation de séjourner auprès de sa fille, et de partager son sort. Au bout de cinq ans d’exil, Julie est transférée avec sa mère Scribonia, sur la côte du détroit de Sicile à Rhegium, mais les conditions de son exil demeurent les mêmes, et elle n’a droit à aucun adoucissement.

Le long calvaire de Julie va durer seize ans ! Seize ans pendant lesquels elle va apprendre les bribes de ce qui se passe dans sa propre famille et notamment sur la succession de malheur qui va s’abattre sur ses enfants.

luciuscesarLucius César, 2ème fils de Julie et d’Agrippa

En 2 après JC, son fils Lucius (l’un des héritiers d’Auguste) meurt subitement à Marseille suivi par son frère Caius deux ans plus tard, qui meurt dans une embuscade dressée par les Parthes en Arménie.

Auguste n’a alors plus d’autre choix que de désigner comme successeur le dernier fils de Julie, le jeune Agrippa Posthumus, mais ce dernier, sujet à des accès de folie, est bientôt interné en l’an 7 en Corse.

Puis c’est au tour de Julie la Jeune de faire parler d’elle en l’an 8 : à l’exemple de sa mère, la jeune fille a mené une vie dissolue, et elle prend un amant alors qu’elle est mariée : Auguste de nouveau frappe, et exile la jeune femme sur une île au large de l’Apulie ; elle y mourra abandonnée de tous en 28 après JC.

Seule la dernière fille de Julie, Agrippine, ne fait pas parler d’elle (mais elle aura quand même une mort tragique, voir « la descendance »), et son mariage heureux avec Germanicus (neveu de Tibère) lui permet de donner naissance à neuf enfants parmi lesquels figurera le futur empereur Caligula.

C’est ainsi que les dernières années d’Auguste s’écoulent dans l’amertume : il a été incapable d’assumer l’image d’une famille idéale, et il n’a réussit qu’à achever son œuvre politique : transformer la République en Empire.

Il n’a plus qu’un seul héritier et ce n’est certes pas celui qu’il aurait choisi si le destin n’en avait décidé autrement : en effet, seul son ex-gendre Tibère est à même de relever l’héritage d’Auguste, et de consolider les bases de l’empire romain.

Agripina_Maior_(M.A.N._Madrid)_01Agrippine, fille de Julie et d’Agrippa (mère de Caligula)

Lorsque Auguste meurt en 14 après JC, Tibère prend sa place en douceur. Divorcé de Julie, il aurait pu mettre fin à l’exil de son ancienne épouse, or, mystérieusement celle-ci décède quelques semaines après l’avènement de Tibère, à l’âge de cinquante trois ans. La rumeur d’une mort par empoisonnement (à la demande de Tibère) se répandit à Rome, mais il est plus vraisemblable que Julie, dont la santé s’était délabrée au gré des privations, soit morte d’épuisement. Par contre, chacun s’accorda pour dire que Tibère ordonna l’exécution du dernier fils de Julie, Agrippa Posthumus, (devenu fou) cette même année 14.

Ainsi s’achève la vie de Julie : mariée trois fois suivant la volonté de son père, elle aura eu pour époux deux amis d’enfance (Marcellus et Tibère) qu’elle considérait comme de grands frères, et n’aura des enfants qu’avec un homme, proche ami de son père, Agrippa, de trente ans son ainé. Son amant le plus connu, Iullus Antonius était lui aussi un camarade de jeu de son enfance et fut certainement l’homme qu’elle aimât le plus.

200px-P1080702_Louvre_Agrippa_Postumus_MND1961_rwkAgrippa Posthumus, fils posthume d’Agrippa et de Julie

Son rôle fut cependant essentiel dans la fondation de l’Empire romain : l’empereur Caligula (son petit fils) fera parler de lui ainsi que l’empereur Néron (son arrière petit fils) qui furent tous les deux des figures marquantes de la tragique dynastie des Julio-Claudiens fondée par Auguste, et dont Julie fut le pilier essentiel.

Descendance de Julie Auguste l’Ainée :

1- de son premier mariage avec Marcus Claudius Marcellus :

aucun enfant.

2- de son deuxième mariage avec Marcus Vipsanius Agrippa :

  • Caius Julius César Vipsanianus (né en – 20 avant JC à Rome – mort le 21 février 4 après JC en Arménie) : fut l’un des fils adoptés à sa naissance par Auguste, son grand père. Il suit son grand père dans ses campagnes en Arménie et se marie en 1 avant JC avec Livia (l’une des filles d’Antonia la Jeune, fille de Marc Antoine et d’Octavie, née de son mariage avec Nero Claudius Drusus). Il meurt à vingt quatre ans, dans une embuscade en Arménie ne laissant aucune postérité.

  • Julia la Jeune (née en – 19 avant JC à Rome – morte en exil en 28 après JC sur l’île de Pandateria) elle provoquera elle aussi un scandale en l’an 8 après JC ; mariée à son cousin germain L. Aemilius Paullus, elle en aura deux enfants : M. Aemilius Paulus (qui épousera Drusilla la sœur préférée de Caligula) et Aemilia Lepida (qui sera fiancée au futur empereur Claude). Convaincue d’adultère avec D. Junius Silanus, elle fut exilée sur l’ile de Trimeta (aujourd’hui Tremiti au larde du Gargano) quelques jours après l’accouchement de sa fille qu’Auguste lui interdira de reconnaître et d’élever : elle survivra misérablement sur cet îlot pendant vingt ans, subsistant secrètement grâce à l’aide de Livie, la veuve d’Auguste, avant de mourir à quarante sept ans. Dans son testament, Auguste avait interdit à sa petite fille de reposer dans le mausolée de la famille. Pour la petite histoire, ses deux enfants mourront assassinés par l’empereur Caligula, (sa fille en 53 après JC, son fils en 39 après JC)

  • Lucius Julius Cesar Vipsanianus (né en – 17 avant JC à Rome – mort en 2 après JC à Marseille), lui aussi fut adopté par son grand père Auguste. Non marié, il meurt de maladie subite quelque temps après avoir été désigné consul à l’âge de dix neuf ans.

  • Agrippina l’Ainée (née en – 14 avant JC à Athènes – morte le 18 octobre 33 après JC à sur l’ile de Pandataria) elle a douze ans quand sa mère Julie est exilée ; elle en a vingt deux lorsque sa sœur aînée, Julie, est elle aussi exilée. Elle est élevée par Livie, la femme d’Auguste. On la marie à l’age de dix huit ans avec Germanicus (fils de Antonia la Jeune, fille de Marc Antoine et d’Octavie, et de son mari Nero Claudius Drusus), qu’elle suit dans sa garnison de Germanie. Le couple sera uni et donnera naissance à neuf enfants (dont le futur empereur Caligula et Julia Agrippina qui sera la mère de l’empereur Néron). Elle est auprès de son mari lorsqu’il meurt en Orient. Elle se dresse contre l’empereur Tibère qu’elle tient pour responsable de l’exil et la mort de sa mère et elle conspire contre lui. De plus, ce dernier refuse qu’elle se remarie avec le sénateur Gaius Asinius Gallus. Elle est arrêtée en 28 après JC avec ses fils Néro (qui se suicidera) et Drusus (qui mourra de faim). Elle se serait laissée mourir de faim sur l’ile de Pandataria où Tibère l’a exilée, (ou on l’aurait volontairement affamée) et elle mourut à l’age de quarante sept ans. Tibère avait projeté de l’étrangler avec un lacet de cuir avant que la mort ne déjoue ses projets. Lorsque son fils Caligula succédera comme empereur à Tibère, il ira chercher les cendres de sa mère et les ramènera en grande pompe à Rome dans le mausolée d’Auguste.

  • Agrippa Posthumus (né en – 12 avant JC à Rome – mort assassiné en 14 après JC) : à la mort de ses deux frères aînés, Auguste adopte en dernier ressort le jeune Agrippa. Mais il tombe vite en disgrâce en 6 après JC en raison de son caractère violent et imprévisible. Il est exilé sur l’ile de Pianosa (entre la Corse et l’Italie). Lorsque Tibère prend le pouvoir, son premier acte est d’assassiner Agrippa, alors âgé de vingt quatre ans, pour se débarrasser de tout prétendant officiel. Il n’avait pas été marié et n’eut pas d’enfants.

3- de son troisième mariage avec Tibère

  • un fils mort né quelques mois après le mariage.

Sources :

  • Wikipedia.

  • Rome : l’art de vivre au temps de Julie Auguste de Catherine Salles.

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