Maria Walpole comtesse Waldegrave, duchesse de Gloucester (1736-1807)

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60.36 v1 kwPortrait vers 1766 par Nathaniel Dance Holland
Née le 10 juillet 1736 à Londres
Morte le 2 aout 1807 à Oxford Lodge, Brompton, Middlesex
Inhumée chapelle St George chateau de Windsor

Maria Walpole nait illégitime le 10 juillet 1736 à Londres. Son père s’appelle lord Edward Walpole, il est le deuxième fils du Premier Ministre anglais, sir Robert Walpole 1er comte d’Orford (Orford et non Oxford!). Sa mère est une simple couturière du nom de Dorothy Clements.

 La rencontre de ses parents est digne d’un scénario d’un roman de Lisa Kleypas : la rencontre de l’aristocrate et de la pauvre couturière ; en effet, en tant que second fils du comte d’Orford, lord Edward Walpole, est à même de mener une existence oisive qu’il consacre à ses deux passions : le dessin et la musique.

 Familier du prince de Galles, Frédéric Louis de Hanovre (fils de George II), il se rend bien volontiers aux soirées privées de celui-ci pour y jouer de la basse viole. Son amour pour la musique le poussera même à inventer un instrument : le pentachorde.

1707_FrederickFrederick Louis de Hanovre, prince de Galles (par Philippe Mercier) en 1735, fils de George II

 En tant que jeune homme indépendant (il a vingt sept ans), il loue un appartement dans un immeuble d’un quartier de Londres, Pall Mall, dont le rez de chaussée est occupé par un marchand de vêtement d’enfants. Parmi les employés de ce dernier figure une ravissante jeune fille, d’origine très modeste, qui se nomme Dorothy Clements, et qui occupe ses journées en tant que couturière, dans une des pièces mal éclairées de la boutique. Un jour, par pur hasard, devant la boutique, le jeune lord rencontre la jeune fille et en tombe immédiatement amoureux.

 Lady Mary Wortley Montagu décrira Dorothy Clements ainsi dans une de ses lettres :

 « miss Clements était une remarquable beauté. Un jour, la fille de l’évêque d’Oxford, Mrs Seeker, la remarqua alors qu’elle était assise sur un chariot garé devant la porte de la maison de l’évêque ; intriguée par son allure, Mrs Seeker l’interpella et lui demanda de venir auprès d’elle simplement pour pouvoir contempler la beauté de cette jeune fille ; elle m’assura finalement que même vêtue de hardes pas très propres, elle avait rarement aperçu une enfant aussi jolie ».

mariawalpoleMaria Walpole comtesse Waldegrave

Il semble que même vêtue pauvrement, Dorothy Clements parvint à retenir l’attention du jeune lord, qui ne tarda pas à lui faire une cour en règle. Les amis de la jeune fille, puis sa famille, se mirent bientôt à la railler, et à se moquer cruellement du sort qui l’attendait. La jeune fille, exaspérée, et peut être aussi flattée par l’attention de lord Walpole, s’enfuit, monta l’escalier jusqu’à l’appartement de celui-ci et demanda sa protection.

 On raconte que sur le point de souper, le jeune lord ordonnera à ses serviteurs de placer une chaise pour la jeune fille en bout de table, signe de considération vis à vis d’elle, malgré les humbles origines de miss Clements. Evidemment, Dorothy Clements devint rapidement la maîtresse de Edward Walpole, qui lui donna son cœur et la gestion de sa maison.

60.36 v1 kwMaria Walpole (portrait vers 1766 par Nathaniel Dance Holland)

On était alors en 1733 : en cinq ans de bonheur quasi-conjugal, miss Clements donnera quatre enfants à son amant et protecteur : d’abord une fille Laura (née en 1734), puis Maria (qui nous intéresse) en 1736, enfin Edward en 1737, et Charlotte en 1738. Malheureusement, c’est au cours de cette dernière naissance difficile, que Dorothy Clements mourra suite à un accouchement des plus douloureux. Elle avait à peine vingt trois ans.

 Désespéré, et malheureux, le jeune lord ne devait jamais se remarier déjouant tous les plans de son père, le comte d’Orford, qui aurait aimé lui faire épouser une jeune fille de l’aristocratie londonienne.

 C’est bien le seul trait de caractère qu’il eut vis à vis de son père, puisqu’il n’osera jamais aller à l’encontre du dictat du vieux lord, qui avait interdit à son fils d’épouser la mère de ses enfants. Dépendant financièrement de son père, Edward Walpole, même s’il en mourrait d’envie, n’épousera donc jamais Dorothy Clements, laissant dès lors ses quatre enfants avec le stigmate de la bâtardise. C’est d’autant plus ironique que le vieux lord n’avait pas hésité lui-même a épousé sa maîtresse, après la mort de sa femme légitime. C’est ainsi que Maria Skerret, qui avait été sa maîtresse pendant des années, devient la deuxième épouse du 1er comte d’Orford (et donc la belle mère d’Edward Walpole).

158209_001Maria Skerret comtesse d’Orford (par Charles Jervas en 1725)

 Laissé seul avec ses enfants, Edward Walpole leur trouvera une gouvernante en la présence de la sœur de Dorothy, puis décidant que Londres lui pesait trop, il partit vivre avec ses enfants en mai 1745 à Egham. La même année, son père meurt, et son frère aîné, Robert, devient 2ème comte d’Orford. Mais c’est avec son frère cadet, Horace, (qui deviendra le 4ème comte d’Orford en 1791) qu’Edward s’entend le mieux. Homosexuel caché, homme politique et écrivain remarquable, ce fut Horace qui décida d’élever les quatre enfants de son frère comme s’ils étaient des Walpole.

 C’est en mai 1748 que la réconciliation des deux frères eut lieu : ayant déménagé à Frogmore House en mai 1748 avec ses quatre enfants, Edward eut l’occasion de revoir son jeune frère Horace qui tomba littéralement sous le charme de ses trois nièces (Laura, Maria et Charlotte) ayant toutes héritées de la beauté de leur mère, et qu’on baptisait les « trois Grâces ». Maria, qui allait alors sur ses douze ans, promettait d’être la plus belle du lot.

edwardwalpoleEdward Walpole, le père de Maria

 Le problème de leur futur apparaissait bien sombre, du fait de leur bâtardise, d’autant que leur père vivait une vie retirée, au milieu d’amis fidèles, mais avait peu à peu rompu les liens avec la haute société de Londres, qui avait décidé d’ignorer délibérément les bâtards d’Edward Walpole. Or, les enfants avaient été bien élevés par leur père, et lors d’une réunion à la campagne avec le comité religieux de la paroisse, parvinrent à charmer Mrs Ewer, la femme d’un des prêtres de la chapelle St George de Windsor, qui se donna pour mission de les introduire dans la grande société de Londres.

 L’un des prêtres de Windsor, Frédérick Keppel, tomba éperdument amoureux de l’aînée, Laura Walpole, et demandera sa main à son père qu’il obtiendra le 13 septembre 1758. Frederick Keppel devait devenir évêque d’Exeter quatre ans plus tard, mais c’est sa mère, Anne Lennox comtesse d’Albemarle, qui devait lancer et parrainer les trois autres enfants restant et ainsi parachever l’oeuvre de Mrs Ewer. Lady Anne Lennox a de puissants appuis à la cour du roi George II, elle n’est autre que la petite fille de la maîtresse de Charles II, Louise de Kéroualle, elle est en effet née de l’union de Charles Lennox 1er duc de Richmond, et de son épouse Anne Brudenell.

louise11Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth (par Peter Lely en 1672)

 Lady Albemarle introduit Maria et sa sœur Charlotte à la cour : Maria Walpole a alors vingt deux ans, et son oncle Horace, complètement sous le charme l’a rebaptisé « la Beauté même ».

 A la cour de George II vieillissant, Maria Walpole va faire une conquête inattendue : elle provoque la passion chez James Waldegrave, 2ème comte Waldegrave, un des conseillers particuliers du roi George II. Grave, célibataire endurci, le roi lui a donné pour mission d’éduquer son héritier, le futur roi George III. Agé de quarante trois ans, le comte Waldegrave est réputé pour être un homme de devoir et de principe. Il n’est pas particulièrement riche, pas particulièrement séduisant, mais son avenir auprès du jeune prince (qui apprécie son éducateur) semble être des plus prometteurs. Après quatre ans de conseil auprès du jeune prince, il sera même un bref moment Premier Ministre, et sera récompensé en recevant l’ordre de la Jarretière.

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Les enfants illégitimes d’Edward Walpole et Dorothy Clements : Laura, Maria (debout au centre), Charlotte et leur frère Edward (frère et soeurs de Maria Walpole)

 Maria Walpole n’hésite pas beaucoup lorsque le comte Waldegrave demande sa main à son père. Il ne s’agit pas d’un mariage de passion pour Maria, mais elle est sous le charme de cet homme à l’influence évidente, et qui est prêt à lui accorder tout ce qu’elle désire. Pour l’instant, il a l’oreille du vieux roi, et semble avoir aussi l’oreille du futur héritier du trône (le futur George III), ce qui semble de bon augure.

 Le couple se marie le 15 mai 1759, et c’est son propre beau frère, l’évêque d’Exeter qui officie la cérémonie à Luxborough House, la maison du père de Maria à Pall Mall. La lune de miel a lieu à Navestock, et le bonheur de Maria Walpole va durer quatre ans pendant lesquels elle donnera trois filles à son mari : Elizabeth Laura (en 1760), Charlotte Mary (en 1761) et Anne (en 1762).

481px-Maria_Walpole_ReynoldsMaria Walpole avec sa fille Elizabeth Laura en 1762 (portrait par Joshua Reynolds)

A peine revenue de son voyage de noces, elle s’occupe de placer sa jeune sœur Charlotte qu’elle espère bien marier à un pair du royaume. Son vœu s’exauce lorsque le père de Maria et de Charlotte reçoit une demande en mariage en bonne et due forme de la part de Lionel Tollemache 5ème comte de Dysart. De quatre ans plus âgé que Charlotte, il est tombé amoureux de celle-ci depuis plus d’un an, et suit silencieusement, à bonne distance, tous les déplacements de la jeune fille. Charlotte n’a aucune idée de son apparence physique, mais encouragée par sa sœur, elle accepte d’épouser le comte. Elle n’aura jamais à le regretter vivant trente ans de félicité conjugale avec son mari qui lui sera dévoué jusqu’à sa mort à elle, survenue en 1789.

 Maria Walpole peut se frotter les mains, seul son frère Edward demeurera un incurable célibataire pour mourir assez jeune en 1771, ayant consacré sa vie à une carrière militaire. En cette année 1763, les « Trois Grâces » sont donc mariées avec des hommes qui les chérissent et les aiment.

a_portrait_of_maria_countess_waldegrave_by_sir_jos_4ce8cae7b2Maria Walpole comtesse Waldegrave par Joshua Reynolds (1762)

 Grâce à son mariage, Maria Walpole est invitée dans tous les cercles de la haute société, elle y retrouve souvent ses sœurs, mais noue aussi une forte amitié avec une autre jeune femme dont la beauté provoque aussi l’admiration : il s’agit de Maria Gunning comtesse de Coventry . Elles sont souvent vues en train de se promener ensemble, à pied, dans Hyde Park, et la vue des deux beautés provoqua même un jour une petite émeute lorsqu’une foule d’admirateurs entreprirent de contempler de plus près les deux jeunes comtesses. Les deux Maria s’en tirèrent avec quelques dentelles froissées, un chapeau déchiré, et une peur bleue qui les contraignirent à se servir d’un carrosse la fois d’après. Maria Walpole, comtesse Waldegrave, reçoit souvent ses amis dans la demeure de son oncle célibataire Horace Walpole, à Strawberry Hill.

 Ce dernier, même s’il préfère en secret la compagnie des hommes, est ravi de voir son salon envahi par les beautés féminines du moment : il y a là, Maria Gunning comtesse de Coventry, la propre sœur de celle-ci, Elizabeth Gunning duchesse de Hamilton, ainsi que la toute jeune comtesse Ailesbury. Dans sa vaste correspondance, on retrouvera une lettre du vieux Horace Walpole se penchant sur ses jeunes années, et se rappelant que lorsqu’il était jeune, les jeunes femmes étaient bien plus belles et plus resplendissantes de son temps qu’à l’époque de sa vieillesse. Il avouera cependant avec malice, que souvent le bavardage incessant de ses nièces (Maria, et ses deux sœurs Charlotte et Laura) lui donnaient bien souvent un mal de tête persistant et le faisait périr d’ennui.

 Voici comment il décrit sa nièce Maria : « de toutes les beautés que je connais, Maria les surpasse toutes, si l’on peut oublier l’accident de sa naissance ! Son visage, son teint, ses yeux, ses dents, ses cheveux et toute sa personne sont la perfection elle-même, et Dame Nature brisa le moule après sa naissance, car je ne connais personne qui ne puisse l’égaler, »

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James Waldegrave, 2ème comte Waldegrave, le premier mari de Maria Walpole

 La période heureuse de Maria va bientôt s’achever : elle voit son mari tomber malade de la variole en avril 1763 ; malgré les soins des médecins (ou peut être à cause d’eux), le comte Waldegrave meurt à Londres à l’âge de quarante huit ans.

 Maria est obligée peu de temps après de se retirer à Ragman’s castle près de Twickenham (le château a été loué par les bons soins de son oncle Horace Walpole) avec ses trois filles : en effet, la mort de son mari la laisse pratiquement sans un sou, la fortune du comte Waldegrave provenant exclusivement de ses appointements en tant que conseiller (d’abord de George II mort en 1760, puis de son fils le roi George III) .

220px-Gainsborough_-_Maria_WalpoleMaria Walpole (en deuil) peinte en 1763 par Thomas Gainsborough

 Encore jeune (elle n’a que vingt six ans), toujours belle, tout l’entourage de Maria reste persuadée que cette dernière va très vite se remarier. Or, pendant trois ans, Maria Walpole va refuser toutes les demandes en mariage, et particulièrement celle du duc de Portland, ce qui ne manque pas d’étonner son oncle Horace, qui est venu financièrement au secours de la jeune femme dès qu’il a su son dilemme.

Son entourage demeure intrigué, car une jeune veuve sans ressources ne peut se permettre de rester célibataire trop longtemps. Peu à peu les langues se dénouent et la cour commence à s’étonner de voir un prince royal fréquenté régulièrement la maison de lady Waldegrave. Il s’agit du frère cadet de George III, il se nomme William Henry de Hanovre, et son frère la crée duc de Gloucester, d’Edimbourg et de Connaught le 19 novembre 1764.

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William Henry 1er duc de Gloucester, deuxième mari de Maria Walpole

 C’est un grand gaillard blond aux yeux bleus, qui a sept ans de moins que Maria Walpole. Elevé sans tendresse maternelle (la mère du roi George III, Augusta de Saxe, fut une mère dure et négligente vis à vis de toute sa progéniture), il a été destiné dès sa naissance à une carrière dans l’armée. Homme sensible, il a trouvé auprès de Maria une écoute à sa vie sans saveur de prince de sang, élevé dans l’ombre de son frère le roi George III. Il faut dire que George III et lui font partie d’une fratrie de neuf enfants, élevés à la campagne par leur père, et rejetés en bloc par leur grand père George II qui détestait son fils, Frederick Louis, prince de Galles, contraignant ce dernier à vivre en dehors de la cour de St James’s.

 Si le frère de William Henry, George III, a été, un temps, tenté d’obéir aux élans de son cœur et d’épouser celle qu’il aimait, Sarah Lennox, , il finira par écouter la voix de ses conseillers et épousera la princesse allemande que la raison dynastique l’oblige à prendre pour épouse.

 William Henry (de cinq années plus jeune que George III) n’écoutera, lui, que son cœur, et il décide d’épouser la comtesse Waldegrave. C’est ainsi que le chapelain de Maria Walpole unit celle-ci au prince le 6 septembre 1766 dans son salon de la maison paternelle à Pall Mall. Il n’y a aucun témoin.

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Henry Walpole 4ème comte d’Orford, l’oncle favori et généreux de Maria Walpole

 En 1767, le duc de Gloucester loue Manor Lodge près de Windsor, puis est nommé Warden of Windsor Forest, ce qui lui permet de profiter de Cranbourne Lodge qui est mis à sa disposition lors de sa nouvelle fonction. Il y fit quelques travaux, et Maria entreprit d’agrandir une maison sur la propriété, du nom de Forest Lodge, qui possédait un jardin donnant accès à la Tamise, et qui lui permettait de rester incognito près du prince, lorsque celui-ci recevait des invités à Cranbourne Lodge. Les frais consentis par Maria à cette époque pour les travaux, dépassaient largement son allocation annuelle de 1 000 livres, et son oncle Horace (ainsi que les amis de la jeune femme) commença à avoir de sérieux doutes sur la relation que la jeune femme entretenait avec le frère du roi.

 Même si leur mariage est resté secret, les deux jeunes gens sont, au fil des mois, de moins en moins discrets vis à vis l’un de l’autre. Mais le sujet de leur mariage reste encore secret. Pendant cinq ans, le couple va donc vivre dans la clandestinité, même si certains froncent les sourcils et s’interrogent sur la présence constante du duc de Gloucester chez la comtesse Waldegrave.

1765_maria_walpole_counte-2Maria Walpole en 1765 (portrait par Francis Cotes)

 Et puis, en 1771, le scandale éclate à propos d’un mariage secret du frère du roi George III. Non pas celui du mariage secret du duc de Gloucester et de Maria, mais celui d’un autre des frères de George III, le jeune Henry Frederic de Hanovre, duc de Cumberland, avec Anne Luttrell, jeune veuve à la vie dissolue (devenue la maîtresse du prince du vivant même de son mari, et aussi d’autres si la rumeur s’avérerait vraie!). Peut être plus naif que son frère Gloucester, Cumberland se décidera quelques jours après son mariage secret (qui s’est tenu à Mayfair à Londres le 2 octobre 1771) de dévoiler l’existence de celui-ci à son frère le roi George III, notamment pour des raisons financières (le mariage d’un prince débloquait souvent une indemnité conséquente annuelle votée par le Parlement).

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St Léonard’s Hill, la résidence du duc et de la duchesse de Gloucester après leur banissement de la Cour

 Mais la réaction du roi ne se fit pas attendre : furieux, George III interdit à son frère Cumberland et à sa nouvelle épouse de paraître à la cour ! Et c’est sur ces entrefaites que le roi apprit qu’un autre de ses frères, Gloucester, avait lui aussi épousé une veuve, de surcroît petite fille illégitime du 1er comte d’Orford, et veuve pas si éplorée de son bien aimé mentor le comte Waldegrave. Gloucester et son épouse reçurent le même traitement que Cumberland : ils furent priés de ne jamais paraître à cour du roi. Pour bien montrer son mécontentement, George III fit promulger une loi en 1772 qu’on appela « le Royal Marriage Act » interdisant aux membres de la famille royale de se marier sans le consentement du roi. De plus, le roi George III rabaissa la pension royale allouée à ses deux frères.

 Pour réduire leurs frais, Maria Walpole et son époux décidèrent de se retirer à St Leonard’s Hill à Clewer près de Londres, demeure qui appartenait à Maria Walpole. Le duc de Gloucester se lança avec bonheur dans des travaux de jardinage qui embellirent la demeure. Quelques temps plus tard, le Parlement décida de reconnaître le mariage du jeune Gloucester (alors même que le chapelain ayant officié la cérémonie était mort, et qu’il n’y avait aucun autre témoin), laissant ainsi une enveloppe financière au bénéfice du jeune ménage, d’autant plus appréciée que la bourse du jeune prince était plus que réduite.

 La colère du roi finit par mollir au fil des années : il consentit à recevoir son frère en 1778, mais opposa un véto absolu concernant la duchesse de Gloucester. Il ne reçut jamais la jeune femme à sa cour. Maria Walpole ne s’en soucia guère, heureuse et amoureuse, elle réussit à donner trois enfants à son nouvel époux : Sophia (née en 1773), Caroline (née en 1774) et William Frederick (en 1776). Si le roi était fâché avec la duchesse de Gloucester, il ne le sera pas vis à vis de ses enfants : il accordera à William et Sophie une pension de 8 000 et 4 000 livres.

maria-gloucesterMaria Walpole (en 1774 portrait par Joshua Reynolds)

 Mais les premiers nuages n’allaient pas tarder à s’accumuler entre les deux époux  : d’abord en 1775, Maria insista pour que sa fille Caroline soit inoculée contre la variole. Le duc de Gloucester venait lui-même d’être violemment atteint par cette maladie en mars 1775, et la violence de ses douleurs avait fait craindre un instant pour sa vie. Les médecins recommandèrent aux Gloucester d’inoculer leurs enfants. Gloucester s’opposa à l’idée, mais sa femme persista (elle n’oubliait pas que son premier époux lord Waldegrave était mort de cette maladie), et les deux fillettes, Sophia et Caroline furent inoculées. Malheureusement, la petite Caroline eut bientôt des convulsions et des crises nerveuses qui aboutirent à sa mort à l’âge seulement de neuf mois. Le duc de Gloucester ne devait jamais pardonner à Maria la mort de leur fillette.

En plus de problèmes personnels, le couple était harcelé par les créanciers anglais, la seule solution à l’époque était de séjourner à l’étranger, et de ne rentrer en Angleterre qu’une fois les esprits apaisés ou les dettes payées : c’est ainsi que le duc et la duchesse de Gloucester feront de nombreux voyages à l’étranger, les contraignant à se déplacer en France, et surtout en Italie pour de longues périodes d’exil (c’est d’ailleurs en Italie que naitra leur fils William Frederick).

1776_estimate_based_on_ag-2Maria Walpole avec son fils William (portrait par Pompeo Battoni en 1776)

 Ensuite la différence d’âge entre les époux commença à les éloigner l’un de l’autre, jusqu’à ce que Maria découvre la liaison de son époux, en 1781, avec l’une de ses dames de compagnie, Almeria Carpenter (de seize ans plus jeune qu’elle), fille du comte de Tyrconnell. Cette dernière, enceinte des œuvres de Gloucester, devait accoucher d’une petite fille, Louisa Maria, l’année d’après. Le couple commence à s’éloigner l’un de l’autre.

 En 1784, Maria voit mourir son père, Edward Walpole qui s’était retiré à Isleworth et qui ne s’était jamais remarié. Il avait cédé sa propriété de Topham à sa fille ainée Laura, Mrs Keppel lorsque celle ci se retrouvera veuve de son mari, l’évêque d’Exeter, en 1778.

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Les trois filles de Maria Walpole (nées de son mariage avec le comte Waldegrave) : de gauche à droite : Charlotte Mary, Elizabeth Laura et Anne Horatia.

Le gouffre se creuse entre les époux Gloucester : ils n’ont pas les mêmes idées sur l’éducation de leurs enfants, et en 1787, suite à une dispute particulièrement violente concernant l’éducation de leur fille Sophie, les deux époux décident de se séparer définitivement. Maria a alors cinquante et un ans, le duc en a quarante quatre. Le duc de Gloucester se retire à Gloucester House à Londres, et poursuit sa carrière militaire : il est nommé colonel du 13ème régiment d’infanterie, et devient Field Marshall le 12 octobre 1793.

sophiahanoverSophia Matilda de Gloucester avec son frère William de Gloucester par Benjamin West en 1779 (enfants issus du 2ème mariage de Maria Walpole)

 En 1797, Maria assiste aux derniers instants de son oncle bien aimé, Horace Walpole, toujours célibataire, qui s’éteint à l’âge de soixante dix neuf ans : il était devenu le 4ème comte d’Orford six ans auparavant, à la suite de son frère et de son neveu, morts sans héritier.

William_Henry,_Duke_of_GloucesterLe duc de Gloucester, 2ème époux de Maria Walpole (portrait en 1804, un an avant sa mort par William Beechey)

 Des deux époux séparés, c’est le duc de Gloucester qui mourra le premier, à l’âge de soixante et un ans, le 25 aout 1805, sans avoir revu son épouse. Maria Walpole, quant à elle, s’éteint à Brompton le 2 aout 1807.

 Elle aura eu la satisfaction de bien marier ses trois filles de son premier mariage : l’ainée épousera le 4ème comte Waldegrave (son propre cousin), la cadette épousera le duc de Grafton, et la petite dernière l’amiral Hugh Seymour. Comme leurs mères et leurs tantes, les trois filles du comte Waldegrave recevront le surnom des « Trois Grâces » tant leur beauté (héritée de leur mère) enchantera leurs contemporains.

d3879625xAnna Horatia Waldegrave et sa soeur Charlotte Maria Waldegrave, (par Richard Cosway, 1789) les filles nées du premier mariage de Maria Walpole

Quant aux deux enfants qui restaient du deuxième mariage de Maria Walpole : sa fille Sophia ne se mariera jamais, et son fils William Frederic, devenu 2ème duc de Gloucester, épousera son amour de jeunesse, sa cousine Mary de Hanovre (fille du roi George III).

princess-sophia-matildaSophia Matilda de Gloucester, (par Richard Cosway, 1794) fille née du 2ème mariage de Maria Walpole

 Séparés à la fin de leur vie, le duc et la duchesse de Gloucester reposeront cependant côte à côte dans la chapelle St George du château de Windsor.

Descendants de Marie Walpole

Jusqu’aux petits-enfants.

Marie Walpole, née le 10 juillet 1736, Londres, décédée le 2 août 1807, Oxford Lodge, Brompton, Middlesex, inhumée, chapelle st George à Windsor (à l’âge de 71 ans).
Mariée le 15 mai 1759, London, England, avec James, Earl Waldegrave (2e), né le 4 mars 1715, décédé en avril 1763, London, England (à l’âge de 48 ans), teller of the Exchequer, Prime Minister and First Lord of the Treasury from 8 June 1757 to 12 June 1757., dont

Mariée le 6 septembre 1766 avec William Henry von Hannover, Duke of Gloucester et of Edinburgh (19 novembre 1764), Earl of Connaught (19 novembre 1764), né le 25 novembre 1743, Leicester House, London, England, décédé le 25 août 1805 (à l’âge de 61 ans), dont

Total: 28 personnes (conjoints non compris).

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