Née le 28 janvier 1857 à Hiram Rapids, Portage County, Ohio, USA
Morte le 30 décembre 1882
Enterrée à Linn Grove Cemetery, Greeley, Weld County, Colorado, USA
Joséphine Meeker était une jeune institutrice de 22 ans qui vivait à l’époque du Far West. Elle était arrivée dans le Colorado en juillet 1878 ; elle devait occuper un poste d’institutrice à l’école de l’agence indienne de White River tout près de la ville de Greeley , où son père Nathan Meeker (1814-1879) venait d’être nommé agent gouvernemental des Etats Unis deux mois plus tôt, en mai 1878. Son école (ouverte aux enfants des indiens de la tribu Ute) contenait alors trois élèves. qu’on s’efforçait d’éduquer dans la culture des Blancs.
Joséphine Meeker est surtout connue pour être la première femme blanche à avoir relaté sa captivité (sans rien omettre) alors qu’elle témoignait sous serment lors de l’enquête gouvernementale. Son rapt avait été commis par des indiens de la tribu des Utes, et avait eu lieu en septembre 1879. Son père avait été massacré par les Utes et Joséphine et sa mère avaient été enlevées et détenues pendant plusieurs semaines.
Depuis l’ouverture de la Frontière vers l’Ouest la capture d’une femme blanche par un indien était la peur n° 1 de toute femme se rendant vers l’Ouest : les femmes blanches qui entreprenaient la traversée de l’Ouest à bord des chariots étaient terrifiées à l’idée de subir une attaque de la part des tribus indiennes.
Une jeune fille qui avait effectuée la traversée en 1847 et qui venait d’arriver saine et sauve en Californie avait écrit dans son journal : « la peur des Indiens nous a considérablement plus tourmentés avant le départ que durant la traversée des plaines ».
Arvilla Delight Smith Meeker, mère de Joséphine Meeker
Les femmes au cours de la longue traversée avaient appris à vivre avec la mort, la maladie, et la faim, mais l’idée même d’une capture par les mâles de tribus sauvages les terrifiaient. Les nombreux journaux intimes des femmes de la Frontière exposaient cette peur : d’autant qu’une abondante littérature sur le sujet existaient déjà.
Les premières captives blanches capturées par des Indiens et qui avaient été secourues après une brève ou longue captivité décrivaient « des horreurs et des atrocités » et s’attardaient sur la faim, les marches ardues, les dangers physiques mais s’abstenaient de parler des viols commis se contentant de parler pudiquement « d’un sort pire que la mort ».
Plusieurs jeunes femmes publièrent leurs mémoires sur leurs souffrances passées et rencontrèrent pour certaines un certain succès littéraire : « le récit » de Mary Rowlandson fut réédité six fois (elle fut enlevée en 1675) , et le livre d’Abbie Gardner (enlevée en 1857) fut réédité tout au long de sa vie. Certaines de ces captives revinrent traumatisées et mutilées à vie comme Matilda Lockhart, capturée par les Comanches en 1840 : « sa tête, ses bras et son visage étaient pleins de meurtrissures et de plaies et il ne restait rien de son nez, brûlé jusqu’à l’os ».
Il valait mieux pour une captive blanche d’être la maitresse d’un seul Indien plutôt que de servir de prostituée à toute la tribu. Toute femme blanche mariée devant traverser un territoire indien savait pertinemment ce qui risquait de lui arriver en cas de capture par une tribu indienne. Il est plus plausible de croire qu’une jeune fille demeurait cependant inconsciente du sort qui pouvait l’attendre.
Une fois récupérées par les militaires (qui souvent lançaient des raids sur les camps indiens pour secourir les captives), les femmes blanches se taisaient sur les viols qu’elles avaient subi même si les militaires savaient qu’elles étaient passées « par la prairie », terme pudique pour indiquer qu’elles avaient été violées successivement par tous les indiens présents lors de leur capture.
Nathan Meeker, père de Josephine
Les survivantes jetaient un voile pudique et parlaient de « violence » et « d’outrage ». Le plus tragique c’est que les femmes secourues avaient bien souvent contracté une maladie vénérienne transmise par les Indiens, eux mêmes contaminés par leurs squaws lorsque ces dernières avaient été violentées par les Blancs.
Le colonel de l’armée américaine Meline qui avait participé à de nombreux sauvetages ne comprenait pas que les femmes secourues refusent de parler de leur viol : « chaque fois que de pauvres créatures capturées et outragées étaient libérées par l’Armée, elles niaient invariablement avoir subi quoi que ce soit outre la brutalité et les privations : on n’en connaît pratiquement pas qui aient admis autre chose ».
Il est vrai que ces femmes devaient ensuite retrouver leur famille (des maris, des frères et des pères qui les attendaient, voire des fiancés) et elles ne pouvaient pas parler du sort qu’elles avaient subi sans rencontrer dans les yeux de leurs proches retrouvées la pitié, voire le dégoût et le rejet. Comment une femme blanche pouvait elle espérer rencontrer un époux après avoir subi un tel sort ? Souillée à jamais, elle ne pouvait que se taire et tenter de faire croire que rien ne s’était passé.
Ce n’est qu’en 1879 (soit 14 ans après la fin de la Guerre de Sécession) que ce voile de pudeur allait se lever grâce au témoignage courageux (et sous serment) de Joséphine Meeker. A cette époque, il y avait déjà longtemps que les tribus indiennes avaient été soumises et parquées dans des réserves gouvernementales. La paix régnait entre les Blancs et les Indiens, et toute violation de cette paix devait faire l’objet d’une enquête et de témoignages sous la foi du serment ainsi que de comptes rendus sténographiques.
Josephine Meeker (à l’âge de 18 ans)
Ce qu’à vécu Joséphine Meeker fit donc l’objet de rapports complets et détaillés. Le père de Joséphine, Nathan Meeker, était né dans l’Ohio et avait débuté sa carrière en tant qu’instituteur à Cleveland et à Philadelphie.
Il avait épousé Arvilla Delight Smith le 8 avril 1844 : la jeune fille (d’un an sa cadette) était affiliée à l’Église des Disciples du Christ, et le couple s’était installé dans la colonie de l’Église à Trumbull Phalanx, dans l’Ohio, où Arvilla gardait des jeunes enfants, et où Nathan était devenu instituteur mais aussi le bibliothécaire de la petite ville.
En 1845, un premier fils était né : Ralph Lovejoy, suivi d’un autre fils George Colombus en 1847. Mais la colonie de Trumbull Phalanx fit faillite cette année là, et le couple Meeker partit vivre à Cleveland où Nathan ouvrit un commerce avec ses frères. En 1849 un troisième enfant, une fille nommée Rozene naquit à Cleveland ; malheureusement, le père fit de nouveau faillite avec son magasin en 1850.
En 1854, le couple déménagea à Hiram, et un autre enfant, une fille nommée Mary naquit cette année là. A Hiram, le couple Meeker ouvrit un nouveau magasin, et en 1857 naquit une autre fille, Josephine, héroine de cette histoire. A nouveau, le magasin fit faillite et la famille déménagea à Dongola dans l’Illinois, où Nathan rouvrit un magasin de vivres. Pour faire vivre sa famille, Nathan s’était mis aussi à l’écriture, et avait publié des articles dans le « Cleveland Plaindealer » ; il fut même l’auteur d’un roman « the adventures of Captain Armstrong » qui fut est publié en 1856.
Pendant la Guerre de Secession (1860-1865), Nathan devint correspondant de guerre puis, à la fin de la guerre, il se spécialisa dans des articles sur l’agriculture, sa nouvelle passion. Dans le cadre d’une de ses recherches, il se rendit pour la première fois dans l’Ouest, dans les Montagnes Rocheuses afin de rédiger un reportage sur les Mormons, et il se sentit violemment attiré par le climat et les paysages du Colorado ; et au retour de ce voyage, il entrepris d’y faire vivre sa famille. Bien que les terres appartenaient aux Indiens (et notamment à la tribu indiennes des Utes), Nathan Meeker décida de s’installer et de créer une colonie agricole.
En 1870, la colonie prit naissance et ce fut la création de la ville de Greeley ; une souscription fut lancée pour trouver des colons volontaires (Nathan Meeker reçut 3 000 candidatures et n’en retint que 700 qu’il sélectionna grâce à des critères de moralité et de religion).
Avec l’argent des colons, Nathan acheta des terres aux indiens qui possédaient le territoire (à peu près 8 km 2 autour de la ville de Greeley). Les premiers colons arrivèrent et entamèrent des travaux d’agriculture sur leur terres en multipliant les techniques de l’irrigation.
Nathan fit venir sa famille, et Joséphine arriva à Greeley à l’âge de 13 ans en 1870. Quelques semaines après leur arrivée, le frère de Josephine, Georges, mourut de phtisie. Malgré cette tragédie, Joséphine eut une enfance heureuse et elle se comporta comme un garçon manqué. Elle monta à cheval comme un homme et ses parents la laissèrent libre comme l’air, mais son père ne négligea pas son éducation : il souhaitait que sa fille devienne institutrice, c’est pourquoi il l’envoya rapidement faire ses études dans l’Ohio pour compléter son éducation. Dans l’esprit de Joséphine, à l’issue de son diplôme, elle reviendrait à Greeley pour devenir institutrice, et elle ouvrira une école pour enseigner aux enfants indiens de la tribu des Utes les us et coutumes des Blancs.
Joséphine Meeker revint en tant que maîtresse d’école en juilllet 1878 : on la décrit alors comme « une jeune fille intelligente, grande, mince avec des yeux bleus et des cheveux blonds foncés qui lui tombaient jusqu’aux épaules ». Elle reçut un salaire du gouvernement d’un montant de 750 $ à l’année et ce grâce à son père qui venait d’être nommé agent du gouvernement.
En 1878, le gouverneur du Colorado (Henry M Teller) nomma Nathan Meeker comme agent aux affaires indiennes pour l’Agence indienne de la réserve des Utes à quelques kilomètres de Greeley. Or Nathan n’avait aucune expérience pour s’occuper des Indiens qui résidaient dans le territoire du Colorado. Il était profondément religieux et il était persuadé qu’il pourrait imposer ses réformes agricoles aux indiens Utes. Or, les Utes étaient une tribu de chasseurs nomades qui vivaient en accord avec les déplacements des troupeaux de bisons par rapport aux saisons. Ce n’étaient pas des fermiers, mais des chasseurs. Très vite, les Utes furent exaspérés par les méthodes de Nathan Meeker qui voulait les transformer de force en fermiers.
Nathan Meeker souhaitait que les Indiens abandonnent leur vie de nomade et qu’ils intègrent docilement un nouveau mode de vie en tant que fermiers tout en tenant compte de ses conseils en matière d’agriculture. Or, dès les premiers jours, il se heurta à un refus des Utes de se plier à ses exigences. Les Indiens ne se convertirent pas plus à la religion préconisée par Nathan Meeker.
Pour les contraindre, Nathan Meeker décida de s’en prendre alors à la plus grande richesse des Utes : leur troupeau de chevaux. Ces derniers occupaient trop de pâturages, et donc trop de terres qui pouvaient être reconvertis en champs fertiles. IL fallait donc que les Utes abattent un certain nombre de chevaux de façon à libérer les pâturages, et pour donner plus de poids à sa décision, Nathan Meeker décida de transformer plusieurs champs de pâturage en terres labourables contre l’avis des chefs de tribus Utes. De plus, il décida que les rations de nourriture délivrées par le gouvernement ne seraient distribuées qu’une fois par semaine en présence des hommes de la tribu : cette disposition empêchait les Utes de s’éloigner de plusieurs kilomètres et ils ne pouvaient donc pas partir en chasse.
Cette dernière décision mit le feu aux poudres : le 10 septembre 1879, un chef Ute nommé Johnson pénétra dans la maison de Nathan Meeker à l’Agence indienne de la White River, et il eut une violente altercation avec lui qui se termina par une bousculade, où Nathan Meeker se retrouva devant chez lui face contre terre.
Alarmé, et sur les conseils de son épouse et des autres Blancs présents sur place, Nathan Meeker envoya un messager télégraphique à Rawlins dans le Wyoming et réclama une aide de l’Armée pour assurer la sécurité à l’Agence qui s’appelait la White River Ute Agency,
Le 21 septembre, le major Thornburg accompagné d’une troupe de 200 soldats, 33 wagons chargés de provisions et 220 mules partit de Fort Steele dans le Wyoming pour apaiser les troubles à Greeley. A l’agence de la White River tout paraissait être rentré dans l’ordre, et au matin du 29 septembre tout était calme. A midi, Joséphine Meeker qui faisait la vaisselle avec sa mère dans la cuisine de la maison familiale entendit les premiers coups de fusil. Son père s’était absenté, et un des employés de la laiterie vint les chercher pour les emmener dans la laiterie qui pouvait se barricader. Les fenêtres de la laiterie furent bouchées par les bidons de lait. De midi à 17 heures, les coups de fusils retentirent sporadiquement à l’extérieur, les femmes enfermées dans la laiterie (Joséphine et sa mère avaient été rejointes par quelques femmes de colons) étaient mortes de peur.
Peu après 17 h 00, Joséphine Meeker se rendit compte que la laiterie prenait feu. Joséphine et sa mère s’enfuirent le long de la laiterie pour gagner le champ d’herbes à l’arrière ; en se retournant elles constatèrent que les indiens étaient en train de piller leur résidence, qui était aussi la proie des flammes. Les indiens emportaient des couvertures, de la vaisselle, et tout un tas de bric a brac.
Malheureusement, les femmes furent aperçues dans leur fuite et les indiens se mirent à leur tirer dessus. La mère de Joséphine fut touchée par une balle à la cuisse, et la jeune fille ralentit sa course pour l’aider. Ce faisant, elle se fit rattraper par un indien Ute du nom de Persune qui lui cria : « viens vers moi, moi pas tirer sur toi ».
Une délégation de chefs de la tribu des Utes avec en haut à droite Charles Adams
La jeune fille ne put que lui obéir, elle dut lacher sa mère qui fut encerclée par d’autres indiens. Persune l’emmena au bord de la rivière et la fit asseoir sur un tas de couvertures qu’il venait de voler. Il arrima les couvertures sur une mule qui appartenait au gouvernement et ordonna à Joséphine de ne pas bouger. Un des indiens de la tribu Ute, un dénommé Douglas eut une altercation avec Persune au sujet de la jeune femme, mais Persune refusa de se séparer de la jeune fille, et c’est jugée sur un autre mule que la jeune fille suivit son ravisseur. Pendant trois semaines, elle ne devait plus avoir de nouvelles de sa mère et de son père.
Parallèlement à l’attaque sur la colonie de Nathan Meeker les Utes tendirent une embuscade au détachement de l’armée qui venait secourir la colonie. : les Utes tuèrent treize soldats à Milk Creek (cependant l’un des soldats parviendra à donner l’alerte en s’échappant et la troupe des survivants sera secourue après huit jours d’escarmouches protégés par les wagons renversés et les cadavres d’animaux morts).
Le major Thornburgh trouva lui aussi la mort. Finalement la troupe de soldats sera secourue le 8 octobre (par le 5ème de Cavalerie) : ils n’avaient eu aucune possibilité de s’enfuir, les Utes ayant tué toutes les mules et tous les chevaux du détachement. Dès lors, on tenta de retrouver les femmes blanches qui avaient été enlevées. Joséphine Meeker fut emmenée dès le premier soir dans un camp des Utes dans la montagne où les indiens avaient déjà établis leur camp de chasse : les épouses des indiens se trouvaient présentes dans ce camp.
Dès son arrivée au camp, Josephine fut emmenée dans la tente de Persune où se trouvaient les autres femmes de Persune. A la tombée de la nuit, Persune viola la jeune femme alors même que ses femmes indiennes partageaient la tente.
Le massacre de l’agence de White River (avec en bas à droite la tombe de Nathan Meeker)
A compter de cette nuit, Persune la considéra comme l’une de ses femmes, et il refusa de la livrer aux autres membres de la tribu. Les jours suivants, Persune demandera à ses femmes indiennes de convertir Joséphine à leurs coutumes. Pendant les longues journées sous la tente de l’indien, Joséphine passera les journées à faire une robe à partir d’une couverture donnée par les femmes de Persune. Elle n’avait aucune nouvelle de sa mère (qui était âgée de 64 ans et qui avait reçu une balle à la cuisse) ni de ses compagnes d’infortune. Il ignorait aussi le sort de son père et des autres hommes de l’Agence.
Ce n’est que le 21 octobre que Joséphine Meeker fut libérée après 23 jours de captivité : le général Charles Adams, un général de la milice du Colorado, qui était ami d’un chef Ute dénommé Chief Ouray (chef qui n’avait pas participé au massacre de Meeker) réussit à retrouver les femmes blanches enlevées et dispersées dans la montagne.
Accompagné par le chef Ute et de seulement deux soldats, Charles Adams était parvenu au camp des Utes dans la montagne vers dix heures du matin, et avait demandé à voir les captives. Trois des prisonnières étaient bien là, réparties dans trois endroits différents. Son arrivée ayant provoqué un bruit inhabituel, Joséphine Meeker avait pu se glisser hors de la tente au moment où le général passait. Lorsqu’il vit Joséphine, il s’avança vers elle et lui prit la main, Il lui demanda gravement de venir avec lui si tel était son souhait. La jeune fille accepta avec reconnaissance sa proposition, et elle put suivre le général en dehors du camp.
Prévenu par l’arrivée du général blanc, Persune s’était précipité sur Joséphine et lui avait demandé de rester près de lui ; il s’engageait à ne pas la contraindre à faire des taches domestiques pour lui (qu’il laisserait à ses autres femmes) ; il s’engageait aussi à lui laisser toutes ses possessions si elle restait avec lui. Lorsqu’elle le rejeta froidement, il fondit en larmes.
Joséphine Meeker put retrouver sa mère lorsqu’elles furent toutes regroupées avant d’être expédiées à Denver où une femme médecin, le Dr Avery devait les examiner. Sa mère lui apprit alors que son père était mort, elle avait revu le pantalon de son mari et ses chaussures sur un indien Ute le lendemain de l’attaque. Sa mère avait elle aussi été violée le soir de l’enlèvement, mais contrairement à Joséphine, elle avait du subir en même temps que les autres captives un viol collectif avec un canon de fusil positionné sur sa tête, et ce malgré sa blessures par balle à la cuisse.
Joséphine Meeker portant la robe qu’elle cousu lors de sa captivité
Le 4 novembre, le général Adams ouvrit une enquête sur le massacre de l’Agence de White River et l’enlèvement des femmes blanches. Il demanda à entendre le récit de Joséphine afin de châtier les indiens coupables, et de ne pas poursuivre ceux qui n’avaient pas participé à ce massacre.
Après avoir prêté serment, Joséphine Meeker relata les jours de captivité.
Extrait du questionnaire :
Joséphine : naturellement nous avons été outragées un certain nombre de fois : nous nous attendions à l’être.
Adams : qu’entendez vous par « outragées » ? en quoi consistait l’outrage ?
J : un traitement infamant la nuit.
A : dois je comprendre qu’on vous outrageait plusieurs fois par nuit.
J : oui, sir.
A : est ce qu’il menaçait de vous tuer si vous ne vous soumettiez pas ?
J : il ne m’a pas menacée de mort. Personne ne m’a menacée sauf une fois : je lui avait demandé si il voulait me tuer. Il m’a répondu « oui », je lui ai dit alors « lève toi et tire sur moi, et fiche moi la paix ». Il s’est détourné et n’a plus rien dit cette nuit là.
A : la chose était elle constante ?
J : non pas tout le temps. Il s’est absenté deux fois en tout une semaine.
A : c’est lui qui l’a fait le premier ?
J : oui, sir .
A : combien de temps après la capture ?
J : la nuit même, le lundi. Naturellement, ils étaient saouls, et nous n’avons pas osé leur résister. Je l’ai souvent repoussé ; j’ai résisté et opposé une difficulté.
A : cela se passait il alors que ses propres squaws étaient sous la tente ?
J : oui, sir.
A : et elles savaient ?
J : oui, sir .
A : d’autres vous ont ils fait subir le même traitement ?
J non, sir, pas du tout. Pas à moi. IL m’avait prise comme squaw, et bien, sur les autres n’ont pas osé s’approcher.
La mère de Joséphine (âgée de 64 ans) donna aussi sa version des faits : « le premier soir, ils nous firent descendre des montures et nous allonger sur le sol, et cette fois ils pointèrent un fusil à la tête de mon amie Josie …Ils me mirent aussi en joue mais j’étais si fatiguée que je me suis simplement allongée en essayant de penser à autre chose »
La mère de Joséphine confessa avoir eut peur d’une seule chose : qu’un de ses violeurs lui ait transmis une maladie vénérienne.
L’enlèvement de la mère de Joséphine Meeker
En fin de compte tous les colons blancs qui se trouvaient à l’Agence ce jour là furent tués ; on retrouva le corps de Nathan Meeker mutilé une corde autour du cou, un pieu enfoncé dans la gorge. En plus de Nathan Meeker, dix employés de l’Agence indienne avaient trouvé la mort. L’enquête gouvernementale conclut que la révolte avait été à l’initiative d’une poignée de jeunes guerriers Utes excités et sous l’emprise de l’alcool. Beaucoup se sauvèrent dans les contrées sauvages du Colorado.
Il y eut une enquête qui démontra que les Utes avaient été victime d’un acharnement des Blancs à réduire leurs terres. Mais le massacre de l’Agence provoqua une telle colère parmi les Blancs du Colorado que le gouvernement décida de déplacer la tribu des Utes.
En 1880, le ministre de l’intérieur, Charles Schurz édicta un traité où les Utes étaient forcés de quitter le Colorado pour s’installer dans l’Utah dans une réserve indienne bien plus petite que celle qu’ils détenaient dans le Colorado. Les Utes protestèrent, et l’armée dut intervenir pour faire bouger la tribu. La tribu Ute du sud et la tribu des Utes de montagnes qui n’avaient pas participé au massacre de l’Agence et du détachement de cavalerie purent rester. De nouveaux colons blancs vinrent s’installer sur les anciennes terres des Utes, et le territoire devint la ville de Grand Junction.
Quant à Joséphine Meeker, le récit du rapt et du viol d’une femme blanche déclencha une telle publicité malsaine que Joséphine se sentit contrainte de quitter le Colorado. Elle partit travailler à Washington et grâce à son frère Ralph qui y vivait en tant que journaliste au « The New York Herald », elle put trouver un emploi de copiste au Secrétariat des Affaires Indiennes. Le sénateur du Colorado, Henry Moore Teller vint la voir ému par son histoire, et lui proposa de devenir sa secrétaire. Elle accepta et participa à de nombreuses réunions où elle fit part de son expérience avec les Utes.
Elle écrivit un livre en collaboration avec son frère (livre qui évite soigneusement le sujet des viols) et qui fait d’elle une jeune fille forte et courageuse qui résista courageusement à la captivité que les indiens lui imposèrent ; ce livre s’intitule : « The Ute Massacre! Brave Miss Meeker’s Captivity! « .
Elle obtint pour dédommagement de ses souffrances une pension gouvernementale de 600 $ à l’année. Mais au fil des mois la santé de Joséphine se dégrada rapidement. Elle ne s’était jamais remise de ses semaines de captivité : une toux persistante s’installa. Son violeur lui avait il transmis une maladie vénérienne qui aurait attaqué son organisme ? Personne ne l’a précisé.
Sa mort fit l’objet d’un article dans le journal de Washington qui parle d’une mort inattendue pour une personne si jeune. Lorsque la mère de Joséphine, Mme Meeker, devenue infirme à l’âge de 87 ans demanda une aide financière au Congrès américain en juin 1900, ce dernier lui accorda la somme de 9 012 $ (montant cumulé par la rente de sa fille) qui aurait du être attribuée à Joséphine si cette dernière n’était pas morte à 25 ans des « suites des conséquences des outrages et des difficultés subies durant sa captivité »
Elle mourut officiellement d’une pneumonie le 30 décembre 1882 a l’âge de 25 ans. Il est vrai que son frère George était mort à Evans le 8 avril 1870 à 22 ans de phtisie. Elle fut enterrée à Greeley dans le Colorado près de son père et de son frère ainé George.
Elle ne s’était jamais mariée.
Il existe un petit musée à Greeley qui conserve quelques objets ayant appartenu à Joséphine Meeker : la robe qu’elle cousu à partir d’une couverture lors de sa captivité, sa machine à écrire (qu’elle utilisait en tant que secrétaire de sénateur)…
Le champ de bataille de Milk Creek
Sa mère Arvilla Meeker qui ne devait décéder qu’en 1905 à l’age de 90 ans mit cette épitaphe sur sa tombe :
« à ma brave fille qui avec moi échappa à une mort affreuse
alors qu’elle était captive de mains ayant massacré son noble père
un ennemi plus perfide a alors dérobé le souffle de ma fille
et je reste seule ici pour regarder les sables du temps défiler »
La tragédie vécut par Joséphine Meeker ne tombe pas dans l’oubli : chaque année, la ville de Greeley fête le 29 septembre date du massacre par les Utes de l’Agence Indienne de White River (onze morts Blancs avec Nathan Meeker) et le massacre du détachement de soldats de la cavalerie (13 Blancs) qui trouvèrent la mort à Milk Creek Battle (37 Utes perdirent la vie lors de l’assaut).
On raconte aussi que le Ute nommé Persune apprit la mort de Joséphine Meeker et que sa tribu le vit prendre le deuil de sa squaw blanche.
Sources :
*« Ces dames de l’Ouest » de Dee Brown
*Wikipedia