Elizabeth Howard lady Felton (“Betty Felton”) – (1656-1681)

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ick2841Portrait d’Elizabeth Howard par Peter Lawrence Cross

 

La courte vie d’Elizabeth Howard, lady Felton, est presque passée inaperçue puisqu’elle mourut, prématurément, à l’âge de vingt cinq ans.

Mais quelle vie ! Issue d’une des familles les plus riches d’Angleterre, les Howard, elle eut comme ancêtre, Catherine Howard, l’infortunée 3ème épouse d’Henry VIII, qui aura la tête coupée pour cause d’adultère.

 

Le père d’Elizabeth Howard n’est autre que James Howard, 3ème comte de Suffolk. Il fut l’un des petit fils de Thomas Howard 1er comte de Suffolk. Très riche, James Howard n’a que l’embarras du choix pour se choisir une épouse. C’est ainsi qu’il se marie une première fois le 1er décembre 1640 avec Susan Rich, la fille du comte de Holland. Avec elle, il aura cinq enfants, mais seule l’aînée de ses filles, Essex, survivra à l’enfance. Veuf en 1649, il se remariera avec celle qui sera la mère d’Elizabeth, une jeune veuve nommée Barbara Villiers.

La famille des Villiers est presque aussi connue que la famille des Howard. Barbara n’a que vingt huit ans lorsqu’elle épouse James Howard, comte de Suffolk, mais elle a déjà été deux fois veuve : la première fois de Richard Wenman (qui meurt en 1646) et la deuxième fois de Richard Wentworth.

 barbaravillierscountessofsuffolkBarbara Villiers, mère d’Elizabeth Howard, qui fut dame d’honneur et Groomess of the Stool de la reine Catherine de Bragance (portrait école anglaise)

Elle n’a pas eu d’enfants de ses deux premiers mariages, mais son troisième mariage lui donnera l’occasion d’être mère de deux fillettes : d’Elizabeth qui naîtra en 1656, et de Barbara qui naîtra en 1657 mais qui mourra jeune. Elle prendra aussi en charge l’éducation de Essex, la fille née du premier mariage de son mari, mais c’est surtout Elizabeth qui sera la favorite de ses parents.

 Lorsqu’elle naît en décembre 1656, elle est la joie de ses parents qui se désespéraient de ne pas avoir d’enfant au bout de six ans de mariage stérile. Aussi, dès son plus jeune âge, Elizabeth sera l’enfant choyée de Barbara Villiers et de son père, le comte de Suffolk, qui lui passeront tous ses caprices, ce qui aura des conséquences pour sa vie future.

 Le comte et la comtesse de Suffolk vont tenir des rôles importants à la cour d’Angleterre. Pendant le règne de Charles 1er, le comte de Suffolk sera lord lieutenant de la province de Suffolk de 1626 à 1681. Pendant la guerre civile, il prendra partie pour le Parlement contre le roi, et Cromwell le nommera High Stewart d’Ipswich.

cleopatre Elizabeth Howard lady Felton en « Cleopâtre)

 Pendant le règne de dix ans de Cromwell, le couple résidera dans son somptueux château de Audley End où naîtra Elizabeth et sa jeune sœur Barbara. Curieusement, lorsque le fils de Charles 1er reviendra prendre le pouvoir à Londres, en 1660, il ne tiendra pas rigueur au comte de Suffolk de sa sympathie passée vis à vis du gouvernement de Cromwell : il lui conservera son titre de lord lieutenant du Suffolk, et y rajoutera la lieutenance du Cambridgeshire.

Lors du couronnement de Charles II, le comte de Suffolk obtiendra le titre prestigieux de comte Marshal. Sa deuxième épouse, Barbara Villiers, ne sera pas non plus en reste. Elle était issue d’une des familles les plus influentes d’Angleterre ; le duc de Buckingham, le fameux George Villiers (le favori de Charles 1er) était le demi frère de son père.

De plus, elle était la tante de la toute puissante maîtresse de Charles II, Barbara Villiers, comtesse de Castlemaine. Cette dernière était bien décidée à placer sa famille parmi les proches du roi. C’est ainsi que lorsque la maison de la nouvelle reine fut constituée, la reine Catherine de Bragance se vit imposer les deux Barbara Villiers dans la structure de sa maison.

 Thomas Felton futur 4ème baron Felton, mari d’Elizabeth Howard

  En 1663, la maîtresse de son mari (Barbara Villiers comtesse de Castlemaine) devint surintendante de la maison de la reine, et la tante de cette dernière (Barbara Villiers comtesse de Suffolk) devint dame d’atour de la reine puis 1ère dame d’honneur de celle-ci.

 Si la reine Catherine détestera à vie l’arrogante maîtresse de son mari, elle se fit une alliée de la comtesse de Suffolk qui sut devenir son amie, et qui sera souvent à son chevet lorsque la reine (de santé fragile) restera alitée après ses fréquentes fausses couches. En 1664, c’est au tour du comte de Suffolk d’obtenir une place importante auprès du roi : il devient gentilhomme de la chambre du roi, titre qu’il gardera jusqu’en 1681. Avec ses deux parents qui tenaient un rôle important à la cour, rien d’étonnant à ce que la jeune Elizabeth Howard soit élevée au milieu des fastes de la cour du roi Charles II à Whitehall.

 Audley End, lieu d’enfance d’Elizabeth Howard où elle passera sa jeunesse

 

 On commence déjà à remarquer Elizabeth Howard lors du mariage de sa sœur aînée, Essex Howard avec le jeune Edward Griffin, baron Griffin of Braybrooke le 4 mars 1667.

A onze ans, Elizabeth est une jeune fille déjà resplendissante : elle possède une abondante chevelure noire, des yeux bleus foncés, et une vivacité qui ravit tout ceux qui l’approche. Son seul défaut (et il ne s’arrangera pas avec le temps), c’est un tempérament d’enfant gâté : ce qu’Elizabeth veut, elle l’obtient, et elle ne supporte pas qu’on lui résiste.  Lorsque son père ou sa mère lui refusent quelque chose, Elizabeth se transforme en furie qui dégénère en crises de rages, où elle fond en larmes en sanglotant.

Et invariablement, le comte ou la comtesse de Suffolk cèdent à leur fille. Ils viennent de perdre leur fille Barbara, et Essex est maintenant mariée, ils ne leur restent qu’Elizabeth qu’ils chérissent comme une enfant unique et qu’ils gâtent outrageusement.

 En élevant leur fille à la cour de Charles II, ses parents la laissent côtoyer une cour corrompue et débauchée, où le roi est le premier à montrer le mauvais exemple. Non seulement, Charles II trompe la reine, mais il élève régulièrement ses maîtresses au rang de duchesses et de comtesses. Il n’hésite pas non plus à reconnaître ses enfants naturels, et à leur donner un titre, et bien souvent un duché.

 James Scott duc de Monmouth, l’un des amants d’Elizabeth Howard

 Les trois fils que lui a donné sa première favorite, Barbara Villiers comtesse de Castlemaine, ont tous reçu des terres : Charles est devenu comte de Southampton, Henry duc de Grafton, et George comte de Northumberland. Les fils de Nell Gwynn ne sont pas en reste : Charles Beauclerk est nommé duc de St Albans. Quant au fils que vient de lui donner sa maîtresse française, Louise de Kéroualle, il est nommé duc de Richmond, duc de Lennox et duc d’Aubigny.

 Mais si Elizabeth Howard côtoie les différents bâtards de Charles II à la cour, il en est un qui commence à faire battre son cœur de jeune fille : il s’agit du premier bâtard du roi, James Scott, le duc de Monmouth. Grand, beau, de manières agréables, il charme tout le monde à la cour. De plus, il n’a que sept ans de plus qu’Elizabeth qui le contemple avec des yeux émerveillés. Mais pour lui, elle n’est encore qu’une enfant, charmante, mais une enfant quand même. Ils se côtoient de loin et Elizabeth se contente de soupirer en le contemplant. Elle est bientôt sur le point de marquer les esprits et ce, grâce à l’un des cousins de son père, Henry Howard duc de Norfolk.

Ce dernier se pique d’être un dénicheur de talents et il se passionne de représentation théâtrale. C’est ainsi qu’il choisit la jeune Elizabeth pour lire, au printemps 1673, le prologue de la pièce de théâtre à la cour de Whitehall de « l’impératrice du Maroc ». La jeune fille impressionne par sa vivacité, son sens de la répartie et sa beauté d’ingénue.

 3rdearlofsuffolkJames Howard 3ème comte de Suffolk (père d’Elizabeth Howard) par Enoch Seeman

 Elle est bientôt la coqueluche de la cour. Le roi Charles II est alors toute à sa passion pour Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth, mais il y a fort à parier qu’il aurait regardé du côté d’Elizabeth Howard si son cœur avait été libre.

 La jeune fille commence à avoir une foule d’admirateurs, et le plus empressé d’entre eux n’est autre que le jeune Thomas Felton, fils du baron Felton (of Playford dans le comté de Suffolk) qui tient depuis deux ans un poste de valet de chambre près du roi Charles II. Lui aussi a été élevé à la cour où il a d’abord été page du roi. Il est âgé de vingt six ans, il est beau, charmeur, bien qu’affublé d’une petite taille. Mais c’est un cavalier hors pair, et il est le futur héritier de son père, le 3ème baron Felton. Il représente un parti fort intéressant, mais il est quand même bien en dessous de ce que pourrait attendre une fille du comte de Suffolk. Mais Elizabeth Howard devient bientôt folle amoureuse de Thomas, qu’elle rencontre souvent lorsqu”elle vient rendre visite à son père, lorsque ce dernier tient ses obligations à la cour.

Petit à petit, les jeunes gens, très amoureux, décident de prendre les choses en main, et en juillet 1675, Elizabeth Howard s’enfuit de la maison de ses parents à Londres, et épouse en secret Thomas Felton qui installe ensuite sa jeune épouse, dans ses logements situés au Mall.

 Au lendemain du mariage, Elizabeth Howard informe son père de celui-ci. La colère du comte de Suffolk est terrible. Il juge le mariage de sa fille indigne d’elle et il refuse de la recevoir. Il interdit même à sa femme de communiquer avec sa fille.

 La cour découvre et suit avec avidité le mariage mouvementé de la nouvelle lady Felton.

 L’un des courtisans de Charles II, Henry Savile, écrira dans sa correspondance:

 …..Mr Felton a obtenu lady Betty et l’a logé avec lui au Mall. Les parents de la jeune femme sont en plein détresse et lord Suffolk jure à qui veut l’entendre qu’il ne se réconciliera jamais avec elle.

Heureusement, le père finira au fil des mois par pardonner à sa fille, et à la fin de l’année, il accordera au jeune couple une pension généreuse, qui arrivera à temps pour libérer les créances du jeune couple qui peinait à joindre les deux bouts.

 cms pcf 851745Elizabeth Howard lady Felton par Peter Lely en 1676

De plus, le roi Charles II apprécie le jeune Felton, il lui accordera le brevet de maître de la Fauconnerie en 1675. Quant à Elizabeth Howard, elle resplendit depuis son mariage. Elle découvre le plaisir physique avec enthousiasme, grâce à son amoureux de mari, et tous s’accorde à dire que sa beauté est sans égale.

  L’une des françaises présentes à la cour du roi Charles II à cette époque, Mme d’Aulnoy la décrira ainsi :

 ….Mme Betty a une beauté et une jeunesse qui sont étincelantes, et elle gagne tous les cœurs des gens qui l’entourent ; elle est très gaie et vive et elle effraie rarement ses prétendants attirés irrésistiblement par sa beauté ».

En effet, Elizabeth Howard est bientôt surnommée « Betty Felton » par ses contemporains. Elle est de toutes les fêtes, et elle recherche bientôt avec avidité les hommages masculins qui se présentent à sa porte. Un an après son mariage, elle se découvre enceinte, et elle accouche le 18 décembre 1676 de la petite Elizabeth Felton.

 William Cavendish l’un des amants d’Elizabeth Howard

  En 1677, elle accouchera d’un fils Henry, qui mourra prématurément en 1678. Ses deux grossesses lui ont accordé une beauté mature que les hommes recherchent. En 1679, soit quatre ans après son mariage, elle est déjà maîtresse dans l’art de la séduction.

 Lady Sunderland la décrira ainsi :

 ….Elle possède une grande beauté, qui tourne toutes les têtes masculines et elle se querelle avec toutes les femmes. Elle pleure et tempête dans son lit quand les choses ne vont pas dans le sens qu’elle veut.

 L’enfant terrible qu’elle a toujours été ne supporte pas d’avoir une rivale. Les dames de la cour la détestent tout en l’admirant. Lady Mary Villiers tracera un portrait de Betty Felton dans une de ses poésies intitulée « to a Lady who though married could not endure love should be made to any but her self » (dédiée à une lady qui, bien que mariée, ne pouvait tolérer que l’amour .ne soit délivré à nulle autre qu’à elle-même).

Le texte fut publié en 1679 sous le titre « Female Poems on several Occasions Written by Ephelia ». Indignée par ses critiques, Elizabeth Howard va se venger en écrivant, elle aussi, à son tour des poèmes d’amour. Elle s’inspirera des poésies du poète latin, Ovide, et écrira des poèmes à la trame toute personnelle.

Pour s’assurer de leur succès, elle fréquentera avec assiduité Elizabeth Mallet, lady Rochester, dont le mari n’était autre que le talentueux mais sulfureux John Wilmot, 2ème comte de Rochester, le pire des débauchés, qui ne tardera pas à mettre Elizabeth Howard dans son lit. Cet indolent personnage menait une vie des plus frivole et des plus désinvolte. Il vivait une vie de courtisan, en menant grand train (grâce à la fortune de son épouse) tout en étant volage, insolent, spirituel et l’homme le plus débauché de la cour. Charles II l’aimait tout en le détestant, le tolérant à la cour jusqu’au moment où les farces de Rochester l’obligeait à l’exiler à la campagne. Il avait poussé le libertinage à son paroxysme, et ne devait pas tarder à en payer le prix physiquement.

Encouragée par ce nouvel amant, Elizabeth Howard rédigeait des poésies plutôt insipides. Las un jour de cette maîtresse exigeante, Rochester finit par lui dire un jour que ses talents étaient autres que ceux de l’écriture poétique. Il eut même la goujaterie de l’écrire dans le poème intitulé « Answer to a paper of verses ». Chacun à la cour put donc ricaner et sourire des talents littéraires de Betty Felton. Mais à la fin de l’année 1679, Elizabeth Howard s’était trouvé un nouvel amant, bien plus prestigieux que Rochester. Il s’agissait ni plus ni moins que du héros de sa jeunesse, c’est à dire James, duc de Monmouth, le fils naturel de Charles II.

C’est grâce au duc de Monmouth qu’on a le superbe portrait d’Elizabeth Howard en « Cléopâtre » : la jeune femme y est peinte tenant des perles à la main qu’elle dissout dans le vin, à l’image de la reine Cléopâtre qui entendait montrer à Marc Antoine le peu d’intérêt qu’elle accordait aux richesses qui l’entouraient. Ce tableau avait aussi un autre sous entendu : celle d’une femme belle et attirante capable de séduire les hommes et de les captiver grâce à sa beauté.

Le duc de Monmouth (bien que marié) fut attiré par la beauté d’Elizabeth, mais il possédait un grave défaut : il n’était pas fidèle en amour. Aussi virile que son père, il comptait déjà bon nombre de maîtresses.

 Piquée au vif, et ne supportant pas ses rivales, Elizabeth entreprit alors de le rendre jaloux en fréquentant notamment deux jeunes gens de la cour qui la suivaient comme des petits chiens : lord William Cavendish, et Franck Newport. Mais la ruse se retourna contre elle, Monmouth, lassé du tempérament volcanique d’Elizabeth, ne tarda pas à s’éloigner après quelques mois de passion.

 John Wilmot, 2ème comte Rochester, l’un des amants d’Elizabeth Howard

  La conduite d’Elizabeh Howard était si peu discrète à la cour qu’à l’été 1680, un libelle fut écrit sur elle. Bien qu’auparavant, seules les maîtresses du roi Charles II avaient eu droit à ce genre de critiques (Nell Gwynn, Louise de Kéroualle ou Barbara Villiers), il était fort rare qu’une dame de la cour se trouve ainsi attaquée et critiquée sur sa conduite.

 Le premier qui prit sa plume pour se moquer d’elle fut son ancien amant, lord Rochester, dans « Rochester’s farewell ». Il la nomma comme étant l’une des putains d’honneur de Hortense Mancini duchesse Mazarin, qu’elle s’était mise à fréquenter, alors que la duchesse elle-même était qualifiée de « reine des débauchées ». Venant d’un débauché comme Rochester, le quolibet valait son pesant d’or !

  Ce libelle était intitulé innocemment « la ballade »  The Ballad:

 De toutes les putains de qualité, Betty la modeste en fait partie,

 Si un débauché impudent ose menacer sa vertu

Que ce soit par ses paroles ou sa personne, Betty est une dame fort libre

Elle est toujours entourés d’hommes entreprenants et bien bâtis

 Le gentil Cavendish et Franck le Chauve se partagent son devant et son derrière

 Sa dévotion pour la Savoie (l’église de St Mary le Savoy dans Savoy Street) vient de toucher à sa fin

 Comment peut elle prétendre être une sainte et agir comme une putain

 Quand plus bas qu’elle à Howard (le Mall Howard endroit réputé pour sa débauche) il n’y a pas, y compris Villiers (la comtesse de Castlemaine) bien avant elle ?

 Elle est toujours recherchée et demandée

 Son zèle et son appétit sexuel sont tous deux fort connus

 Même les dieux la récompenseront d’une lourde couronne

 qui éclipsera celle de sainte Jeanne (la papesse Jeanne déguisée en homme)

 Elle est toujours recherchée et demandée

 Elle a commencé sa carrière en compagnie d’étalons reconnus

 Puis a bientôt pris en main tous les hommes en mal de nouvelle attraction

 Et elle est fort capable de dompter un bataillon entier d’hommes hardis et débauchés

 Elle est toujours recherchée et demandée

 Crois moi, petit jockey (allusion au mari lord Felton qui était de petite taille mais un excellent cavalier), elle est capable de se cabrer

 Sans avoir connu ni ton fouet ni tes éperons

 Newmarket ne connaîtra jamais pareille putain

 Elle est toujours recherchée et demandée

 Tous les hommes reconnaissent que c’est une pouliche délicate

 Plus capable que Dragon (fameux cheval de course appartenant à Charles II), ou Darcy ou Gee

 Quel dommage qu’elle soit aussi réticente envers toi

 Alors qu’elle est entourée d’hommes entreprenants et bien bâtis

 Le gentil Cavendish et Franck le Chauve se partagent son devant et son derrière,,

 Mais les deux jeunes gens (Cavendish et Newport) n’ont déjà plus d’attrait, Elizabeth Howard étant tombée amoureuse d’un jeune homme de vingt ans, beau comme un dieu, Charles Talbot (futur 1er duc de Shrewsbury), fils du comte de Shrewsbury, et filleul du roi Charles II.

Or, ce dernier était devenu l’amant d’une des dames d’honneur de la reine Catherine : Mary Mordaunt lady Arundell. Cette jeune femme, était devenue comtesse d’Arundell par son mariage, trois ans auparavant, et elle et son mari ne s’entendaient guère. Elle était protestante et lui catholique, et ils n’avaient rien en commun. Ils finiront d’ailleurs par divorcer en 1700, son mari l’accusant (à juste titre) d’adultère. Mais en 1680, lady Arundell mène une vie aussi libre qu’Elizabeth Howard, et elle en a les moyens financiers. Aussi les deux jeunes femmes ne tardent pas à s’apercevoir que leur rivalité amoureuse, concernant le jeune Talbot, est accentuée par leur rivalité de femmes séduisantes qui chassent sur le même terrain.

  Car après Talbot, elles se sont mises en tête de conquérir toutes les deux le séduisant lord Thanet (Thomas Tufton futur 6ème comte de Thanet) dont la dévotion est toute acquise au roi, et qui résiste à toute tentative amoureuse des deux jeunes femmes, jusqu’au jour où il cède à la comtesse d’Arundell.

 Cette dernière ne tarde pas à laisser entendre qu’elle a battu la Felton à plate couture, et que lord Thanet lui mange dans la main.

 Les moqueries de la comtesse d’Arundell, et ses petites piques à l’adresse de Betty Felton sont bientôt le sujet de conversation de toute la cour, et évidemment Elizabeth l’apprend. Son tempérament ne faisant qu’un tour, elle se prend de querelle avec la comtesse d’Arundell. La croisant dans l’un des couloirs du palais de Whitehall, elle se jette sur elle, toutes griffes dehors, la décoiffe, la bouscule, et la gifle, et tente même de la mordre ! Alertés par les cris de la jeune femme, les courtisans s’empressent de séparer les deux furies qui s’empoignent. Le scandale gagne les oreilles du roi qui, s’il tolère avec amusement les mesquineries des jeunes femmes qui l’entourent, ne tolère pas du tout le manque de comportement et de discernement des membres de sa cour.

  La scène a eu lieu en octobre 1681, et on la baptisera avec ironie la « querelle des Dames ». Alors que la comtesse d’Arundell soigne ses griffures, Elizabeth Howard s’est réfugiée en larmes chez son père, et s’est enfermée dans sa chambre. Son mari est rapidement mis au courant du scandale.

 Dans ses lettres, Rachel Wriothesley, lady Russell commentera les jours qui suivent :

 ….La querelle des Dames fait rage à la cour : lady Betty est au lit et pleure toutes les larmes de son corps. Lord Newport est venu hier matin et dit qu’il n’a jamais vu le roi aussi en colère. Il a expédié à lord Suffolk un courrier lui demandant de tenir en laisse sa folle de fille, à qui il a interdit l’accès à sa cour. Aussi jusqu’à présent, personne n’a pu la voir ; et le jeune Felton est en train de la quitter..(2 octobre 1681)

 Seul l’un de ses jeunes admirateurs, lord William Cavendish parvient à la voir et lui apporte son soutien :

  Et toujours selon lady Russell :

 ….Mr Waller est très en colère contre lord Cavendish, et vous avez raison de l’être aussi ; il n’a pas écrit à son père depuis près de six mois, et l’on tente de le persuader de passer au moins quinze jours en compagnie de son épouse, mais il refuse de se rendre auprès d’elle. Tout ce qui l’intéresse à présent c’est de voir où se trouve lady Betty Felton et d’accourir à ses côtés.

  L’exil de la jeune femme se continue en novembre, puis en décembre. Son mari menace de la quitter, si elle ne corrige pas son comportement. Mais Elizabeth ne l’écoute plus et s’enferme dans des crises de rage, où elle accuse la comtesse d’Arundell de tous les maux qui l’accablent.

 elizabethhowardladyfelton3Portrait d’Elizabeth Howard lady Felton par Peter Lely en 1680

 Un autre malheur vient aggraver son état mental : sa mère, Barbara Villiers comtesse de Suffolk, décède d’une crise cardiaque le 13 décembre 1681 à Londres à l’âge de cinquante neuf ans. Elizabeth, qui adorait sa mère, n’est plus que l’ombre d’elle même. Elle subit des crises d’apathie puis rentre dans des colères folles.

 Le soir du 26 décembre 1681, lorsqu’elle apprend que sa rivale, la comtesse d’Arundell, sera des fêtes de fin d’années au côté de la reine (dont elle est l’une des dames d’honneur) et du roi Charles II, Elizabeth Howard entre dans une colère hystérique. Au bout de quelques instants, elle s’écroule face contre terre, victime d’une crise d’apoplexie (crise cardiaque) foudroyante. Elle n’était âgée que de vingt cinq ans.

  Son père ira recueillir le corps d’Elizabeth qu’il fit inhumer dans le caveau des Howard, sur ses terres, à Walden Abbey dans l’Essex ; sa fille reposera dans le même tombeau que sa mère, morte quelques semaines auparavant. James Howard surmontera son chagrin et se remariera six mois plus tard avec la jeune Anne Montagu (de quarante et un ans sa cadette), la fille du comte de Manchester, mais le couple n’aura pas d’enfants. Anne Montagu lui servira de garde malade et le comte de Suffolk finira par mourir de la goutte en 1689, huit ans après sa femme et sa fille.

 Elizabeth Felton, comtesse de Bristol, fille unique d’Elizabeth Howard

  Quant à l’époux d’Elizabeth Howard, Thomas, il deviendra le 4ème baron Felton en 1690 à la mort de son père. La reine Anne lui confiera le titre de maître de la Maison de la Reine (jusqu’en 1708), puis il entrera dans la vie politique en devenant membre du Parlement anglais pour Oxford (en 1690-1700) et St Edmunds (de 1701 à 1709). Il mourut lui aussi de la goutte (comme son beau père) dans ses logements à Whitehall, en mars 1709, âgé seulement de cinquante neuf ans.

 Quant aux amants d’Elizabeth Howard, ils eurent tous une destinée différente :

  • Lord Rochester était mort un an avant Elizabeth, à l’âge de trente trois ans, le corps dévoré par la syphilis, dans des souffrances atroces.
  • Concernant ses deux soupirants : le premier, William Cavendish, deviendra en 1694 le 1er duc de Devonshire, et il contribuera à renverser les Stuarts, et à aider William III à accéder au trône. Il aura une brillante carrière politique. Il mourra à l’âge de soixante sept ans.

  • Son rival, Francis Newport, fils du 1er comte de Bradford, mourra célibataire, et sans enfants, en 1692 à l’âge de trente deux ans.

  • Quant au duc de Monmouth, le fils naturel de Charles II, son oncle James II lui coupera la tête en 1685, pour avoir tenter de prendre la tête d’une révolte, destinée à le mettre sur le trône à la place de son oncle (il n’avait que trente six ans).

 La rivale d’Elizabeth Howard, Mary Mordaunt comtesse d’Arundell, deviendra duchesse de Norfolk (lorsque son mari héritera du duché), puis finira par divorcer de son mari en 1700 pour épouser son amant, lord Germain, avec qui elle terminera tranquillement ses jours.

 Seule la fille d’Elizabeth relèvera le flambeau, en ayant un parcours amoureux encore plus tumultueux que celui de sa mère.

 

 La descendance d’Elizabeth Howard :

 De son mariage avec Thomas Felton :

    • une fille Elizabeth Felton (née le 18 décembre 1676 à Londres et morte le 1er mai 1741 à Londres) : aussi belle que sa mère, elle épousera à l’âge de dix neuf ans John Hervey 1er comte de Bristol, de dix ans son aîné, qui était veuf d’Isabella Carr qui lui avait donné trois enfants. Elizabeth Felton obtiendra le titre de dame d’honneur de la reine Caroline (épouse du roi George II). Elle était appréciée pour sa vivacité et son amour du théâtre. Elle donnera dix sept enfants à son époux (dont dix survivront) et finira par tromper allègrement celui-ci, allant même jusqu’à prendre deux amants en même temps. Son mari se résignera quant à la coquetterie de sa femme. Il mourra dix ans après Elizabeth Felton.

 

  • un fils Henry Felton (né en 1677 et mort en 1678).

 

 

 

Sources :

 

  • Court satires of the Restauration.

  • Journal de Samuel Pepys.

  • The royal whore.

 

Descendants d’Elizabeth Howard

Jusqu’aux petits-enfants.

Elizabeth Howard, née le 26 décembre 1656, baptisée le 26 décembre 1656, décédée le 26 décembre 1681, inhumée, the Howard Vault, Walden Abbey, Saffron Walden, Essex (à l’âge de 25 ans).
Mariée en juillet 1675 avec Thomas, Baronet Felton (4e), baptisé le 12 octobre 1649, décédé le 2 mars 1709 (à l’âge de peut-être 59 ans), groom of the bedchamber of Charles II (1671-1679), master of the hawks (1675-1703), master of the Household -1689-1708) comptroller (1708), MP for Oxford (1690-1700), MP for St Edmunds (1701-1709), dont

Total: 19 personnes (conjoints non compris).

 

 

 

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