Françoise de Maridor, dame de Montsoreau (1555-1620)

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Dame d’honneur de Catherine de Medicis

Portrait par Francois Clouet

Née au chateau de la Freslonnière (Sarthe) en 1555
Morte au chateau d’Avoir (Maine et Loire) le 29 septembre 1620
Enterrée église de Souligné sous Ballon (Sarthe)

Françoise de Maridor naquit au château de la Freslonnière, dans la Sarthe, en 1555. Elle était l’aînée de trois filles : ses deux autres sœurs se nommaient Philippe et Anne. Les trois fillettes étaient très belles : l’aînée, Françoise, était une jolie brune aux yeux verts, et elle ne le savait pas encore mais plusieurs hommes allaient, dans le futur, s’entre tuer pour elle.

Les parents de Françoise de Maridor étaient de confession protestante : Olivier de Maridor, seigneur de Vaux (1515-1575) était l’écuyer de la reine de Navarre, Jeanne d’Albret, et son épouse, Anne Goyon de Matignon (1532-1599) était dame d’honneur de la même Jeanne d’Albret, (qui était la mère du futur roi Henri IV). Au château de la Freslonnière, les fillettes furent donc élevées dans la foi protestante.

Leur père était un homme de tempérament colérique : dans sa jeunesse il avait eu à son actif le meurtre de deux nobles car il tuait avec aisance ceux qui avaient le malheur de ne pas être de son avis : il se fit remarquer une première fois en 1534, quand il se prit de querelle avec Louis de Chenevyères (dit « Haultboys ») un natif de Normandie, qui s’était permis de critiquer ses hôtes lors d’un séjour au château de la Freslonnière ; le ton monta entre Chenevyères et Olivier de Maridor : ce dernier sortit son épée et blessa son adversaire au ventre : Chenevyères devait mourir trois jours plus tard hébergé, blessé, au château du seigneur de Bailleul où il s’était fait transporté.

Informé, le roi François 1er accorda une rémission pour ce meurtre à charge pour Olivier de Maridor qui fut seulement condamner à accorder une aumône aux pauvres mendiants de la ville de Paris, et ce pendant quelques années.

Le deuxième meurtre eut lieu en août 1551 : Olivier de Maridor se rendit coupable du meurtre de son oncle : Hercule de Maridor. Lors d’un séjour chez son oncle au château du Breuil (paroisse de Lucé sous Ballon) Olivier de Maridor se permit des remarques sur les frais élevés qu’occasionnait la garde de sa nièce orpheline, qui avait été confié aux bons soins de Hercule de Maridor et de son épouse.

Olivier de Maridor devait participer aux frais de cette éducation et estimait que la fillette coûtait fort chère en frais d’éducation : se sentant critiqué dans sa propre maison, Hercule de Maridor haussa le ton lors du départ d’Olivier ; les deux hommes décidèrent de continuer leur discussion à cheval sur le chemin du retour alors que Hercule raccompagnait Olivier. Mais la promenade à cheval n’apaisa en rien les humeurs des deux hommes ; hors de vue du château, ils descendirent de cheval, le ton continua de monter et les deux hommes, exaspérés, tirèrent leur épée. Olivier de Maridor reçut un coup d’épée qui lui transperça la cuisse, il répliqua en tuant son oncle en lui passant l’épée au travers du corps. Blessé, Olivier de Maridor réussit à remonter à cheval et se réfugia au presbytère de Teillé. Puis, il se cacha tandis que sa femme envoyait une lettre d’explication au roi Henri II ; ce dernier délivra (lui aussi comme son père François 1er quelques années auparavant) une lettre de rémission en septembre 1551 permettant au blessé de regagner son logis de la Freslonnière.

Françoise de Maridor et ses sœurs, furent donc élevées par un père turbulent au tempérament colérique, mais aussi par une mère toute acquise à l’austère foi huguenote. Lorsque Françoise eut atteint l’âge de 18 ans, son père commença à lui chercher un bon parti parmi les seigneurs de la province. Son choix se porta sur le fils aîné de l’un des plus riches seigneurs des environs, Louis de Coesmes, baron de Lucé.

Louis de Coesmes avait épousé la nièce d’Anne de Pisseleu, la favorite du roi François 1er, (qui se nommait aussi Anne de Pisseleu) et qui lui avait donné un fils : Jean de Coesmes, né la même année que Françoise de Maridor.

Les deux jeunes gens furent mis en présence l’un de l’autre et se plurent. Mais il y avait un obstacle de taille pour la mère de Françoise de Maridor : le jeune Jean de Coesmes était de religion catholique. Anne Goyon de Matignon fit une scène mémorable à son époux : elle ne pouvait accepter pour gendre un homme de foi catholique. Rien n’y fit, Olivier de Maridor était bien décidé à créer une alliance avec l’un des barons les plus fortunés du voisinage. Le mariage de Françoise de Maridor et de Jean de Coesmes eut lieu au château de la Freslonnière le 25 novembre 1573 : ils avaient tous les deux dix huit ans. Le jeune couple alla ensuite vivre au château de Lucé, laissé à leur disposition par les beaux parents de Françoise, qui eux résidaient au château de Bonnétable.

chateau de la Freslonnière à Souligné

Françoise de Maridor était devenue Françoise de Coesmes, dame de Lucé. On a conservé l’inventaire du mobilier de sa chambre au château de Lucé : « une couchette dorée, peinte, garnie d’une paillasse, d’une couette, d’un traversier, d’une couverture de sargette rouge et vert, la chappe et les cotés dudit pavillon de velours cramoisi, accoutré de franges d’argent et de soie verte… »

Jean de Coesmes emmena sa jeune épouse à Paris au début de l’année 1574 et Françoise de Maridor plut à Catherine de Médicis qui la nomma dame d’honneur de sa maison.

Mais pour le plus grand malheur de Françoise de Maridor, son jeune époux était lieutenant d’une compagnie d’armes, et ne vivait que pour l’armée et la vie dans les camps. C’est ainsi que Jean de Coesmes partit au siège de Lusignan (pour combattre les huguenots) et il y trouva la mort le 25 novembre 1574. Ils n’avaient pas eu d’enfants.

Françoise de Maridor, devenue veuve, dut quitter Paris et elle alla s’installer chez ses parents à la Freslonnière. L’atmosphère du château lui fut bientôt insupportable : sa mère y faisait régner une ambiance toute huguenote et rigide et Françoise regrettait amèrement les quelques mois qu’elle avait vécu en tant que dame de Lucé. Il n’ y avait qu’une échappatoire à tout ceci : le remariage ! A Paris, la beauté de Françoise de Maridor avait bouleversé bien des cœurs : la sachant veuve et toujours aussi belle, les prétendants ne se firent pas attendre.

Deux jeunes seigneurs se mirent sur les rangs : Jean de Beaumanoir, seigneur de Lavardin, et Charles de la Rochefoucauld, seigneur de Randan. Le premier était de foi huguenote et il servait Henri roi de Navarre (futur Henri IV) ; le deuxième était de foi catholique et fortement épris de Françoise.

Jean de Beaumanoir seigneur de Lavardin

En mai 1575, les deux rivaux apprirent que Françoise séjournait chez ses parents à la Freslonnière, et Randan décida de lui rendre visite. Françoise de Maridor lui pria par lettre de ne point venir, car le seigneur de Lavardin devait lui aussi se rendre à la Freslonnière pour lui rendre visite, et la jeune femme craignait que les deux jeunes gens ne se provoquent en duel pour elle tant ils en étaient venus à se détester l’un l’autre. Randan passa outre les conseils de Françoise et prit la route du Maine avec un équipage de deux cent chevaux. Le seigneur de Lavardin, apprenant la venue de son rival, partit à sa rencontre avec trente cavaliers. La rencontre se fit dans le Perche, Lavardin tua le jeune Randan d’un coup de pistolet dans la tête, et l’écuyer de Randan, désireux de venger son maître fut tué après avoir désarçonné Lavardin, et être en passe de le massacrer.

Le meurtre de Randan créa un scandale à la cour d’Henri III ,car le jeune homme était l’un de ses favoris. Le roi envoya un prévôt des maréchaux pour se saisir de Lavardin, mais celui ci avait trouvé refuge en Gascogne chez Henri de Navarre. Le meurtre de Randan ne fit qu’augmenter l’attrait de la beauté de Françoise de Maridor à l’origine de cette tuerie.

Dans les mois qui suivirent elle fut courtisée par un baron catholique, Jean de Chambes comte de Montsoreau âgé de 45 ans. Catholique, il s’était distingué par son zèle pour massacrer des protestants après la Saint Barthélémy dans les villes de Saumur et d’Angers en août 1572. Son château de Montsoreau avait été pillé en 1568 par les protestants et il haïssait ces derniers.

Il avait participé au siège de Lusignan au côté du premier mari de Françoise de Maridor, et il avait hérité d’une réputation de cruauté sur les champs de bataille : on disait de lui que sur cent hommes qu’il faisait prisonnier, il en gardait douze et massacrait le reste. Et c’est cet homme cruel qui fit la cour à la belle Françoise de Maridor. Nulle doute que la mère de cette dernière, Anne de Matignon, devait se retirer dans ses quartiers lorsqu’il arrivait tout fringant au château de la Freslonnière.

Bien souvent, il arrivait accompagné de son frère cadet, Charles de Chambes, qui avait seulement six années de plus que Françoise, et qui était lui grand veneur de François d’Alençon, le frère cadet de Henri III.

Il était urgent que Françoise se remarie car son père, Olivier de Maridor était mort en 1575 et elle ne pouvait plus demeurer à la Freslonnière où résidait sa mère, Anne de Matignon qui ne s’entendait plus avec sa fille, qui était devenue, au contact de son premier mari, catholique. Hélas, la malchance se manifesta à nouveau : en septembre 1575, Jean de Chambes, baron de Montsoreau, fut assassiné par une bande d’adversaires.

François Hercule de Valois, duc d’Anjou et d’Alençon

L’héritier de Jean de Chambes était maintenant son frère cadet, Charles. Il hérita de toutes les terres de son frère aîné et s’empressa de demander la main de Françoise de Maridor. Charles de Chambes était un homme d’études qui appréciait les livres. Il était timide et doux et sincèrement amoureux de Françoise. Cette dernière accepta la demande en mariage de Charles de Chambes et le mariage se fit au château de la Freslonnière en janvier 1576. Dans le courant de l’année, le jeune couple fut appelé à Paris ou Charles exerçait sa charge auprès du jeune frère du roi, et Françoise de Maridor, dame de Montsoreau, fut à nouveau nommée dame d’honneur de la reine Catherine de Médicis.

Pendant trois ans, le couple vécut l’été à la cour à Paris pour remplir leur obligation, et à l’automne ils regagnaient le château de la Coutancière, leur résidence de chasse, puis l’hiver les voyait revenir au château de Montsoreau à 8 km du château de la Coutancière. Or, bien malgré elle, Françoise de Maridor, dame de Montsoreau allait de nouveau faire parler d’elle.

En 1576, François de Valois duc d’Alençon (et frère de Henri III) reçut l’apanage du duché d’Anjou : pour le représenter à Angers, il nomma l’un de ses fidèles, Bussy d’Amboise, qui devint gouverneur de son duché et commandant du château d’Angers.

Louis de Clermont d’Amboise (dit Bussy d’Amboise)

Bussy d’Amboise, dit « le beau Bussy » se nommait en réalité Louis de Clermont d’Amboise. Il était né en 1549 et avait vécu toute sa vie à la cour du roi de France.

Pierre de l’Etoile le décrira ainsi :

«  ...il était d’un courage invincible, haut à la main, fier et audacieux, aussi vaillant que son épée...

D’abord gentilhomme d’Henri, duc d’Anjou, (futur Henri III), il l’avait suivi en Pologne lorsque ce dernier avait été nommé roi de Pologne en 1573. Mais l’atmosphère austère de la cour de Pologne avait fortement déplu à de nombreux fidèles du duc d’Anjou, et plus particulièrement à Bussy d’Amboise, qui avait risqué sa tête à une ou deux occasions en serrant de trop près quelques belles polonaises affublées de maris jaloux et vindicatifs.

Décidément, la vie agitée et gaie de Paris manquait trop à Bussy d’Amboise et c’est ainsi que moins de six mois après son arrivée à Cracovie, et sous le prétexte d’apporter une missive à Paris, il abandonna le duc d’Anjou qui était devenu roi de Pologne et regagna Paris.

Ce fut un mauvais calcul : Henri duc d’Anjou devait toujours en vouloir à Bussy de l’avoir froidement abandonné. Mais personne n’aurait pu soupçonner que bientôt, Henri allait devenir héritier du trône de France et abandonner la Pologne sur un coup de tête pour reprendre l’héritage de son frère aîné Charles IX sur son lit de mort.

En attendant, de retour à Paris, Bussy d’Amboise s’était trouvé un protecteur en la personne du dernier frère du roi : François duc d’Alençon, éternel trublion et mécontent. Pour ce dernier le départ du duc d’Anjou de la cour à Paris lui laissait le champ libre pour devenir l’héritier présomptif de Charles IX en cas de mort de ce dernier, qui ne laissait aucun enfant mâle de son union avec Élisabeth d’Autriche.

François d’Alençon accueillit Bussy d’Amboise à bras ouvert et en fit l’un de ses favoris. Bussy d’Amboise qui était un séducteur né, et avait un esprit vif et la répartie facile en profita pour devenir l’amant de la reine Margot, la sœur de Charles IX et du duc d’Anjou, qui était l’épouse délaissée d’Henri roi de Navarre (le futur Henri IV). Entre deux bals, Bussy d’Amboise se prêtait à son jeu favori : le duel où d’ailleurs il excellait.

Mais en 1574, le roi Charles IX mourut. Aussitôt la reine mère Catherine de Médicis en avertit son fils préféré le duc d’Anjou en lui portant une missive à Cracovie. A la faveur de la nuit, Henri duc d’Anjou, faussa compagnie aux polonais et rentra à Paris pour se faire couronner roi de France.

Chateau d’Angers (Maine et Loire)

Revenu à la cour, le roi Henri III ne tarda pas à redistribuer des faveurs aux compagnons qui l’avaient suivi en Pologne, et dont certains d’entre eux allaient devenir ses compagnons les plus fidèles, les Mignons. Évidemment Bussy d’Amboise, qui appartenait à la maison du duc d’Alençon ne reçut rien. Henri III détestait les compagnons de son frère et il détestait particulièrement Bussy, qui l’avait si rudement abandonné en Pologne. Bussy en contrepartie, ne pouvait pas souffrir de rencontrer les Mignons du roi sur son chemin et les provocations entraînaient bien souvent des duels. De plus, il excitait la jalousie du duc d’Alençon vis à vis d’Henri III le poussant à réclamer plus de terres puisqu’il était maintenant l’héritier du trône (en cas de mort d’Henri III).

En 1575, le duc d’Alençon s’enfuit de Paris. Un an plus tard, le roi lui concédait les terres qu’il réclamait depuis des mois : l’Anjou, la Touraine et le Berry. D’Alençon pouvait maintenant récompenser ses fidèles et c’est ainsi que Bussy d’Amboise fut nommé gouverneur de l’Anjou pour son maître, le duc d’Alençon le 8 mai 1576.

Dès le mois de juin 1576, Bussy d’Amboise quitta Paris pour Angers où en novembre Bussy fit une entrée remarquée au son des cloches de toutes les églises d’Angers : les notables de la cité, les échevins et les bourgeois accueillirent le nouveau gouverneur les bras ouverts. Bussy s’installa au château d’Angers en compagnie de la troupe de mercenaires qui l’accompagnait et qui trouva à se loger dans la ville même où aux alentours. Bientôt des plaintes s’élevèrent contre les exactions des troupes du nouveau gouverneur. Averti, le roi Henri III conseilla à son frère de demander à Bussy de modérer les ardeurs de ses troupes.

Pour éviter les récriminations des gens d’Angers, Bussy d’Amboise finit par s’installer à quelques lieux au Pont de Cé. Et puis, de temps en temps, il retournait à Paris où son arrogance et sa fierté en irritaient plus d’un. Insupportable, il provoqua en duel l’un des Mignons du roi, le jeune Jacques de Levis comte de Quelus. Le roi, alarmé, demanda à Bussy de renoncer au duel, ce qu’il fit ne pouvant passer outre à la décision du roi. Par contre, en agissant ainsi, Bussy se mit à dos son protecteur le duc d’Alençon, fâché de voir son favori se plier au désir du roi pour éviter un combat contre l’un des favoris du roi. Pour tenter de réconcilier tout le monde, la reine mère Catherine de Médicis proposa de partir pour l’Anjou avec le duc d’Alençon et de raccompagner Bussy en son gouvernement.

Le 14 février 1578, la reine mère et sa suite arriva à Angers. A Pâques il était prévu que la reine mère et tout ce beau monde ferait le tour des châteaux des environs pour rencontrer les courtisans et seigneurs des alentours. C’est ainsi qu’en revenant de la Flèche, le duc d’Alençon, Bussy et la reine mère s’arrêtèrent chez une ancienne dame d’honneur de la reine, au château de la Coutancière, qui appartenait au mari de Françoise de Maridor, dame de Montsoreau.

Françoise de Maridor recevant Bussy d’Amboise

Bussy d’Amboise avait déjà rencontré Françoise de Maridor, d’abord lorsqu’elle avait accompagné son premier époux à Paris, et puis à l’occasion de son remariage. Remarqua t’il alors l’extrême beauté de la jeune femme ? Fut il jaloux de constater que les deux époux s’aimaient tendrement ?

Bussy n’eut pas le temps de s’attarder dans la région d’Angers : un nouveau projet du duc d’Alençon se profilait à l’horizon. En quête d’un titre plus ronflant, le duc d’Alençon tenta de s’approprier les Pays Bas qui était alors sous la coupe du roi d’Espagne. Ce fut un échec retentissant… Le duc d’Alençon qui n’admet pas l’échec était de plus un prince faible et versatile : il lui fallait un coupable pour expliquer ce revers de fortune et son mécontentement se porta sur Bussy d’Amboise, coupable peut être de l’avoir encouragé dans cette chimère. Ce dernier vit à partir de là sa faveur pâlir auprès de celui qu’il servait depuis des années.

En avril 1579, le duc d’Alençon se rendit à Paris auprès du roi Henri III et fit une entrée remarquée à Paris entouré des grands du royaume : le duc de Guise, le duc de Nevers… Mais Bussy d’Amboise ne faisait pas partie des fidèles qui accompagnait le duc, il était resté aux Ponts de Cé et n’avait pas été convié.

Laissé à son sort, Bussy d’Amboise se laissa gagner par l’ennui : Paris lui manquait, les dames lui manquaient, et soudain, une vision enchanteresse traversa sa mémoire… il y avait à quelques kilomètres d’Angers une bien belle dame qui avait connu aussi la cour à Paris et qu’il serait bien agréable de revoir.

Enhardi, il envoya un billet à Françoise de Maridor lui demandant la permission de lui rendre visite. La jeune femme, en recevant la lettre, n’y vit aucun mal et elle répondit par la positive. Elle ne manqua pas d’en informer son époux resté à Paris. Elle ne voyait aucun mal à recevoir chez elle le gouverneur d’Angers, d’ailleurs, ils n’étaient jamais en tête à tête, la dame de Montsoreau prenant garde de s’entourer de fidèles serviteurs.

chateau de la Coutancière

Dans le courant de l’été 1579, les visites de Bussy d’Amboise devinrent plus fréquentes. Les visites à la dame de Montsoreau étaient rafraîchissantes : avec Françoise, il ressassait les souvenirs des fêtes organisées par Catherine de Médicis et des bals de la cour… bref, Bussy d’Amboise, l’exilé, se sentait revivre….

Mais que se passa t’il réellement entre la dame de Montsoreau et le beau gouverneur d’Angers ? Les mauvaises langues diront qu’ils furent amants, mais rien ne laissa penser que Françoise ait été infidèle à son mari. D’autant que Françoise informait son mari des visites du gouverneur d’Angers. Bientôt, Bussy d’Amboise, qui ne savait pas tenir sa langue et qui avait tendance à être arrogant, voire vantard, ne put s’empêcher de chanter sa bonne fortune et lorsque le duc d’Alençon lui écrivit enfin et manda de ses nouvelles, il répondit à celui ci qu’il « avait pris dans ses filets la biche du grand veneur ».

On ne saurait être plus explicite, puisque Charles de Chambes était grand veneur à la cour.

Or, à cette époque, le duc d’Alençon était toujours exaspéré par le comportement de Bussy d’Amboise ; le roi Henri III n’avait pas manqué de souffler à l’oreille de son frère que Bussy était un impertinent, qu’il pillait la belle province d’Anjou et que chaque mois les angevins se plaignaient du gouverneur d’Angers qui agissait en Anjou comme en pays conquis.

Le ressentiment ressurgi chez le duc d’Alençon : il se rappela la vantardise de Bussy, et sa suffisance et un soir il profita d’un entretien avec Henri III pour glisser à celui ci que Bussy d’Amboise était devenu l’amant de la belle Françoise de Maridor, dame de Montsoreau.

Pour preuve, il lui laissa la lettre de Bussy, un chef d’œuvre de vantardise. Or, Charles de Chambes comte de Montsoreau se trouvait à cette époque au Louvre. Henri III, qui était ravi de l’aubaine de venger les provocations passées de Bussy vis à vis de ses Mignons, convoqua le comte de Montsoreau et lui fit lire la lettre de Bussy d’Amboise : le comte de Montsoreau stupéfait à la lecture de cette lettre tomba des nues puis éclata en colère.

Le roi Henri III et son épouse Louise de Lorraine

Devant la colère légitime et sincère de Charles de Chambes, le roi lui accorda la permission de retourner en Anjou à toute allure. En galopant à bride abattue, ce dernier arriva en deux jours et deux nuits au château de la Coutancière.

En pleine nuit, il fit ouvrir les portes du château et trouva sa femme, seule, dans la salle d’honneur en train de dîner avec quelques suivantes. D’emblée il l’accusa d’adultère. Devant ce mari déchaîné et furieux, la jeune femme fut interdite et stupéfaite. Le comte de Montsoreau la pris par le bras et sans ménagement la mena dans leur chambre. Là, l’explication fut encore plus orageuse, le comte accusa, Françoise se défendit âprement et répondit que tout n’était que calomnie et que Bussy d’Amboise n’avait jamais été seul avec elle et que l’accusation était mensongère et qu’elle était la victime d’une calomnie.

D’ailleurs, elle ne lui avait jamais caché que le gouverneur d’Anjou venait lui rendre visite, elle n’était coupable de rien !

Charles de Chambes ne la crut pas, et il exigea de son épouse qu’elle écrivit aussitôt une lettre à Bussy d’Amboise : cette lettre serait une invitation pour que celui ci vienne au château le lendemain soir. Résignée, et sous la contrainte, Françoise de Maridor écrivit le billet fatidique. Peut être pensait t’elle que les deux hommes lors de cette entrevue s’expliqueraient en bonne intelligence : elle n’avait jamais connu son mari violent, et il n’y avait pas de raison pour que cette histoire dégénère.

Le messager de la dame de Montsoreau arriva à Angers au début de l’après midi du 19 août 1579 : en lisant la missive Bussy d’Amboise ne réfléchit pas, il se précipita, réclama son cheval et se mit en route. En partant d’Angers, il s’arrêta à Saumur et demanda à l’un de ses amis, le lieutenant criminel de Saumur, un dénommé Colasseau de l’accompagner ; en effet, les chemins n’étaient pas sûrs jusqu’au château de la Coutancière, et en plus il faisait nuit ; Colasseau accepta de l’accompagner, et à la tombée de la nuit les deux hommes partirent avec pistolet et épée. Ils arrivèrent au château vers 10 h 00 du soir.

Or le comte de Montsoreau avait préparé une véritable embuscade qui avait pour but de mettre à mort Bussy d’Amboise : dans l’après midi, il avait recruté une dizaine de serviteurs du château, de solides gaillards qu’il avait équipé d’épées et de poignards. Il leur donna aussi des cottes de maille pour les protéger, car Bussy était un redoutable bretteur. Les serviteurs du comte de Montsoreau avaient pour mission de fondre sur Bussy dès lors que celui ci franchirait la grande salle.

Le comte de Montsoreau et Bussy d’Amboise

Le comte s’était retiré dans ses appartements privés, et avait fait enfermer Françoise à l’autre bout du château. Seule, une chandelle était restée allumée au premier étage du château, et un serviteur avait pour mission d’introduire Bussy dès lors qu’il franchirait le seuil de la grande porte du château.

Les deux cavaliers ne tardèrent pas à arriver : mettant pied à terre, Bussy d’Amboise et Colasseau frappèrent l’huis de la porte ; un serviteur de la maison vint leur ouvrir  ; il laissa passer Bussy et il introduisit Colasseau dans une pièce du rez de chaussée où une collation l’attendait. Impatient, Bussy grimpa les marches qui menaient à l’étage à la suite du serviteur qui menait le chemin ; parvenu devant la porte de la grande salle, le serviteur tourna la clé et ouvrit la porte. Pendant ce temps, au rez de chaussée, un autre serviteur avait enfermé à double tour Colasseau dans la pièce du rez de chaussée.

Dès que la porte de la grande salle s’ouvrit, Bussy se précipita : il savait que la chambre de Françoise se trouvait de l’autre côté de la grande salle.

Mais alors qu’il pénétrait dans la salle qui était éclairée, le serviteur qui l’avait accompagné referma la porte de celle ci et tourna la clé en l’enfermant à l’intérieur. Aussitôt des quatre coins de la pièce surgirent des hommes armés qui se précipitèrent sur Bussy d’Amboise.

Le jeune homme comprit aussitôt la trahison, sortit son épée qu’il avait gardé à son côté, et para les premiers coups d’épée. Il rugit de colère et se précipita sur les assaillants ; ceux ci surpris reculèrent à leur tour : quatre d’entre eux furent grièvement blessés par Bussy qui se déchaînait. Les autres assaillants se regroupèrent et entourèrent Bussy d’Amboise, l’épée de celui ci se rompit finalement sur une cote de mailles : le jeune homme se servit alors d’un escabeau qui se trouvait à ses pieds, et le lança à toute volée, un banc suivit la même trajectoire. Le but de Bussy était d’atteindre la fenêtre qui donnait sur la cour, si il arrivait à la franchir, il était sauvé et pourrait échapper à ses assaillants. Il avait eu beau appeler à son secours Colasseau, il avait compris que celui ci était empêché de le rejoindre.

Il se protégea le corps de son manteau, et s’apprêta à briser le carreau de la fenêtre, mais un des serviteurs du comte de Montsoreau sortit alors un pistolet, visa et tira au moment où la vitre se brisait. Blessé, Bussy d’Amboise bascula dans le vide et son corps atterrit sur les grilles du soubassement de la fenêtre où il s’empala. Ses assaillants se penchèrent et l’achevèrent alors à coup d’arquebuse…Le corps de Bussy fut bientôt criblé de flèches…. Au rez de chaussée, son ami avait entendu le bruit de la rixe et avait tenté d’aider Bussy, hélas, au moment où s’ouvrait la porte de la pièce où on l’avait enfermé, les serviteurs du comte de Montsoreau se précipitèrent sur Colasseau et le transpercèrent de leurs dagues. Ce dernier, impuissant face au nombre, succomba sous leurs coups.

Les deux hommes étaient morts, et leurs corps furent traînés dans la cour devant la porte du château. Charles de Chambes sortit alors de ses appartements et contempla avec mépris le corps de Bussy d’Amboise. Quant à Françoise de Maridor, elle n’apprit le sort funeste de Bussy qu’au matin de cette nuit d’horreur.

Le corps de Bussy d’Amboise fut ramené à Angers ; les moines de l’abbaye de Saint Pierre de Bourgueil le réclamèrent : en effet Bussy d’Amboise était leur abbé commendataire depuis 1578. Le corps de Bussy fut enterré dans l’abbaye bénédictine de Saint Pierre de Bougueil.

Quelques jours plus tard, Charles de Chambes retourna à Paris auprès du roi. Il ne fut pas poursuivit pour cet assassinat.

Quant au duc d’Anjou, il ne manifesta aucun chagrin à la nouvelle de la mort de son ami. A la cour, la stupeur de la mort de Bussy d’Amboise laissa place à une sorte de satisfaction : même si certains l’appréciaient, beaucoup à la cour le jalousaient et se félicitaient de voir ce vantard bel et bien mort. Et puis, les circonstances de sa mort demeuraient confuses et peu claires : si tous s’étonnaient du rôle qu’avait joué Françoise de Maridor dans cet assassinat, beaucoup applaudissaient le mari cocu d’avoir su rendre gorge à l’impudent personnage. Mais la comtesse de Montsoreau avait elle vraiment succomber aux charmes de Bussy d’Amboise ou celui ci s’était il seulement vanté bien haut d’avoir obtenu des faveurs qu’il n’avait jamais eu ? Les chroniqueurs de Paris comme Brantome ou Pierre de l’Estoile optèrent pour l’adultère, les chroniqueurs angevins, comme Louvet, sont beaucoup plus nuancés.

Le chateau de Montsoreau

Ce drame qui aurait du séparer les deux époux leur permit au contraire de rester unis de plus belle. Françoise de Maridor n’avait que vingt quatre ans à la mort de Bussy d’Amboise et son mari avait toujours montré qu’il était fortement épris de son épouse. Si il y eut faute, il pardonna, mais il semble bien que Françoise n’ait jamais été la maîtresse de Bussy.

Le meurtre de Bussy d’Amboise n’entacha en rien l’harmonie du couple  : en effet Charles de Chambes et Françoise de Maridor eurent six enfants à la suite de ce drame : elle donna son premier enfant, une fille nommée Françoise à son mari à l’age de trente ans, en 1585. Puis elle donna naissance à René (en 1587), à Françoise (1588), Marguerite (1590), Charles (1594) et enfin Suzanne (en 1600).

En 1583 Françoise de Maridor reprit sa place de dame d’honneur auprès de Catherine de Médicis à Paris.

Quant à son mari, il poursuivit sa carrière auprès du duc d’Alençon : en 1585, Charles de Chambes fut nommé conseiller d’État et obtint l’abbaye de Saint-Georges près d’Angers. En 1587 il fut blessé à Coutras et fait prisonnier.

Le 5 juin 1589 il obtint 4 200 écus et suivit le duc de Montpensier comme maréchal de camp en Bretagne pour réduire une insurrection. En 1592, il participa à la défaite de Craon devant les troupes du duc de Mercoeur. En 1596 il servait au siège de Tigné.

En 1599, Anne de Matignon, mère de Françoise de Maridor mourut : dans son testament, elle déshéritait sa fille aînée (Françoise) et effectuait des dons à ses deux autres filles et à la descendance de ces dernières. La fière huguenote avait t’elle rayé Françoise car celle ci était finalement devenue catholique (au contraire de ses deux sœurs, Anne et Philippe qui étaient restées protestantes) ou bien parce que Françoise avait été mêlé à l’assassinat de Bussy d’Amboise et au scandale qui en avait résulté ? Les historiens sont encore partagés pour conclure….

Le comte et la comtesse de Montsoreau devaient briller une dernière fois en recevant une nouvelle reine de France à Angers : le 19 septembre 1613, Charles de Chambes reçut à Angers la reine Marie de Médicis à la tête des représentants de la noblesse angevine ; il avait à ses côtés la toujours belle Françoise de Maridor.

Marie de Medicis à Angers

Le chroniqueur Louvet relate la rencontre :

« le seigneur de Montsoreau, fort vieux, tout blanc et chenu, âgé de 64 ans, avait les cheveux et la barbe blancs comme neige. Il était vêtu d’un pourpoint de toile d’argent à ramage, de chausses toutes couvertes de clinquants, l’épée dorée, les bottines accommodées de boutons d’or, avec un beau panache blanc et il faisait voltiger et aller son coursier à bonds et à voltes, comme un jeune homme de 25 ans ».

Sept ans après cet évènement, la dame de Montsoreau devait rendre son âme à Dieu : Françoise de Maridor mourut au château d’Avoir (commune de Longué, Maine et Loire) le 29 septembre 1620 âgée de 65 ans, et elle fut inhumée en 1620 en l’église de Souligné sous Ballon (Sarthe), commune toute proche du château de la Freslonnière qui l’avait vu naître.

Son mari, inconsolable de la perte de son épouse, devait mourir un an plus tard, le 16 juin 1621 âgé de 71 ans.

Alexandre Dumas s’empara de l’histoire du meurtre de Bussy d’Amboise : son livre « la dame de Monsoreau » (sans la lettre « t ») est un roman historique qui fait partie d’une trilogie : il fait suite à « la reine Margot » et précède le roman « les Quarante Cinq ».

Il changea le prénom de Françoise de Maridor en « Diane de Maridor » : il dépeint dans son roman le mari de Françoise comme un vieillard jaloux, et le beau Bussy est, dans cette fiction, bel et bien l’amant bien aimé de la belle dame de Montsoreau.

Suite au succès du livre, Alexandre Dumas aidé d’Auguste Maquet monta un opéra en 5 actes intitulé : «  La dame de Monsoreau » : cet opéra fut joué pour la première fois le 19 novembre 1860 au théâtre de l’Ambigu.

Il y eut aussi 4 séries télévisées sur la « dame de Monsoreau » dont une faite par la télévision russe ! La plus connue en France est celle où Diane de Montsoreau est jouée par la belle actrice Karin Petersen en 1971.

Et enfin le cinéma s’empara aussi de l’histoire et il y eut trois films muets sur le sujet (en 1909, en 1913 et en 1923).

Les lieux authentiques où vécut Françoise de Maridor n’existent plus : le château de la Coutancière (qui se trouvait à Brain sur Allonnes) a été détruit en 1826, un nouveau logis a été construit qui fait maintenant office d’hôtel restaurant ; le château de la Freslonnière (à Souligné sous Ballon dans la Sarthe) est ouvert pour l’organisation des mariages et possède des chambres d’hôtes.

De nos jours, ne reste visible aux touristes que le château de Montsoreau qui se situe au bord de la Loire et qui se visite. Le nom de « Montsoreau » est à tout jamais lié à la dame dont la beauté occasionna le meurtre le plus retentissant de la région et qui demeura impuni…..

Sources :

• « dames et bourgeoises amoureuses ou galantes du xvième siècle » de Maurice Rat
• « la vraie histoire de la dame de Montsoreau » de Jacques Levron

 

Descendance de Francoise de Maridor :

Françoise de Maridor, née vers 1555, château de La Freslonnière, Souligné-sous-Ballon (Sarthe), décédée le 29 septembre 1620, château d’Avoir, Longué (Maine et Loire), inhumée en novembre 1620, Souligné-sous-Ballon (Sarthe) (à l’âge de peut-être 65 ans), dame d’honneur de Catherine de Medicis en 1576, à 1578, et de nouveau en 1583.
Mariée le 25 novembre 1573, château de la Freslonnière, Souligné-sous-Ballon (Sarthe), avec Jean de Coësmes, baron de Lucé et de Bonnétable, né vers 1556, tué vers 25 novembre 1574, siège de Lusignan (à l’âge de peut-être 18 ans) .
Mariée le 10 janvier 1576, château de la Freslonnière, Souligné-sous-Ballon (Sarthe), avec Charles de Chambes, comte de Montsoreau (2e), seigneur de Pontchâteau, né le 28 novembre 1549, château de Chalain, décédé le 16 juin 1621 (à l’âge de 71 ans) … dont

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