Thomas Picton, lieutenant général (1758-1815)

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lieutenant général né au pays de Galles
gouverneur de l’ile de Trinidad (1797-1802)
l’officier britannique le plus âgé mort sur le champ de bataille de Waterloo

thomaspicton1Portrait par sir Martin Archer Shee

Né à Haverfordwest, Pembrokeshire (pays de Galles) le 24 août 1758
mort sur le champ de bataille de Waterloo, Belgique le 18 juin 1815
enterré dans le caveau familial de St George, Hanover Square, London

Thomas Picton naquit au pays de Galles, le 7ème enfant sur douze qui naîtront du mariage de ses parents Thomas Picton et Cecil Powell. Il naquit le 24 août 1758 à Haverfordwest, (au lieu de Poyston la demeure familiale) alors que sa mère rendait visite à des amis. Il grandit au milieu d’une famille très unie, au milieu de sept sœurs et de trois frères. Ses parents s’étaient mariés par amour, la légende familiale veut que Thomas Picton ait épousé Cecil Powell dans une cave au creux de la falaise qui ne pouvait être accessible qu’à marée basse.

thomaspictonPortrait de sir Martin Archer Shee

Très tôt il voulut embrasser la carrière militaire. Ses parents l’expédièrent à l’académie militaire de Chelsea à Londres, école qui était dirigée par un français, Louis de Lachée. Là, il apprit les mathématiques, le dessin militaire et l’art des fortifications. Il apprit aussi à nager et à se tenir à cheval. Il apprit aussi à parler le français.

Quoi qu’il en soit, la famille semble avoir été assez aisée, puisque le jeune Thomas après avoir été enseigne dans le 12ème régiment d’infanterie à Gibraltar en 1773 (à l’âge de 15 ans) put s’acheter à l’âge de 20 ans le grade de capitaine dans le 75ème régiment d’infanterie. En poste à Gibraltar, il en avait profité pour apprendre l’espagnol, et lorsque le 75ème régiment fut envoyé en Amérique, il continua à entretenir sa formation militaire.

Rocher_GibraltarGibraltar (Espagne)

Hélas son régiment ne fut jamais engagé dans aucun action militaire en Amérique, et en 1783, Thomas Picton vit sa paye réduite de moitié lorsque la paix arriva, et que les hostilités entre anglais et américains cessèrent. A cet âge là, il avait déjà la réputation d’avoir un tempérament entier qui allait bientôt se teinter de brutalité. Marqué par la vie militaire, il appliquera une discipline de fer vis à vis de ses hommes ; il préférait que ses hommes le respectent et le haïssent mais surtout qu’ils le craignent.

En dehors de sa discipline intransigeante, Thomas Picton fut reconnu comme un homme entier et courageux au combat. Lorsque le 75ème régiment fut dissout en 1783, il réprima une mutinerie des soldats du régiment à Boston, en montrant une attitude courageuse au péril de sa propre vie. En récompense de sa bravoure, il reçut le grade de major, mais privé de régiment se retira dans sa famille à Poyston, retraite qui devait durer dix ans pendant laquelle son caractère ne s’améliora pas.

PembrokeSpeedmap_000Pembroke (pays de Galles)

Sa résidence se trouvait à Pembroke, où il employa son temps à chasser, à lire les classiques et à perfectionner son amour de l’équitation. Il rédigera plusieurs requêtes aux Horse Guards pour reprendre du service actif, mais sans réponse positive, et ce jusqu’à en 1793 où la guerre avec la France devait le rappeler à la vie militaire.

Il était temps car il était devenue irascible, amateur de duels au moindre prétexte futile. Il passait son temps à boire et à débaucher les jeunes femmes des environs. L’un de ses voisin du pays de Galles, sir John Vaughn, avait été nommé commandeur en chef des Indes Occidentales, et Thomas Picton sauta sur l’occasion pour s’assurer un passage sur un navire à destination des Caraibes.

$$$-SHEE A473/10T 300dpi/A3-0Thomas Picton (portrait par sir Martin Shee) en 1771

Arrivé sur l’île de la Martinique, il fut reçu cordialement par John Vaughn qui le prit pour aide de camp, poste qu’il occupera jusqu’à la mort brutale de John Vaughn en août 1795, mort des suites d’une fièvre fatale. Le nouveau commandant en chef, sir Ralph Abercromby (un écossais) rencontrera Thomas Picton lors de sa descente de bateau en mars 1796 à la Barbade. Le gallois et l’écossais se plurent immédiatement Abercromby fit aussitôt de Picton son aide de camp.

Thomas Picton participera à la capture de l’île de Ste Lucie en avril 1796 puis à celle de l’île de Saint Vincent le 10 juin. Après la bataille, Abercromby et son aide de camp retournèrent en Angleterre passer l’hiver sur leurs terres, mais ils étaient de retour dans les Caraibes en janvier 1797. En effet, l’Espagne avait rejoint la France dans la guerre contre l’Angleterre et l’île de Trinidad devint l’objectif d’Abercromby et de Picton.

Le 17 février 1797, les navires anglais encerclaient les forces espagnoles de l’île de Trinidad. Les espagnols capitulèrent et l’île de Trinidad devint anglaise. Abercromby offrit le poste de gouverneur de l’île de Trinidad à Thomas Picton, qui était le seul capable à ses yeux de diriger cette île, d’autant que Picton parlait l’espagnol et le français.

800px-Sir_Ralph_Abercromby_by_John_Hoppnersir Ralph Abercromby, commandant en chef des Indes Occidentales par John Hoppner

L’île était alors en pleine anarchie : c’était le refuge des déserteurs (français et espagnols), des criminels, des royalistes français en fuite de la Révolution, et des esclaves fugitifs. Abercromby demandera à Picton d’appliquer la loi espagnole sur l’île.

Thomas Picton pour assurer l’ordre mit sur pied une armée insulaire digne de confiance : il fit appel à des miliciens locaux comprenant essentiellement des propriétaires de plantation de l’île de Trinidad. L’île fut bientôt menée d’une main de fer par le gouverneur Picton qui appliquait une loi rude, que ce soit vis à vis des militaires ou des civils de l’île.

En 1799, les premiers bénéfices de sa discipline de fer vit le jour : les plantations de canne à sucre demandaient de plus en plus d’esclaves amenés d’Afrique et dont le prix d’achat s’envola. La population des esclaves de l’île de Trinidad s’éleva à 10 000 individus. En 1801, la population de ‘l’île de la Trinidad étaient de 29 254 individus.

Ramassage de la canne a sucreEsclaves dans une plantation de canne à sucre

Sous le gouvernement de Picton, l’exportation de la canne à sucre passa de 8 millions en 1799 à 14 millions. L’île exportait aussi du rhume, du café et du cacao. Le gouverneur Picton avait réussi à maintenir une discipline de fer sur l’île de la Trinidad en appliquant les vieilles lois espagnoles particulièrement brutales : lorsqu’un esclave avait été surpris à voler du sucre, on lui coupait le nez, s’il récidivait, on lui coupait une oreille…

Dans sa vie privée, il avait réussit à s’enrichir en spéculant sur les terres de l’île (principalement des plantations de cannes à sucre) et sur le marché juteux des esclaves. Pour vaincre sa solitude, il prendra comme maîtresse une jeune mulâtresse d’origine créole, Rosette Smith qui quittera son mari pour vivre avec lui : elle lui donnera quatre enfants.

Td-mapIle de Trinidad

Mais la brutalité de Thomas Picton finit par franchir l’océan et parvint jusqu’aux oreilles de l’administration britannique et surtout des abolitionnistes anglais qui virent d’un mauvais œil les rapports relatant le comportement du gouverneur.

Le 14 juin 1803, il reçut l’ordre de rentrer en Angleterre et il fut arrêté en décembre sur ordre du Conseil Privé. On lui reprochait d’avoir puni de manière brutale les esclaves avec une sévérité hors de proportion avec les actes reprochés, il fut accusé d’avoir pratiqué la torture, d’avoir emprisonné à tort des esclaves, et de les avoir exécuté sans jugement. La loi espagnole autorisait la mutilation des esclaves : nez coupés et oreilles tranchés .

Mais on lui reprochait surtout un acte de torture bien spécifique sur Louisa Calderon, une jeune mulâtresse de Trinidad âgée seulement de treize ans, refusant d’avouer son crime (elle avait dérobé 2 000 dollars à l’homme avec qui elle vivait avec l’aide de son complice). Refusant d’avouer, elle avait été soumise au supplice du « picketing », supplice qui avait eu lieu avant même son jugement devant un tribunal.

Luisa_calderónLe supplice de Louisa Calderon le “picketing”

La jeune fille avait été ligotée (une de ses chevilles liée à l’un de ses poignets) et suspendue au plafond pendant plusieurs heures : seul un de ses pieds reposait alors sur un pieu aiguisé supportant tout son corps. Le supplice avait duré 55 minutes le premier jour, et 25 minutes le surlendemain. Elle avait fini par avouer.

La presse anglaise se déchaîna contre Thomas Picton, contre sa brutalité, et nombre de dessins représentant la jeune mulâtresse, ligotée et torturée furent répandus dans la presse de l’époque. La jeune fille y était représentée à demi nue et enchaînée.

Lors du premier jugement, Thomas Picton fut déclaré coupable alors même que ses avocats arguaient que l’acte de torture relevait des lois espagnoles de répression toujours en vigueur sur l’île. Les juges avaient fait venir la jeune mulâtresse à Londres qui provoqua une vague d’horreur et de sympathie lorsque le public prit conscience de la jeunesse de la jeune fille qui, de plus, bien que mulâtresse, possédait une peau très claire. Lors du procès en appel en 1808 les juges maintinrent leur position. Cependant, la caution de Thomas Picton fut payée par ses amis (notamment des propriétaires d’esclaves) et il put retrouver sa liberté.

254364Une mulâtresse

Si l’opinion publique s’était déchaînée contre lui, ses supérieurs, eux se contentèrent de le nommer major général, et en 1809, Thomas Picton accepta le poste de gouverneur de Flushing aux Pays Bas pour fuit l’ambiance malsaine de l’Angleterre à son égard.

Arrivé aux Pays Bas, il écrira à l’un de ses amis que les femmes de Flushing étaient d’une rare laideur … « j’espère encore pouvoir contempler une beauté locale, mais en vain depuis mon arrivée, et je peux vous assurer, mon ami, que j’ai préservé ma chasteté intacte »….

Aux Pays Bas les troupes anglaises succombèrent à ce qu’on appela la fièvre de Walcheren. Thomas Picton partit prendre les eaux à Cheltenham puis à Bath. Le résultat fut que Picton ressentit une grande fragilité de ses pupilles vis à vis du soleil, et il se mit à porter des chapeaux à large bords, employant même une ombrelle contre le soleil. Il est vraisemblable qu’il avait attrapé les premiers symptômes de la malaria encore inconnues à l’époque.

133214Arthur Wellesley duc de Wellington

Il aurait pu demeurer dans l’anonymat mais sa réputation de bravoure le précédait toujours dans les plus hautes instances de l’armée britannique, et ce malgré le procès Calderon. C’est ainsi qu’en 1810 le général Wellington lui donnera le commandement d’une division en Espagne sur la chaude recommandation du général Miranda qui lui avait signalé que Thomas Picton était non seulement brave, mais aussi exceptionnellement intelligent. Lorsque Wellington rencontra Picton il le décrira ainsi : «  c‘est un diable au langage vulgaire comme j’en ai rarement rencontré, mais il est d’un courage remarquable, il a rempli à la perfection les engagements que je lui ai assigné sans faire preuve d’une quelconque ambition personnelle malvenue ».

Pendant toute la guerre d’Espagne, Thomas Picton fut l’un des aides de camp préféré de Wellington. Il suivra les directions de Wellington à la lettre, et à Busaco, il repoussera efficacement les troupes de Napoléon. Son régiment (la 3ème division de combat) se distinguera à la bataille de Fuentes de Onoro qui lui vaudra de gagner le grade de lieutenant général en septembre 1811.

Bataille do Buçaco, gravure de C. TurnerBataille de Busaco (1810)

Un mois plus tard, il obtiendra le titre de colonel du 77ème régiment d’Infanterie. Il reçut une grave blessure lors de la prise de Badajoz qui provoquèrent chez lui une fièvre ardente. Les médecins l’expédièrent au repos en Angleterre.

En avril 1813, il avait suffisamment récupéré pour recevoir du prince George la médaille de chevalier de l’ordre du Bain. Il en profita pour retourner combattre en Espagne : à la bataille de Vitoria, il perdit 1 800 hommes sous le bombardement de l’ennemi mais il maintint sa position gagnant encore un peu plus la réputation d’un homme à l’action décisive.

thomaspicton2Thomas Picton (portrait par sir Martin Shee) en 1815

De retour en Angleterre, il reçut le remerciement de la Chambre des Communes pour ses actions sur le champ de bataille et ce, pour la septième fois.

A son grand regret, il ne fit pas partie des officiers élevés au rang de pairs du royaume. C’est l’évasion de Napoléon de l’île d’Elbe qui propulsa de nouveau Thomas Picton au premier rang. Wellington lui offrit un haut commandement dans l’armée anglo-hollandaise qu’il accepta. Il reçut le 16 juin une blessure mortelle lors de la bataille de Quatre Bras, mais dissimula la gravité de sa blessure pour continuer à détenir le commandement de ses troupes.

4_000865Bataille de Vitoria (juin 1813)

Deux jours plus tard, les troupes anglaises se regroupaient à Waterloo. Thomas Picton reçut le commandement de la 5ème division d’infanterie.

En début d’après midi, il prendra la tête de ses hommes pour se lancer à la charge d’une colonne française. C’est en repoussant les français à la force de sa baïonnette qu’il reçut une balle de mousquet qui lui perfora la tempe. La légende veut que n’ayant pas reçu à temps ses bagages militaires (et son uniforme), Thomas Picton avait revêtu un vêtement civil et un chapeau haut de forme avant de monter à cheval et de charger l’ennemi.

death-of-sir-thomas-picton-400Mort de Thomas Picton à Waterloo

Son corps fut ramené à Londres et enterré dans la chapelle familiale à St George, à Hanover Square. Un monument sera élevé à sa gloire dans la cathédrale St Paul à Londres et un autre à Carmarthen (au Pays de Galles) que l’on appelle le Monument Picton.

Ses contemporains le décrivaient ainsi : «  grand et bien proportionné, de taille athlétique, sa taille était de 1,85 m et ses traits étaient réguliers. L’expression naturelle de son visage était l’austérité et la dignité : ses yeux étaient brillants et expressifs, sa voix forte et sa manière de s’exprimer rapide et animée, »

thomaspicton4Thomas Picton (portrait par sir Martin Shee)

Il ne s’était jamais marié. De sa maîtresse mulâtre, Rosette Smith, (d’origine créole) il eut quatre enfants : il les nommera dans son testament rédigé neuf jours avant sa mort et leur léguera 1 000 livres à chacun.

Curieusement, il nommera trois de ses enfants : Thomas Rose, Augusta Rose et Richard Rose mais mettra un « blanc » sur le prénom du quatrième qui s’appelait Frédéric laissant supposer qu’il ne se rappelait plus le nom de cet enfant.

Sa maîtresse, Rosette Smith,  mourra sur l’île de Trinidad,  où elle détenait en 1815 plus de trente esclaves sur sa propriété. Ses concitoyens gallois se cotisèrent pour lui élever un superbe monument à Carmarthen (qui existe toujours) et George IV participa aux fonds réunis pour l’élévation de ce monument.

Picton-Original-MonumentLe monument Picton à Carmarthen (pays de Galles)

Récemment, une polémique s’éleva pour retirer le portrait de Thomas Picton (celui où il détient un sabre dans sa main) qui tronait dans la salle du tribunal de Carmarthen, en arguant que sa réputation d’esclavagiste ne pouvait s’aligner avec un lieu où la loi se faisait respecter…

Aux dernières nouvelles, le portrait trône toujours dans le tribunal et le musée de Carmarthen (propriétaire du portrait) a souligné qu’il ne fallait pas juger Thomas Picton sur les règles de vie actuelles, et qu’il restait (de par sa carrière militaire) un militaire de valeur mort dignement au combat à la bataille de Waterloo …

Sources :

– Mémoirs of Lieutenant General Thomas Picton (2 volumes)

– The last Caribbean Frontier, par Kit Candlin (1795-1815)

Descendants de Thomas Picton :

Jusqu’aux enfants.

Thomas Picton, né le 24 août 1758, Poyston, Rudbaxton, Pembrokeshire, Wales, tué le 18 juin 1815, Waterloo, Belgique, inhumé, caveau familial, St George, Hanover Square, London (à l’âge de 56 ans), lieutenant general, governor of Trinidad (1797-1802), governor of Tobago (1803).
Relation en 1798 avec Rosette Smith, née en 1778, décédée après 1813, dont

Total: 4 personnes (conjoints non compris).

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