Gloriande de Lauzières, dame de Séverac (1602-1635)

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Né à Cahors (Lot) en 1602
Morte à Séverac le Chateau le 8 avril 1635

 

Gloriande de Lauzières, naquit à Cahors (Lot) dans le courant de l’année 1602.

Elle était la fille aînée de Pons de Lauzières, marquis de Thémines et maréchal de France, et de son épouse Catherine d’Hébrard de Saint Sulpice. Sa famille était l’une des plus riches du Quercy. Son père avait été nommé par Henri IV gouverneur du Quercy, et il avait empêché les ligueurs de s’établir dans le Rouergue et dans le Haut Languedoc. Sous la régence de Marie de Médicis, il avait reçu le bâton de maréchal de France le 1er septembre 1616.

Il avait eu de son épouse deux fils (Antoine et Charles) et deux filles (Gloriande et Claudine) et entendait bien marier ces dernières à des fils de barons du Rouergue ou du Quercy, et non à un de ces nobliaux de cours qu’il croisait au Louvre lorsqu’il se rendait à Paris. Or, il avait sous son commandement un jeune seigneur issu d’une des plus anciennes familles du Rouergue, Louis d’Arpajon, dont le père Jean d’Arpajon, baron de Séverac, avait été nommé gouverneur du Rouergue par Henri IV en 1592.

Les deux provinces (Rouergue et Quercy) étaient limitrophes, et les deux gouverneurs qui se connaissaient bien (ils étaient tous deux d’anciens compagnons du roi Henri IV) convinrent que le jeune Louis d’Arpajon épouserait la jeune Gloriande de Lauzières lorsque celle ci serait en âge d’être mariée. C’est ainsi qu’à l’âge de deux ans, Gloriande de Lauzières, mademoiselle de Thémines, fut fiancée au jeune Louis d’Arpajon, âgé de quatorze ans.

Portrait de Gloriande de Lauzières d’après un tableau de Mignard vers 1622

Le marquis de Thémines projeta de célébrer le mariage dans le courant de l’année 1622 lorsque Gloriande aurait vingt ans.

Malheureusement pour Gloriande, sa mère, Catherine d’Hébrard de Saint Sulpice, n’assista pas à la cérémonie, puisqu’elle devait mourir quelques mois auparavant dans l’hiver de l’année 1621. Âgée d’une cinquantaine d’années, la pauvre femme avait vu dans le courant de l’année mourir ses trois autres enfants : son fils aîné Antoine de Lauzières était mort en septembre 1621 tué à la guerre au siège de Montauban, le fils cadet, Charles de Lauzières était mort en décembre 1621 à Monheurt, et sa dernière fille, Claudine de Lauzières était morte en couches à Toulouse de son deuxième enfant issu de son mariage avec Jean de Gontaut baron de Cabrerès.

Portrait de Pons de Lauzières, marquis de Thémines et marechal de France, père de Gloriande

Ainsi en ce début d’année 1622, Gloriande de Lauzières n’avait plus que son père en proche parent. Ce dernier lui donna une dot exceptionnelle de 120 000 livres pour son mariage avec Louis d’Arpajon, et Gloriande reçut en plus une part de l’héritage de sa mère.

Le 1er février 1622 au palais épiscopal de Cahors fut célébré avec faste le mariage de Gloriande de Lauzières et de Louis d’Arpajon fils du baron de Séverac. Il était convenu que les jeunes époux iraient séjourner ensuite dans le château de Séverac (Aveyron) où Gloriande devait faire connaissance avec sa belle mère Jacquette de Castelnau Caylus (épouse de Jean d’Arpajon) et mère de son époux Louis d’Arpajon.

Palais épiscopal de Cahors (Lot)

Tout porte à penser que le couple s’entendait bien, et que les deux jeunes gens avaient appris à se connaître au fil des années de fiançailles. Louis d’Arpajon bien qu’ayant une dizaine d’années de plus que son épouse, était, semble t’il, sincèrement épris de son épouse. Quelque mois après le mariage la jeune femme tomba enceinte ; Gloriande de Lauzières devait donner régulièrement des enfants à son époux : d’abord un fils, Pons d’Arpajon, (né en 1623) mais qui mourra dans la même année, suivi de Jeanne Louise d’Arpajon (en 1624), Jacquette Hippolyte d’Arpajon (en 1625), Gloriande d’Arpajon (en 1626) et enfin le jeune Jean Louis d’Arpajon (en 1632).

Toutes ses naissances se firent à Rodez, en Aveyron, où le couple avait un hôtel particulier. Entre les accouchement, Louis d’Arpajon, qui avait été nommé maréchal de camp en mai 1626, n’hésitait pas à emmener sa jeune épouse avec lui, à Paris, lorsque les circonstances le permettaient. Là, la jeune femme participait aux bals du Louvre, où le roi Louis XIII et son épouse Anne d’Autriche, entretenait une vie de cour faite de bals et de distraction qui réunissaient les nombreux seigneurs et dames du royaume. Lorsqu’elle n’était pas à Paris, ou à Rodez, Gloriande de Lauzières, dame d’Arpajon, séjournait dans son château de Séverac.

Portrait de Louis d’Arpajon, mari de Gloriande

En 1627, Gloriande eut la douleur de perdre son père, Pons de Lauzières, qui avait quitté la région du Quercy, car nommé par le roi Louis XIII au poste de gouverneur de Bretagne en 1626. Il devait mourir à Auray, dans le Morbihan, loin de sa fille, sa dernière famille, à l’âge de 73 ans.

La famille de Gloriande avait été particulièrement proche du roi qui avait permis son élévation sur le plan militaire : le mari de Gloriande devait lui aussi gravir les échelons très rapidement : Louis d’Arpajon était un militaire dans l’âme, et tout acquis au roi et à Richelieu.

En 1633, Louis d’Arpajon sera nommé chevalier des ordres du roi à la promotion du 14 mai, et en septembre, il sera nommé par Louis XIII conseiller d’état. Or, cette année là, Gloriande ne suivit pas son mari à Paris, et resta au château de Séverac.

Chateau de Séverac le Chateau (Aveyron)

Depuis son mariage, et en accord avec son mari, Gloriande avait entrepris d’embellir le château de Séverac. Cette sévère forteresse médiévale avait bien besoin de connaître le rayonnement des châteaux de la Renaissance. C’est auprès d’une femme de la famille de son mari que Gloriande alla recueillir des conseils avisés : cette femme, ce n’était pas sa belle mère, Jacquette de Castelnau Caylus, mais la belle mère de cette dernière, c’est à dire Françoise de Montal (veuve de Charles d’Arpajon, grand-père de Louis d’Arpajon) et donc la grand-mère de son époux.

Françoise de Montal avait été dame d’honneur de la reine Catherine de Médicis et avait connu le Louvre et les châteaux de la Loire dans sa jeunesse. Lorsqu’elle avait épousé le baron Charles d’Arpajon en 1573 (qu’elle avait épousé au Louvre en présence du roi Charles IX), elle avait la première mis la main au projet d’aérer la vieille forteresse de son mari (le château de Séverac). Ce dernier lui avait laissé carte blanche d’autant que Françoise de Montal avait été richement dotée. Françoise de Montal était demeurée au château de Séverac jusqu’en 1622, date du mariage de son petit fils Louis d’Arpajon avec Gloriande, et avait été la vraie châtelaine de ce château au détriment de sa bru, Jacquette de Castelnau Caylus, épouse de son fils Jean d’Arpajon.

Portrait de Jean d’Arpajon, père de Louis d’Arpajon (beau père de Gloriande)

En effet, lorsque le fils de Françoise de Montal, Jean d’Arpajon, avait épousé (contre son gré) la jeune Jacquette de Castelnau Caylus en 1589, Françoise de Montal avait continué à régner sur le château en dépit de la venue de sa jeune bru qu’elle détestait, et qui très vite le lui rendit bien. Ainsi, Jacquette de Castelnau Caylus s’était vue encore déposséder de son titre de châtelaine de Séverac par l’épouse de son petit fils, Gloriande de Lauzières, qui en 1622 avait relevé le titre au départ de Françoise de Montal, qui avait gracieusement cédé sa place à la femme de son petit fils pour se retirer en son château de Castelnau.

Ainsi, Gloriande arrivait dans un château où la propre mère de son mari n’avait jamais pu tenir aucun rôle décisif. Dès le début de son histoire marital, la jeune Gloriande se trouva nez à nez avec la jalousie et la haine de sa belle mère Jacquette de Castelnau Caylus, qui reléguée dans une autre pièce du château, devait subir l’emprise de Gloriande sur les transformations du château sur lequel elle n’avait jamais pu mettre son empreinte.

Portrait de Jacquette de Castelnau Caylus, mère de Louis d’Arpajon (belle mère de Gloriande)

Au moment où Gloriande franchissait le portail du château, toute jeune mariée, le lien de sympathie se fit donc avec Françoise de Montal (grand mère de son époux) et non avec la mère de ce dernier (Jacquette de Castelnau Caylus). Cette main mise de Françoise de Montal avait été consolidée légalement par le testament de son époux qui lui avait laissé les droits sur le château de Séverac au moment de sa mort en 1579. Françoise de Montal eut le temps de connaître la naissance de son arrière petit fils Jean Louis d’Arpajon en juillet 1632 avant de mourir en décembre de la même année. Elle aida Gloriande à aménager la vieille forteresse et notamment l’imposant logis dont la façade mesurera 85 mètres, et qui comprenait trois étages et deux sous sol, ainsi qu’une cuisine avec un âtre impressionnant pour contribuer aux dîners et aux fêtes que donnait Louis d’Arpajon en conviant toute la noblesse du voisinage.

Maquette du chateau de Séverac au XVIIème siècle

Cette transformation du château qui avait débuté en 1607 allait se poursuivre pendant 43 ans. C’est tout d’abord un architecte florentin, Sebastiano Gargioli, qui restaurera l’aile sud du château, puis un poitevin Pierre Didry, qui est le créateur du grand escalier monumental, et de la tour carrée de sept étages.

En cette année 1633, le château était toujours en chantier et Gloriande avait préféré demeurer à Séverac.

La cour intérieure du chateau de Séverac (Aveyron)

C’est au printemps 1633 que le drame va se nouer : Louis d’Arpajon était parti à Paris pour recueillir sa promotion de chevalier des ordres du roi. Le dernier accouchement de Gloriande l’avait laissé épuisée quelques mois auparavant, et son mari avait consenti à ce qu’elle reste au château de Séverac. On ne sait pas trop pourquoi Gloriande en vint à se laisser conter fleurette par un jeune seigneur du voisinage à ce moment là. Son dernier accouchement l’avait rendu dépressive peut être, et à l’âge de trente ans, elle avait envie de se sentir désirable. Or, Gloriande était encore jeune et belle, et sa beauté les premières années de son mariage avait attiré au château les barons du voisinage, charmés de rencontrer la dame de Séverac, et de répondre à l’invitation du baron Louis d’Arpajon qui savait recevoir avec faste, et dont les banquets étaient dignes d’un prince.

La porte d’entrée du chateau de Séverac (Aveyron)

L’un de ses seigneurs avait commencé à adresser des vers, en secret, à la jeune châtelaine. Gloriande de Lauzières était toujours en proie à la sourde rancœur de sa belle mère Jacquette de Castelnau Caylus, éternelle présence hostile au château et qui lui rendait la vie impossible dès que son époux n’était plus présent.

Charmée et séduite, Gloriande de Lauzières avait lu les poésies enflammées du jeune seigneur, et un soir, elle s’était abandonnée dans les bras de son séducteur, un nommé Jean de Lauziac.

Le couple fut discret, mais dans un château tout se sait et se voit, et Gloriande fut trahie par une de ses dames de compagnie, Catherine Levesque, femme du viguier Barthélemy Levesque. Cette dernière, qui était une des fidèles de Jacquette de Castelnau Caylus fit part de ses soupçons à cette dernière : Gloriande avait un amant ! Les deux femmes épièrent discrètement la dame de Séverac, et accumulèrent les indices, et les preuves, sur l’infidélité de Gloriande de Lauzières.

Au retour de son époux, revenu dès le printemps 1634, Gloriande sentit une froideur inaccoutumé de la part de ce dernier, qui, entre-temps avait été prévenu par écrit par sa mère des accusations d’infidélité que cette dernière répandait vis à vis de Gloriande. Louis d’Arpajon était jaloux par tempérament, mais jusqu’ici rien n’avait pu ébranler la foi qu’il avait en sa jeune femme. Il l’adorait, et il l’avait souvent soutenue contre sa mère lorsque celle ci dépassait les bornes.

Une vieille rue de la ville de Séverac le Chateau (Aveyron)

Cette fois ci, alors qu’il revenait auréolé de gloire de Paris, sa mère lui avait demandé un entretien particulier, lui avait fourni des preuves et produit le témoignage de la dame de compagnie de sa femme. Louis d’Arpajon connaissait bien le viguier de Séverac, Barthélemy Levesque qu’il estimait profondément, et lorsque la femme du viguier relata ce qu’elle avait vu (les petits mots de poésie, les rencontres furtives le soir entre les deux amants), le mari de Gloriande se sentit trahi par son épouse, et envahi d’une immense colère froide qui se transforma en dédain. Il décida de patienter et d’attendre son heure. Au cours de l’hiver 1634, le jeune seigneur Jean de Lauziac fut retrouvé égorgé sur la route menant de Séverac à Rodez. On conclut à une attaque de brigands, ces derniers ayant dévalisé et détroussé le jeune homme. Gloriande de Lauzières ne fit aucun commentaire lorsqu’elle apprit la mort de son amant, mais elle commença à se méfier : son époux était il au courant ?

Comme pour apaiser ses craintes, ce dernier lui confia qu’au printemps suivant ils partiraient tous les deux en pèlerinage à l’église de Ceignac (où étaient enterrés les seigneurs de Séverac) afin de faire des dévotions à la chapelle de ses ancêtres. Ce voyage n’avait rien d’inhabituel et Gloriande acquiesça avec plaisir.

En avril 1635, plusieurs litières dont une transportant Gloriande quittèrent Séverac et s’en allèrent sur le chemin de Montrozier en direction de Ceignac. Louis d’Arpajon suivait à cheval avec quelques hommes d’armes, les chemins n’étant pas surs et une troupe permettait toujours d’arriver à bon port. Gloriande de Lauzières avait pris place avec sa dame de compagnie, Catherine Levesque, dans la première litière. Elle comprit que quelque chose d’anormal se passait lorsque la litière fit halte, et reprit le chemin de Palanges tout en s’enfonçant au milieu des bois.

Voyage en litière

Inquiète, Gloriande demanda à sa dame de compagnie pourquoi l’on avait changé de route ?

La dame de compagnie répondit que ce nouveau trajet répondait à un souhait de Louis d’Arpajon. A cet instant, la jeune femme prit peur : la litière s’arrêta brusquement, et les rideaux furent tirés grands ouverts. Gloriande se retrouva face à face avec un homme qui était le barbier de son mari, un dénommé Brunet, et qui lui demanda sèchement de descendre de la litière. La jeune femme refusa, le barbier se saisit de son poignet et la força à descendre de la litière.

Bousculée, la jeune femme tomba rudement sur les pierres du chemin : en se relevant, Gloriande de Lauzières croisa à cet instant le regard de son mari dont le cheval venait de surgir dans la clairière, suivi d’une troupe à cheval qui était ses hommes d’armes. Le regard de ce dernier était glacial, lorsque Gloriande en faisant quelques pas vers lui lui demanda ce qui se passait, et pourquoi cette halte imprévue, Louis d’Arpajon lui répondit d’un ton sec qu’il connaissait la vérité sur son infidélité, que Gloriande avait souillé le nom des d’Arpajon et qu’il venait pour laver son honneur, et que seule la mort de son épouse pourrait racheter ce crime.

Sans entendre les cris de protestation de Gloriande, qui le suppliait de lui laisser la vie sauve, les hommes d’armes du baron d’Arpajon la saisirent par les bras et les jambes et la clouèrent au sol ; ils dégagèrent ses poignets et ses chevilles et le barbier de Louis d’Arpajon, lui ouvrit promptement les veines d’un coup de rasoir. La jeune femme, malgré sa lutte, et qui se débattait de toute ses forces, fut maintenue au sol par quatre hommes, alors que la terre se gorgeait de son sang sous le regard impassible du baron, qui n’avait pas mis pied à terre. Malgré les cris et les pleurs de Gloriande, personne ne vint à son secours.

Lorsque le barbier jugea que suffisamment de sang s’était répandu, il banda sommairement les plaies de la jeune femme exsangue, qui fut remise dans sa litière, évanouie, et ramenée à petits pas vers le château de Séverac, qu’elle venait de quitter quelques heures plus tôt. Le temps d’arriver au château, Gloriande de Lauzières, dame de Séverac, avait rendu son âme à dieu.

Portrait de Louis d’Arpajon

Devant les serviteurs affolés d’un malheur si soudain, Louis d’Arpajon expliqua que son épouse avait été prise d’un malaise sur le chemin, qu’elle avait perdu connaissance, et qu’il avait préféré revenir au château de toute urgence.

La belle mère de Gloriande fit préparer la veillée funèbre de la jeune femme qui fut enterrée le lendemain. On était le 8 avril 1635, et Gloriande de Lauzières n’avait que 33 ans.

Dans les mois qui suivirent, le viguier Barthélémy Levesque ainsi que le chirurgien furent comblés de bienfaits par le baron de Séverac. Puis Louis d’Arpajon reprit le chemin de Paris et continua sa brillante carrière militaire : en 1638, il fut fait gouverneur de Nancy ; en 1641, il fut lieutenant général des armées du roi Louis XIV.

En 1647, Cyrano de Bergerac, de passage au château de Severac pour assister à l’une des fêtes que donnait Louis d’Arpajon, entrevit l’une des filles de Gloriande, la jeune et jolie Jacquette Hippolyte d’Arpajon : poète à ses heures, il lui adressa ses vers dédiés « à Mademoiselle de Séverac » :

  • le vol est trop hardi que mon cœur se propose

  • il veut peindre un soleil par les dieux abîmé

  • un visage qu’Amour de ses mains a formé

  • ou des fleurs du printemps la jeunesse est éclose

  • une bouche ou respire une haleine de rose

  • entre deux arcs flambants d’un corail allumé

  • un balustre de dents, en perles transformé

  • au devant d’un palais ou la langue repose

  • un front ou la pudeur tient son chaste séjour

  • dont la table polie est le trône du jour

  • un chef d’œuvre ou s’est peint l’Orient admirable

  • superbe, tu prétends par dessus ses efforts !

  • l’éclat de ce visage est l’éclat adorable

  • de son âme qui luit au travers de son corps

L’idylle n’eut pas de suite, la jeune fille n’ayant pas encouragé les tentatives du jeune homme et quelques mois plus tard, elle entrait au couvent.

Portrait de Cyrano de Bergerac (Savinien de Cyrano) (1619-1655)

En 1647, Louis d’Arpajon fut envoyé par Mazarin en Pologne comme ambassadeur extraordinaire, et en 1650, le roi Louis XIV le fit duc d’Arpajon et pair du royaume. En 1653, il était ministre d’état.

En 1655 Madeleine de Scudéry tracera ce portrait du duc d’Arpajon :

« Il a de l’esprit, de l’étude, de la capacité et de l’expérience. Il est bon soldat et grand capitaine ; il sait tenir ses troupes dans une exacte discipline, et il sait admirablement l’art de se faire craindre et aimer de ses soldats en particulier et de ses sujets en général. Il a de plus tout à fait le procédé d’un homme de sa naissance ; car il est doux, civil et obligeant, principalement pour les dames. Il entend et parle avec facilité plusieurs langues ; il aime les lettres et toutes les belles choses ; il est magnifique et libéral, et a le cœur sensiblement touché de la belle gloire. Il prend tous les plaisirs des honnêtes gens, et il conserve un certain air galant qui fait voir à ceux qui s’y connaissent qu’il a eu le cœur très sensible à l’amour. »

En 1654, il semble que Louis d’Arpajon ait soulagé sa conscience auprès d’un prélat qui lui aurait vivement conseillé d’absoudre son péché en exécutant en pénitence le voyage à Notre Dame de Lorette. Le duc d’Arpajon fit le pèlerinage et en revenant à Séverac, il fit construire les chapelles de Saint Joseph, de Saint Louis et du Saint Sépulcre.

En 1657 il fut nommé sénéchal du Gévaudan. C’est cette même année que Louis d’Arpajon décida de se remarier : il épousa en février 1657 une riche héritière Marie Elisabeth de Simiane (âgée d’une trentaine d’années) alors qu’il en avait 67 ! Dans les semaines qui suivent, la nouvelle duchesse d’Arpajon apprit à son époux qu’il allait être père : très amoureux de Marie Elisabeth de Simiane, et enchanté de la nouvelle, Louis d’Arpajon décida de l’emmener avec lui à Pézenas où il devait tenir les Etats de la province du Languedoc.

Marie Elisabeth de Simiane duchesse d’Arpajon, deuxième épouse de Louis d’Arpajon

Hélas, malgré toutes les précautions prises, le voyage fut éprouvant pour la jeune femme qui était au stade d’une grossesse avancée. Elle dut s’aliter en arrivant à Pézenas, et quelques heures plus tard elle ressentait les première douleurs de l’enfantement : elle accoucha d’un fils mort-né le 9 novembre 1657.

Prise de vertiges, se sentant malade et affaibli, elle voulut dicter son testament (où elle léguait tous ses biens à son frère mais laissait à son mari l’usufruit de ces derniers), puis elle décéda le lendemain, victime d’une hémorragie qui lui fut fatale. Ce deuxième mariage n’avait donc pas apporté l’héritier souhaité à Louis d’Arpajon et à son grand dépit, car depuis des années, il était en lutte ouverte avec son unique héritier, son fils Jean Louis (né en 1632), issu de son union avec Gloriande de Lauzières, et qu’après la mort de celle ci il avait considéré comme né de la liaison adultère de son épouse, et donc entaché de bâtardise.

La haine du père pour le fils et vice versa avait empoisonné leur relation, d’autant que Jean Louis d’Arpajon avait recueilli des rumeurs disant que son père avait bel et bien assassiné sa mère Gloriande. Jean Louis d’Arpajon n’avait pas pu interroger sa grand-mère, Jacquette de Castelnau Caylus, cette dernière étant morte à 84 ans au printemps 1659 dans le château de Brusque où elle s’était retirée.

Afin d’avoir enfin un héritier digne de lui (et non entaché de soupçon de bâtardise), Louis d’Arpajon va décider de convoler pour la troisième fois avec Catherine Henriette d’Harcourt le 24 juillet 1659 à Paris : la jeune mariée a 37 ans, le marié en a 69 !

Portrait de Catherine Henriette d’Harcourt, duchesse d’Arpajon, troisième épouse de Louis d’Arpajon par les frères Beaubrun vers 1660

A cette époque le duc d’Arpajon réside à Paris dans un hôtel du Marais, rue d’Orléans. Contre toute attente, la nouvelle duchesse d’Arpajon (qui n’est plus toute jeune) va donner un fils à son vieil époux, fils que l’on prénommera Louis ,et qui naîtra neuf mois après le mariage en mars 1660 (mais hélas qui mourra quelques semaines plus tard). Or, ravi de la naissance de ce nouveau fils, Louis d’Arpajon va en profiter pour retirer de sa succession le fils de Gloriande de Lauzières : exaspéré par la conduite de son fils aîné le duc d’Arpajon va l’exhérédé (l’exclure de la succession) par acte du 4 mars 1660 dûment enregistré au Châtelet de Paris :

«  que malgré les soins qu’il a pris de l’éducation de son fils, il n’a rencontré en lui que de mauvaises inclinations ; que ce fils ingrat lui a toujours désobéi, qu’il s’est livré à toutes sortes de dérèglements ; qu’il s’est marié, depuis un an non seulement sans son consentement mais qu’il a contracté une alliance indigne de lui et de sa naissance ; qu’en ayant eu avis, il lui a député des personnes de sa maison pour lui faire part des défenses ; qu’au lieu de les écouter, il les a injuriées que son impiété l’a poussé jusqu’à porter son lit dans l’église de Calmont de Plancatge et à y coucher ; quoiqu’il eut une maison dans le lieu, à lui délaissée par son père ; qu’il s’est emparé à main armée du château de Séverac dans la nuit du 19 février 1660 et qu’après l’avoir occupé pendant un mois, il l’a pillé, enlevant or, argent, bijoux, objets d’art, titres, qu’à cause de tous ces crimes, il a exhérédé et exhérède son fils, ne voulant pas qu’il prenne aucune part dans ses biens, en quelque lieu qu’ils soient situés, soit meubles soit immeubles… »

Jean Louis d’Arpajon s’en en effet emparé du château de Séverac, par ruse, et en a chassé les soldats de son père. De plus, il a traqué tous les hommes d’armes présents lors de la mort de sa mère survenue vingt cinq ans plus tôt (les langues se sont déliées et les témoins du crime se sont manifestés) et il les a froidement assassinés. Il a, de plus, traqué le viguier de Séverac et son épouse, ancienne dame de compagnie de sa mère, et les a fait fouetter en place publique.

Portrait de Jean Louis d’Arpajon, fils de Gloriande par Pierre Mignard vers 1660

Il n’a malheureusement pas pu mettre la main sur le barbier responsable de la mort de sa mère qui n’était pas à Séverac à l’époque. La colère du fils désireux de venger la mort de sa mère va même aller plus loin afin de narguer son père. Il va rechercher en alliance la fille d’un des ennemis jurés des Séverac, issue de la famille de Vernou : Charlotte de Vernou, qui est une fille d’honneur de la reine Anne d’Autriche. La jeune fille, belle et bien dotée, épouse à l’âge de vingt trois ans, le 3 mai 1661 Jean Louis d’Arpajon à Paris en présence du roi Louis XIV, et de sa mère la reine Anne d’Autriche, mais sans le consentement de son père Louis d’Arpajon, qui en est fou de rage. Les de Vernou sont en effet alliés à la famille d’Ambres qui est en procès depuis des années avec les d’Arpajon.

Le duc d’Arpajon continue d’espérer un fils de son troisième mariage mais la troisième femme de Louis d’Arpajon lui donne ensuite une fille : Catherine Françoise d’Arpajon née en 1661, l’année même du mariage honni de son fils Jean Louis, mais il n’y aura plus d’enfants issus de ce couple. Et la mésentente continue entre le père et le fils aîné jusqu’à la mort prématuré de Jean Louis d’Arpajon qui meurt à l’age de 36 ans : il laisse trois jeunes enfants de son mariage avec Charlotte de Vernou, que leur grand-père Louis d’Arpajon a aussi renié et déshérité, et qu’il a refusé de voir.

En guise de révolte vis à vis de son beau père, Charlotte de Vernou (la veuve de Jean Louis d’Arpajon), qui a vu ses enfants déshérités, se remariera en 1671 avec le marquis d’Ambres, François de Gelas, l’ennemi juré de la famille d’Arpajon et entamera procès sur procès pour récupérer l’héritage de son mari.

Charlotte de Vernou, dame d’Arpajon, bru de Gloriande

En août 1672, Louis d’Arpajon rédigera son testament à Séverac, et afin d’écarter définitivement la lignée issue de son mariage avec Gloriande de Lauzières, il donnera sa terre de Séverac à sa fille Catherine Françoise (née de son troisième mariage) qu’il émancipera pour cela le 24 septembre 1678. Il mettra aussi dans son testament le viguier de Séverac et sa femme (témoins silencieux du meurtre de Gloriande) ; il n’oubliera pas non plus le barbier, complice du crime. Catherine Françoise d’Arpajon, unique enfant du duc, va donc hériter de tous les biens de Louis d’Arpajon. Elle épousera en 1689 François de la Rochefoucauld comte de Roye.

Sa petite fille, Françoise Pauline de la Rochefoucauld, sera guillotinée en juin 1794. Par une curieuse coïncidence, la petite fille de Louis d’Arpajon (issue de Gloriande par le biais de son fils Jean Louis) et qui se nommait Louise d’Arpajon mourra elle aussi sur l’échafaud en juin 1794 : elle avait été dame d’honneur de la reine Marie Antoinette d’Autriche, épouse de Louis XVI, qui la surnommait « Madame Étiquette » tant cette dernière était intransigeante sur les us et coutumes de la cour à Versailles.

Portrait de Françoise Pauline de la Rochefoucauld, duchesse de Biron guillotinée en 1794

Quant aux filles nées de l’union de Louis d’Arpajon avec Gloriande de Lauzières, elles ne donnèrent pas de descendance, car elles se réfugieront au couvent pour fuir un père et deux belles mères qu’elles n’appréciaient guère : Jeanne Louise d’Arpajon deviendra abbesse de Vielmur en 1665, et Jacquette Hippolyte d’Arpajon entrera au Carmélites du Faubourg St Jacques à Paris.

C’est au château de Séverac que Louis d’Arpajon rendra son âme à dieu le 27 avril 1679 à l’âge de 89 ans ; il n’aura jamais été inquiété pour le meurtre de son épouse, et la justice des hommes le laissera tranquille. Il aura même eu une carrière militaire assez remarquable à la cour du roi soleil pour terminer duc de France et ministre d’État.

Stèle funéraire du décès de Louis d’Arpajon (chapelle Notre Dame de Lorette à Séverac le Chateau)

A la fin de sa vie, le duc Louis demandera à être enterré aux côtés de sa seconde épouse, Marie Elisabeth de Simiane, dont le corps reposait dans l’église de Notre Dame de Ceignac à Calmont (Aveyron). Leurs deux cœurs furent réunis dans un coffret et placés sous une dalle de l’église de Notre Dame de Lorette à Séverac : à la Révolution, les révolutionnaires se rendirent à l’église de Notre Dame de Lorette, ils brisèrent le coffret pensant y trouver un trésor, et n’y trouvèrent qu’un petit tas de cendres qui était tout ce qui restait des cœurs du duc et de sa seconde épouse. Ils jetèrent le tout aux quatre vents.

Quant à la troisième épouse du duc, Catherine Henriette d’Harcourt, duchesse d’Arpajon, elle deviendra dame d’honneur de la Dauphine Marie Anne de Bavière en 1685, et finira sa vie sans se remarier, à Paris, où elle sera enterrée. Saint Simon relatera qu’étant veuve, elle consacrera sa vie dans les procès afin de garder l’héritage de sa fille contesté par les enfants issus du fils de Gloriande, Jean Luc d’Arpajon et par sa veuve Charlotte de Vernou.

Si la justice des hommes le laissa tranquille, il semble que le duc ait été la proie des remords : la légende veut que le duc, vers 1651, élèvera une chapelle (celle de Notre Dame de Lorette) sur un pic en face du château de Séverac (et qui sera dévalisée pendant la Révolution) dans le but d’expier son crime envers Gloriande : en effet, une légende tenace prétend que la chambre du duc d’Arpajon était hantée les soirs de pleine lune par une silhouette blanche qui errait ensuite dans les couloirs du château, cette silhouette représentait une jeune femme aux poignets ensanglantés. Le duc aurait aperçu une nuit ce fantôme et reconnut la silhouette gracile de sa première épouse Gloriande de Lauzières. Afin de permettre à celle ci de connaître la paix (et aussi pour apaiser ses remords) il ordonna l’édification de cette chapelle sur une colline en vis à vis du château de Séverac.

La chapelle de Notre Dame de Lorette (à droite) et en face le chateau de Séverac

Le poids du crime de Gloriande de Lauzières semble avoir déclencher une malédiction sur la descendance du duc Louis d’Arpajon. Aucun des enfants du duc n’eut une fin heureuse, et la guillotine acheva de faucher les descendants du meurtrier. Un mystère demeure cependant : nul ne sait où repose le corps de Gloriande de Lauzières : les archives du château ont enregistré sa date de décès, mais rien n’indique son lieu de sépulture.

Si vous prenez l’autoroute de Clermont Ferrand pour vous rendre dans le sud, n’hésitez pas à en sortir pour visiter le château de Séverac (en Aveyron) : il se dresse fièrement à quelques kilomètres de la sortie d’autoroute et on le distingue parfaitement.

La petite ville de Séverac, au pied de ce château monumental, est aussi digne d’intérêt pour les férus de vieilles pierres : ses rues tortueuses et piétonnes vous mèneront au château des d’Arpajon, qui se retrouve dans l’état actuel par la suite de deux incendies et de la fougue des révolutionnaires qui en ont fait une carrière de pierres. La mairie de Séverac en est maintenant propriétaire depuis 1966.

Si vous passez par là, ayez une pensée pour la pauvre Gloriande….

Sources :

  • « Histoire de Séverac le Château (association des amis du château).

  • « Histoire de Séverac, son origine, sa grandeur, sa décadence », édition de 1911, Edition Lacour, de Dominique de Saint Léons.

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Descendance de :

Gloriande de Lauzières, née vers 1602, décédée le 8 avril 1635 (à l’âge de peut-être 33 ans).
Mariée le 1er février 1622, palais épiscopal, Cahors (Lot), avec Louis, marquis de Séverac (1632), duc d’Arpajon (décembre 1650), vicomte de Lautrec, né vers 1590, décédé le 27 avril 1679, château de Séverac, Sévérac-le-Château (Aveyron), inhumé le 15 mai 1679, église Notre-Dame, Ceignac, Calmont (Aveyron) (à l’âge de peut-être 89 ans), duc et pair de France (1650), ministre d’état (1653), maître de camp du régiment du roi infanterie (1656), sénéchal du Gévaudan (1657)… dont

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